La prise en charge des travaux par le locataire, au moyen d'une clause insérée dans le bail
Un bailleur peut, sous certaines conditions particulières, mettre à la charge du locataire, des travaux dans le cadre d’un bail à usage d’habitation.
Cet article étudiera seulement la possibilité prévue à l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 (II) après avoir rappelé l'obligation du bailleur de délivrance (I).
L'article 6 a) de la loi du 6 juillet 1989 prévoit:
"Le bailleur est obligé :
a) De délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;"
· L'obligation du bailleur
Le bailleur doit délivrer le logement au locataire dans certaines conditions: "en bon état d'usage et de réparation". (article 6 de la loi de 1989).
La loi précise: "un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation"
Ainsi le bailleur a l'obligation de louer un logement qui doit remplir certaines conditions pour que ce dernier respecte la sécurité et la santé du locataire ainsi que des conditions de vie décentes.
· sur le transfert des travaux au locataire au moyen d'une clause conventionnelle
Le bailleur peut vouloir transférer au locataire certains travaux au moyen d'une clause figurant dans le bail à usage d'habitation.
Toutefois l'article 6 a) prévoit la possibilité de laisser à la charge du locataire de remplir les conditions de délivrance vu précédemment en contrepartie de diminution de loyer par exemple.
Cependant les travaux prévus à l'article 6 c) ne peuvent pas être mis à la charge du locataire.
"c) D'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués ;"
Cet article est d'ordre public c'est-à-dire que l'on ne peut pas y déroger.
· Une possibilité uniquement dans les logements répondant aux normes
Ainsi, les travaux pouvant être mis à la charge, par convention dans une clause expresse, au locataire ne sont possibles que dans un logement remplissant déjà les conditions et normes réglementaires fixées par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.
Exemples de clauses écartées:
-une clause mettant à la charge les travaux dans un logement présentant des infiltrations et dont le gros œuvre n'est pas en bon état:
" L'article 6 a de la loi du 6 juillet 1989 permet aux parties de convenir des travaux que le locataire exécutera et des modalités de leur imputation sur le loyer; ce texte précise cependant qu'une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux normes minimales de confort et d'habitabilité définies par le décret du 6 mars 1987, en particulier ne présentant pas d'infiltration et dont les ouvrants et le gros œuvre sont en bon état, ce qui n'était pas le cas de l'appartement litigieux."
(CA Paris, 19 déc. 1994 : JurisData n° 1994-025702).
-"Ne répondent pas aux normes de confort et d'habitabilité les locaux loués consistant en un corps de bâtiment très vétuste, dépourvu de tout confort, sans eau ni d'électricité, sans chauffage, ne comprenant ni cuisine, ni salle d'eau, ni cabinet d'aisance intérieur.
Il s'ensuit que la clause de travaux à charge du preneur moyennant leur imputation sur le loyer est nulle.
Le préjudice subi du fait de la délivrance de tels locaux, aménagés par lui en vertu d'une clause encourant la nullité, et occupés, après travaux, sera réparé par une réduction des loyers à titre de dommages et intérêts, sans qu'il y ait lieu dans ces circonstances, de prononcer la nullité du bail."
(CA Paris, 6e ch. B, 24 oct. 2001, n° 1999/23220 : JurisData n° 2001-156762 )
La Cour de cassation a affirmé que les travaux mis à la charge de manière conventionnelle au locataire ne peuvent pas être des travaux de mise aux normes.
" Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté de tous les éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Le bailleur doit délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement.
Les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer.
Une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux normes minimales de confort et d'habitabilité définies par décret. "
En l'espèce, la salle de bains n'était pas cloisonnée et la Cour de cassation en a déduit que le logement n'était pas aux normes. Les travaux ne pouvaient donc pas être mis à la charge du locataire même avec une contrepartie.
La Cour d’Appel de PARIS a rendu un arrêt important le 8 mars 2016 où elle précise que le bailleur ne peut pas transférer au locataire les travaux de mise aux normes et de rénovation et d'amélioration du confort de l'appartement car cela est contraire aux dispositions de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989.
La Cour d’Appel fait interdiction au bailleur de transférer conventionnellement des travaux qui incombent au bailleur, notamment des travaux qui doivent garantir la sécurité du locataire ( électricté, etc..).
Cette clause a donc étè déclarée non écrite.
· La précision de la clause sur les travaux concernés
La clause doit être précise sur les travaux concernés et mis à la charge du locataire par le bailleur.
Si la clause porte sur des travaux de remise aux normes, elle est réputée non écrite sur ce point.
Dans un arrêt de la cour d'appel de Paris, de mars 2016, la clause n'était pas suffisamment précise sur les travaux mis à la charge du locataire.
De plus le locataires avait justifié des travaux de mise aux normes:
"mise aux normes de l'électricité et du chauffage et de sécurisation du garde-corps de la terrasse."
La clause était imprécise et les travaux de mise aux normes ne pouvaient pas être mis à la charge du locataire:
CA Paris, 4e ch., 8 mars 2016, n° 14/13141, L. c/ A. : JurisData n° 2016-005119
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Joan DRAY
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