Qu’est ce qu’une caution avertie ?
Il est fréquent que le banquier invoque la qualité de caution avertie afin d’écarter sa responsabilité pour manquement à son devoir de mise de garde en garde.
En effet, selon une jurisprudence établie, la caution avertie n'est pas en droit d'engager la responsabilité de la banque pour non respect de son devoir de mise en garde (Cass. com., 8 oct. 2002 : JCP E 2002, 1730 - Cass. ch. mixte, 29 juin 2007 : JCP E 2007, 2105).
La charge de la preuve repose sur le banquier, qui, s’il veut échapper à sa responsabilité, est tenu d’établir ce caractère.
A cet égard, il convient de rappeler que la caution non avertie (ou profane) est celle qui s'engage pour rendre service à un membre de sa famille ou à un proche alors que la caution avertie est celle qui a été en mesure d'apprécier le risque résultant de son engagement.
Toutefois, en pratique, la frontière entre les deux est parfois incertaine. La Cour de cassation est régulièrement saisie de pourvoi en ce sens notamment en ce qui concerne les dirigeants cautions.
A cet égard, il convient de préciser qu’en vertu d’une jurisprudence constante, une personne n’est pas automatiquement considérée comme une caution avertie du seul fait qu’elle est dirigeante de société.
Cet article a pour objet de préciser la notion de caution avertie au regard des critères retenus par la jurisprudence.
- L’immixtion dans la gestion :
Dans un arrêt du 17 mai 2011, la Chambre commerciale a jugé que la seule constatation que la caution s'est immiscée dans la gestion de l'entreprise cautionnée n'est pas suffisante à établir que la caution était avertie (Cass Com 17 mai 2011 Pourvoi n° 10-14.936 : JurisData n° 2011-008989).
Dans cette espèce, la Cour d’appel s’était contentée de relever que la caution s’était immiscée dans la gestion de l’entreprise, circonstance que la Cour de cassation estime insuffisante pour faire d’elle une caution avertie.
Il en résulte que les juges du fonds apprécient in concreto les circonstances et le degré d'immixtion de la caution dans les affaires de l'entreprise.
En outre, il convient de préciser que le critère de l’immixtion est apprécié au regard de la société cautionnée et non d’une société tierce comme le rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 31 janvier 2012.
En l’espèce, la Cour d'appel avait certes relevé la qualité de dirigeant des cautions. Mais celles-ci étaient les dirigeantes d'une société tierce et non de la société cautionnée. Il n'était alors pas établi que ces dirigeants étaient impliqués dans la gestion de la société cautionnée.
Aussi, la cour de cassation a rappelé que le dirigeant caution n’est averti que s’il est impliqué dans la gestion de la société cautionnée (Cass. com., 31 janv. 2012, n° 10-24.694, F-D : JurisData n° 2012-001378).
En revanche, dans une espèce, trois personnes se sont portées cautions solidaires envers la BNP des engagements de la société Minerva. Cette société ne respectant plus ses engagements à l'égard de la BNP, cette dernière se retourne contre les cautions.
Les juges du fond ont retenu à l’encontre de la banque un manquement à son devoir de mise en garde.
A cet égard, ils ont relevés que le fait que l'une des cautions ait été administrateur de la société, que l'épouse d'une autre caution, président du conseil d'administration de la société, ait occupé un emploi d'assistante commerciale dans la société disposant d'une procuration sur les comptes bancaires de la société et d’autre part, que la troisième caution ait eu la qualité d'administrateur de la société anonyme et qu'elle ait loué des locaux à la société, n'entraînait pas de responsabilités réelles de gestion de la société de sorte qu'elles devaient être considérées comme des cautions profanes.
Cette décision est cassée, la Cour de cassation rappelant que de tels motifs, sont impropres à établir que ces personnes auraient été des cautions non averties (Cass com 9 février 2010 n° 09-11262).
- Les compétences et l’expérience de la caution :
Dans un arrêt du 11 avril 2012, la Cour de cassation a rappelée que les qualifications de caution avertie et de dirigeant sociale ne sont pas indissociablement liées.
En l’espèce, la caution gérante de la société emprunteuse « était titulaire d’une maîtrise de lettres et d’un DESS de l’information et la documentation et avait exercé des activités.
Les juges du fond avait considéré qu’elle ne pouvait pas, de ce fait, être considérée « comme gérante avertie de la gestion d’une société commerciale », pas plus que comme caution avertie.
La Cour de cassation valide cette analyse in concreto de la notion de caution avertie faite par les juges du fond (Cass Com 11 avril 2012 n° 10-25.904).
De même, la Cour d’Orléans a statué dans ce sens dans un arrêt du 20 décembre 2007, en relevant que la caution dirigeante, fondatrice et gérante de l’EURL, avait été précédemment au chômage et s’était reconvertie en tant que chef d’entreprise sans avoir les compétences dans le secteur d’activité ni l’expérience suffisante pour appréhender les risques de l’opération (CA Orléans, 20 décembre 2007, RG n° 07/00019).
Il en résulte que la qualité de dirigeant de la caution ne dispense pas la banque de vérifier si elle avait la qualité de caution avertie ou non au moment de la souscription de l’engagement.
En conclusion, il semble que la jurisprudence s’oriente vers une conception restrictive de la notion de caution avertie afin de renforcer la protection des cautions personnes physiques.
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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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