L’obligation de délivrance incombant au bailleur
La loi met à la charge du bailleur une obligation de délivrance.
L’obligation de délivrance recouvre deux obligations :
- le bailleur doit mettre la chose louée à la disposition du preneur (C. civ., art. 1719, 1° ou article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) (I)
- il "est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce" (C. civ., art. 1720) (II)
La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a ajouté l’obligation pour le bailleur de délivrer au preneur un logement décent (article 1719 du Code civil / article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) (III).
Si le bailleur qui ne respecte pas l’obligation de délivrance, sous ses différents aspects, pourra être sanctionné (IV).
- I. L’obligation de délivrance
« Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée » (Cass. 3e civ., 16 janv. 1980, n° 78-12-389 : JurisData n° 1980-700013).
La délivrance d’un local se fait par la remise des clés.
La convention prévoit le moment, et le lieu de délivrance.
Les frais de délivrance sont en principe à la charge du bailleur sauf si une clause prévoit le contraire.
- La délivrance
- La remise de la chose elle-même
Le bailleur a respecté son obligation de mise à disposition, lorsque que le locataire a été mis en mesure d'utiliser normalement la chose louée.
Le bailleur doit donc fournir au locataire tout ce qui est nécessaire à la jouissance des biens loués conformément aux contrats et aux usages.
Il a été jugé que ne satisfait pas à cette obligation de délivrance, le bailleur qui livre un local qui n'est pas achevé (Cass. 3e civ., C, 3 nov. 1988, n° 87-12.854, Jacobson c/ Checco : JurisData n° 1988-002648) ou qui met à la disposition du preneur un appartement avec un premier étage non aménagé alors qu'il résulte du contrat que toutes les pièces de la maison sont comprises dans le bail et que le bailleur s'était engagé à équiper cette partie du logement avant la prise de possession par le locataire (CA Rennes, 4e ch., 17 mai 2001, n° 00/00925 : JurisData n° 2001-153675).
- La remise des accessoires matériels et juridiques indispensables
Il faut se placer au moment de la formation du contrat pour déterminer quel accessoire est jugé indispensable par les parties comme nécessaire à la jouissance du locataire.
Exemple d’accessoires indispensables :
- la fourniture d'électricité est un accessoire nécessaire à l'utilisation du bien (Cass. 3e civ., 20 janv. 2009, n° 08-10.630).
- Les clés
- Documents administratifs …
- Délivrance conforme à la destination de l’immeuble
Le bailleur doit délivrer le local loué conformément à ce que prévoit le contrat afin qu’il puisse faire l’objet de l’affectation prévue.
Le bailleur doit vérifier que le local loué soit susceptible de recevoir l’affectation prévue notamment en matière de bail commercial où des contraintes doivent être respectées.
Selon une jurisprudence constante, la Cour de cassation considère que la clause par laquelle le preneur prend les lieux dans l'état où ils se trouvent ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrer un bien conforme à sa destination contractuelle (Cass. 3e civ., 5 juin 2002, n° 00-19.037 : JurisData n° 2002-014576 - Cass. 3e civ., 2 févr. 2010, n° 09-12 ?691 : JurisData n° 2010-051470).
- II. L’obligation de délivrance en bon état
L'obligation, pour le bailleur, de délivrer une chose en bon état de réparations n'a pas besoin d'être stipulée expressément car la nature du contrat suffit (C. civ., art. 1720).
Le bailleur doit faire toutes les réparations nécessaires pour rendre la chose louée propre à l'usage auquel elle était destinée dans la convention des parties.
Les clauses qui prévoient que le bailleur est déchargé de cette obligation sont licites mais elles sont interprétées strictement par les juges.
Les juges considèrent qu’une telle clause ne libère par le bailleur de son obligation de délivrance et de son obligation d’entretien de la chose louée en état de servir à l'usage auquel elle est destinée.
Si le bail ne prévoit pas une telle clause, le bailleur peut être déchargé de son obligation de délivrance en bon état si le locataire s’est installé dans des locaux en mauvais état ou ait accepté de recevoir une chose en mauvais état à condition qu’il ait été suffisamment informé de l’état des lieux loués.
- III. L’obligation de délivrance d’un logement décent
L’obligation de délivrance d’un logement décent s’applique aux habitations principales.
Le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 précise que le logement qui fait l'objet d'un arrêté d'insalubrité ou de péril n’est pas décent.
Pour être décent, le logement doit :
- répondre à des conditions de sécurité et d’hygiène concernant la nature des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement, les branchements de gaz et d'électricité et les équipements de chauffage, les dispositifs d'ouverture et de ventilation, etc...
- être doté d'éléments d'équipement et de confort nécessaires à l'habitation.
- disposer au moins d'une pièce principale dont la surface habitable doit être au moins égale à 9 m2.
Le logement décent doit comporter les éléments d'équipement et de confort suivants : une installation sanitaire intérieure au logement comprenant un wc, séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas, et un équipement pour la toilette corporelle, comportant une baignoire ou une douche, aménagé de manière à garantir l'intimité personnelle, alimenté en eau chaude et froide et muni d'une évacuation des eaux usées.
il a été jugé que l'installation sanitaire peut se limiter à un WC extérieur en cas de logement d'une seule pièce. Tel n'est pas le cas lorsqu'un mur sépare la pièce principale d'une autre pièce. (Cass. 3e civ., 21 mars 2012, n° 11-14.838, FS-P+B, Kersten c/ Bouvard (pourvoi c/ CA Paris, 10 déc. 2009) : JurisData n° 2012-004883)
Les tribunaux ont tendance à considèrer que les critères de décence doiventêtre appréciés en fonction des pièces.
L'article 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 permet de limiter l'installation sanitaire à un wc extérieur au logement à condition qu'il soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible.
- IV. La sanction du non respect de l’obligation
Le bailleur n’est pas responsable du défaut de délivrance des lieux loués s’il prouve un cas de force majeur et si l’impossibilité de délivrance est due au comportement du locataire.
Cependant, le bailleur reste responsable même si le comportement d’un tiers est à l’origine du défaut de délivrance du bien loué.
Lorsque le bailleur n’exécute pas son obligation de délivrance, le preneur peut demander au juge :
- l’exécution forcée à moins que ce soit impossible.
Le juge peut également ordonner les réparations qui s’imposent pour que la délivrance d’un logement en bon état soit respectée ou autoriser le preneur à les réaliser lui-même
- La résiliation du bail
Lorsque le bailleur exécute tardivement ou partiellement son obligation de délivrance, le preneur pourra solliciter :
- Une réduction des loyers correspondant à la privation de jouissance
- La résiliation du bail si l’obligation de délivrance devait avoir lieu à une date déterminée
La résiliation peut être demandée en cas de délivrance partielle, à condition que le juge considère l'inexécution comme suffisamment importante (Cass. civ., 17 nov. 1950).
- L’octroie de dommages et intérêts à condition qu’une mise en demeure ait été adressé au bailleur afin qu’il effectue son obligation.
- Le non paiement des loyers ou leur restitution en se fondant sur l’exception d’inexécution est admise par le juge si les manquements à l’obligation de délivrance sont graves et importants
Les juges ont admis l’exception d’inexécution, lorsque le manquement avait pour conséquence d’empêcher le preneur d’exercer l'activité prévue par contrat (Cass. 3e civ., R, 8 juin 1988, n° 87-11.107de l'Estoile c/ Dufour, préc. n° 8).
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.
Vous pouvez me poser vos questions sur conseiller juridique.net : http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm
Joan DRAY
Avocat à la Cour
joanadray@gmail.com
76/78 rue Saint-Lazare
75009 PARIS
tel:09.54.92.33.53
FAX: 01.76.50.19.67