Les époux qui s'engagent en termes identiques dans le même acte de prêt en qualité de caution pour la garantie de la même dette sont réputés s'engager simultanément, ce qui exclut l'application de l'article 1415 du Code civil.
La chambre commerciale affirme dans un arrêt du 5 février 2013 que :
"Attendu qu'il résulte, d'un côté, des conclusions de M. et Mme X... devant la cour d'appel que, le 29 novembre 2004, ont été signés les actes de financement ainsi que les engagements de caution et de l'autre, que ces derniers se sont engagés en termes identiques sur le même acte de prêt en qualité de caution pour la garantie de la même dette ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'ils s'étaient engagés simultanément, la cour d'appel en a exactement déduit que l'article 1415 du code civil n'avait pas vocation à s'appliquer ; que le moyen n'est pas fondé ;
La survenance de la procédure collective du débiteur cautionné est l'occasion pour la Cour de juger que les exigences de l'article 1415 du Code civil ne s'appliquent pas dès lors qu'est conclu un seul contrat de cautionnement par les deux époux, pour garantir une même dette" (Cassation, chambre commerciale, 5 février 2013, n° 11-18.644).
Cet arrêt observé permet de préciser sur les contours de l'article 1415 du Code civil dans le cas où deux époux communs en biens se portent caution d'un prêt.
En l'espèce, deux époux mariés sous le régime légal de la communauté de biens se sont portés cautions solidaires dans un même acte, à concurrence de la même somme. Le cautionnement garantissait un prêt accordé à leur société, dans le but d'acquérir le capital social d'une autre société. Mais la société garantie a été mise en liquidation judiciaire. La banque déclare sa créance et poursuit les époux cautions sur leurs biens propres et leurs biens communs. La question posée était donc celle de l'assiette de l'engagement des cautions.
L'argumentation des époux était la suivante : l'article 1415 du Code civil cantonne le droit de gage des créanciers aux biens propres et revenus de chaque époux lorsque le cautionnement est contracté sans le consentement exprès de l'autre époux. Ainsi, il trouvait à s'appliquer en l'espèce puisque la preuve du consentement de l'autre époux n'était pas rapportée.
Cependant, la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme l'arrêt d'appel.
Elle estime que les époux, s'étant engagés en termes identiques, dans le même acte de prêt en qualité de caution pour la garantie de la même dette, s'étaient alors engagés simultanément.
Cette solution a déjà été retenue précédemment dans un arrêt de la première chambre civile du 14 novembre 2012 (Cassation, 1ère civile, 14 novembre 2012, N°11-24.341).
De même, dans un arrêt du 13 octobre 1999, la première chambre civile affirmait que "lorsque chacun des époux se constitue caution pour la garantie d'une même dette, l'article 1415 du Code civil n'a plus lieu de s'appliquer ; qu'à bon droit, dès lors, la cour d'appel, qui a constaté que les époux X..., dirigeants de la société débitrice, avaient, sur chaque acte de prêt consenti à celle-ci, apposé la mention identique de leur cautionnement, a considéré que lesdits époux avaient engagé leurs biens communs".
Ainsi, la chambre commerciale suit le raisonnement de la première chambre civile et conclut que l'article 1415 du Code civil n'avait pas vocation à s'appliquer. Quand bien même les actes de cautionnement seraient séparés, il faut en déduire leur unicité en raison de l'identité des engagements et de l'identité de la dette garantie. De ce fait, l'article 1415 du Code civil, qui a vocation à protéger l'époux qui ne consent pas au cautionnement, ne doit pas pouvoir s'appliquer à ces situations.
Par conséquent, l'ensemble du patrimoine du couple, constitué des biens propres de chaque époux et des biens commun, entre dans le droit de gage des créanciers.
L'article 1413 du Code civil s'applique à l'espèce, selon lequel les dettes nées pendant la communauté sont poursuivies sur les biens communs.
De même, cet arrêt reprend les solutions antérieures relatives à l'appréciation de la disproportion du cautionnement par rapport aux biens et revenus des cautions.
Aux termes de l'article L. 341-4 du Code de la consommation :
"Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation".
Les époux évoquaient le caractère manifestement disproportionné des cautionnements conclus par rapport à leurs biens propres et revenus. Or, les dettes des époux étant poursuivies sur les biens communs, l'appréciation de la disproportion ne s'apprécie pas en fonction des biens propres et des revenus de chacun mais bien au regard des biens communs des époux.
Cet article est à mettre en relation avec l'article précédent intitulé "Epoux cautions et droit de poursuite des créanciers", il en est une application : http://www.legavox.fr/blog/maitre-joan-dray/epoux-caution-droit-poursuite-creancier-15260.htm#.U6wLrdoaySM
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Joan DRAY
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