Blessures involontaires : les conditions de la responsabilité pénale du chef d’entreprise :

Publié le 08/05/2012 Vu 16 960 fois 0
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De plus en plus souvent, la responsabilité pénale du chef d’entreprise est recherchée dans les différents domaines de son activité. Tel est notamment le cas lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail. Or, en matière pénale, le principe est celui de la responsabilité personnelle au terme duquel « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait » (article 121-1 CP). Toutefois, ce principe connait des exceptions. Ainsi, une personne morale est pénalement responsable des infractions commises pour son compte, par ses organes ou ses représentants (art 121-2 CP). Il en résulte par exemple que si un salarié est victime d’un accident du travail, l’entreprise peut donc être condamnée, sous certaines conditions, pour blessures involontaires (art 222-19 CP) (Cass crim 11 avril 2012 n° 10-86974). Cette solution se justifie par l’obligation de sécurité de ses travailleurs qui pèse sur le chef d’entreprise. Aussi, dans cet article, il s’agira de rappeler les causes pour lesquelles la responsabilité pénale du chef d’entreprise pourra être retenue en droit du travail avant de citer quelques exemples jurisprudentiels.

De plus en plus souvent, la responsabilité pénale du chef d’entreprise est recherchée dans les différent

Blessures involontaires : les conditions de la responsabilité pénale du chef d’entreprise :

Blessures involontaires : les conditions de la responsabilité pénale du chef d’entreprise :

De plus en plus souvent, la responsabilité pénale du chef d’entreprise est recherchée dans les différents domaines de son activité.

Tel est notamment le cas lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail.

Or, en matière pénale, le principe est celui de la responsabilité personnelle au terme duquel « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait » (article 121-1 CP).

Toutefois, ce principe connait des exceptions.

Ainsi, une personne morale est pénalement responsable des infractions commises pour son compte, par ses organes ou ses représentants (art 121-2 CP).

Il en résulte par exemple que si un salarié est victime d’un accident du travail, l’entreprise peut donc être condamnée, sous certaines conditions, pour blessures involontaires (art 222-19 CP) (Cass crim 11 avril 2012 n° 10-86974).  

 

Cette solution se justifie par l’obligation de sécurité de ses travailleurs qui pèse sur le chef d’entreprise.

 

Aussi, dans cet article, il s’agira de rappeler les causes pour lesquelles la responsabilité pénale du chef d’entreprise pourra être retenue en droit du travail avant de citer quelques exemples jurisprudentiels.

 

1/ Les causes de responsabilité du chef d’entreprise en droit du travail :

 

En matière d’hygiène et de sécurité au travail, l’article L263-2 du Code pénal dispose que « Les chefs d'établissement, directeurs, gérants ou préposés qui, par leur faute personnelle, ont enfreint les dispositions des chapitres 1er, II et III du titre III du présent livre ainsi que les autres personnes qui, par leur faute personnelle, ont enfreint les dispositions des articles L. 231-6, L. 231-7, L. 231-7-1, L. 232-2, L. 233-5, L. 233-5-1, II, L. 233-5-3 et L. 233-7 dudit livre et des décrets en Conseil d'Etat pris pour leur exécution sont punis d'une amende de 3750 euros . »

 

Il en résulte que le domaine de l’infraction est très vase puisque cet article fait référence soit à des dispositions générales en matière d'hygiène et de sécurité, soit à des dispositions particulières à certaines activités.

 

Par ailleurs, l'obligation générale de prévention mise à la charge de l'employeur par l'article L. 230-3 du Code du travail peut donner lieu à l'application de peines de police en application de l'article L. 230-5 du Code du travail.

 

  • Elément matériel de l’infraction :

 

Il faut tout d’abord qu’il y ait inobservation d’une prescription obligatoire en matière de sécurité.

 

Il faut ensuite qu’il existe une situation potentiellement dangereuse.

 

Il en résulte que l'infraction ne peut résulter de la seule constatation d'une situation dangereuse, quand bien même celle-ci procéderait d'une méconnaissance par l'employeur de son obligation générale de sécurité. Le manquement à une telle obligation n'est en effet sanctionnée qu'au titre du délit d'imprudence de droit commun, en cas d'atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité physique d'un salarié (Cass. crim., 23 oct. 1990 : Juris-Data n° 1990-703670).

 

  • L’élément moral de l’infraction :

 

L'infraction de l'article L. 263-2 du Code du travail punit la violation de prescriptions de règles de sécurité sans s'intéresser à sa gravité.

 

Il en résulte qu’aucune intention coupable n'est par conséquent requise au titre de l'élément moral de l'infraction.

 

Autrement dit, le simple constat qu'une prescription obligatoire n'a pas été respectée suffit en principe à caractériser la faute, et partant l'infraction.

 

Ainsi, en raison de sa qualité de professionnel du chef d'entreprise ou de son délégataire, le non-respect des prescriptions d'hygiène et de sécurité constituera une faute d'imprudence ou de négligence (Cass crim 17 juin 1997 : RJS 10/97, n° 1101).

 

A cet égard, il convient de noter que la faute de l’employeur doit être appréciée in concreto.

 

En effet, l’article 121-3 du Code pénal dispose qu’il  y a délit en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement "s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait" (C. pén., art. 121-3, al.3).

 

C’est donc au regard d’une appréciation souveraine des faits, permettant de déterminer si le chef d’entreprise a accompli les diligences normales au regard de la situation, que les juges se détermineront.

Enfin, il convient de préciser qu’aux termes de l'article L. 263-2, les personnes susceptibles d'être déclarées pénalement responsables de la violation d'une prescription obligatoire d’hygiène ou de sécurité sont "les chefs d'établissement, directeurs, gérants ou préposés qui, par leur faute personnelle, ont enfreint les dispositions...».

 

Il en résulte que la responsabilité des personnes morales ne pourra être ici recherchée dans la mesure où il n’existe pas de responsabilité de la personne morale expressément prévue en matière d’hygiène et de sécurité.

 

En conséquence, c’est  uniquement le dirigeant, de droit ou de fait, de l’entreprise qui verra sa responsabilité recherchée, à moins qu’il ne puisse établir qu’il peut bénéficier de causes exonératoires de sa responsabilité.

 

2/ Illustrations jurisprudentielles récentes :

 

  • Les conditions de responsabilité d’une personne morale pour manquements aux obligations d’information et de formation :

 

Dans un arrêt du 11 avril 2012, la Cour de cassation a rappelé que la responsabilité pénale d’une personne morale  ne peut être engagée que si les manquements aux obligations d’information et de formation pesant sur l’employeur résulte de l’abstention d’un de ces organes ou de son représentant et qu’ils ont été commis pour son compte.

 

En l’espèce, une cour d’appel avait condamné une société pour blessures involontaires et infraction à la sécurité des travailleurs après avoir constaté que la victime, qui avait été blessée par une pelle mécanique sur un chantier, n’avait pas bénéficié d’une formation pratique et approprié sur les risques occasionnés par le fait de travailler à proximité d’un gros engin de chantier (art L4141-1 et L4741-1 CP).

 

La Cour de cassation a censuré cet arrêt en rappelant que le fait qu’il y avait eu des manquements en matière de formation ne suffisait pas à condamner pénalement la société.  (Cass crim 11 avril 2012 n° 10-86974).

 

  • La responsabilité pénale du gérant de fait :

 

Dans un arrêt du 17 juin 2008, la Cour de cassation a jugé que « Le dirigeant de fait, responsable de la sécurité dans l'entreprise, peut se voir imputer un délit de blessures involontaires alors même que la société a été placée en redressement judiciaire.

 

En l’espèce, à la suite de négligences en matière de sécurité ayant entraîné des blessures sur un salarié d'une usine de fabrication et distribution de produits surgelés, le gérant de fait de l'entreprise a été poursuivi pénalement sur le fondement des articles 222-19 du Code pénal et L. 263-2 du Code du travail.

 

Pour sa défense, il a fait valoir qu'à la date de l'accident, la société avait été placée en redressement judiciaire et que l'administrateur judiciaire était seul investi des pouvoirs de direction et de contrôle de l'entreprise.

 

Mais les juges du fond ont au contraire considéré que le jour de l'accident, l'administrateur n'avait même pas eu connaissance de cette nomination. Il ne pouvait donc exercer un quelconque pouvoir de direction effective de l'entreprise.

 

La cour de cassation confirme cette solution en estimant que « dès lors que l'accident procède des seuls manquements imputables aux prévenus, antérieurs à la désignation de l'administrateur judicaire », seul le gérant de fait, en charge de la sécurité des salariés, peut voir sa responsabilité engagée (Cass crim 17 juin 2008).  

 

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Joan DRAY
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