Les contrats de cession de fonds de commerce prévoient le plus souvent à la charge du vendeur une clause de non-concurrence pour une certaine durée et sur un territoire déterminé, lui interdisant de continuer l’activité cédée.
A travers cette clause, vendeur et acheteur déterminent librement ses conditions d’applications et se protègent l’un et l’autre.
La rédaction de la clause de non-concurrence doit être adaptée à chaque situation, elle ne peut être excessive et doit être justifiée par un intérêt légitime appuyé sur la réalité des risques encourus par l’acquéreur.
Si l’obligation de non-concurrence est déjà existante pour le cédant, la clause de non concurrence permet d’aménager et de garantir une confiance entre les partenaires au moment de la signature du contrat de cession.
- Les conditions de validité d’une clause de non-concurrence
En principe, les conditions de validité d’une clause de non-concurrence ne sont pas définies par la loi mais par les juges.
Pour les tribunaux, pour être valable, une clause de non-concurrence doit être déterminée géographiquement et temporellement, conforme aux intérêts légitimes de la société et proportionnée.
La clause de non-concurrence qui n'est pas conforme à ces conditions est susceptible d'être annulée par un tribunal.
- Le critère géographique ou temporel
La clause de non-concurrence doit être déterminée géographiquement et pour une certaine durée c’est-à-dire qu’elle ne peut pas s’appliquer sur l’ensemble du territoire français et pour une durée indéterminée.
Il faut souligner qu’une clause limitée dans le temps et l’espace dans un contrat de franchise peut ne pas être proportionnée par rapport à l’objet du contrat (Cass. com., 12 mars 2002, Sté Troc de l’Île c/ Sté Nicolas : Juris-Data n° 2002-013658).
- La conformité aux intérêts légitimes de la société
Une clause de non-concurrence doit également être limitée dans son objet, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas interdire purement et simplement l'exercice par l'intéressé de son activité professionnelle, ce qui constituerait une atteinte à sa liberté d'entreprendre.
Elle doit être conforme voire nécessaire aux intérêts légitimes de l’entreprise pour par exemple, protéger des informations confidentielles.
Elle ne peut que restreindre cette liberté mais pas la supprimer c’est pourquoi, serait nulle la clause qui déposséderait un commerçant franchisé, propriétaire de son fonds de commerce, de toute sa clientèle et qui l'empêcherait d'exercer sa profession.
- La proportionnalité de la clause de non-concurrence
Pour être licite, la clause de non-concurrence ne doit pas comporter de restrictions excessives de concurrence devant être strictement proportionnée à la fonction qu’elle remplit (Cass. com., 4 mai 1993 : Juris-Data n° 1993-000789 ; Bull. civ. 1993, IV, n° 172).
A titre d’exemple, la disproportion peut tenir au fait que la clause est stipulée pour une durée trop longue ou s’étendre à un territoire trop important (Cons. conc., déc. n° 92-D-20, 10 mars 1992, Distribution de boissons, Rapp. pour 1992, p. 46).
Elle peut être disproportionnée par rapport à l’objet du contrat car elle va au-delà de ce qui est nécessaire (Cass. com., 9 nov. 1993 : Bull. civ. 1993, IV, n° 399 ; D. 1994, jurispr. p. 399, note M. Lombard et somm. p. 220, obs. Y. Serra. – CA Paris, 5 janv. 2000 : Petites affiches 19 juill. 2000, n° 143, p. 23 et nos obs.).
- Les personnes tenues par l’obligation de non-concurrence
Généralement, la clause de non-concurrence est à la charge du vendeur mais dans certains cas, elle peut s’appliquer à d’autres personnes telles que les dirigeants et associés de la société cédante.
Dans un arrêt de la Cour de cassation (Cass. com., 3 mars 2015, pourvoi n°13-19.164), celle-ci s’est posée la question de savoir quelles personnes (physiques ou morales) peuvent être tenues pour responsables d’un engagement de non-concurrence figurant dans un acte de cession de fonds de commerce.
En l’espèce, la personne dont la responsabilité était poursuivie n’était aucunement signataire de l’acte de cession comprenant une telle clause donc sa responsabilité ne saurait évidement être engagée que pour complicité de l’inexécution de l’obligation contractuelle par le débiteur de l’obligation.
Lorsque la personne dont la responsabilité est poursuivie, est signataire de l’acte de cession comprenant une telle clause, il convient de déterminer en quelle qualité celle-ci a signé ledit acte.
- Le sort des dirigeants et associés de la société cédante
Jusqu’en 2006, la Cour de cassation considérait qu’en cas de « cession d'un fonds de commerce, la garantie légale d'éviction interdit au vendeur de détourner la clientèle du fonds cédé, et que si le vendeur est une personne morale cette interdiction pèse non seulement sur elle, mais aussi sur son dirigeant ou sur les personnes qu'il pourrait interposer pour échapper à ses obligations » (Cass. com., 24 mai 2005, pourvoi n°02-19.704, Juris-Data n°2005-028552, D. 2005, AJ p. 1637, obs. E. Chevrier; Contrats, conc., consom. 2005, comm. n° 135, obs. M. Malaurie-Vignal).
Par la suite, elle a retenue que la clause de non-concurrence contenue dans un acte de cession de fonds de commerce est inopposable au dirigeant social, lorsque que ce dernier n’est pas partie à l'acte de cession dans lequel la clause est stipulée, n'y est pas nommément visé et ne l’a jamais acceptée (Cass. com., 11 juillet 2006, pourvoi n°04-20552, D. 2006, p. 2923).
De même, il a été jugé que le cessionnaire d'un fonds de commerce ne saurait reprocher aux dirigeants et associés de la société cédante d'avoir personnellement violé la clause de non-concurrence dès lors qu’en l’espèce le seul « vendeur » du fonds de commerce était la société et non les personnes physiques qui étaient associées au sein de celle-ci ou la gérante la représentant légalement (CA Nîmes, 15 octobre 2009, RG n°07/04651, Juris-Data n°2009-020148).
- L’interdiction au vendeur d’être salarié dans un fonds similaire
Il a été reconnu par la chambre commerciale de la Cour de cassation qu’une clause de non-concurrence rédigée en des termes généraux peut être interprétée de manière extensive.
Elle retient que que la clause rédigée dans le but d’exclure tout risque de concurrence liée à une confusion dans l’esprit de la clientèle et susceptibles d’apporter un trouble à la jouissance paisible de la chose vendue peut interdire les vendeurs de travailler en tant que simples vendeurs dans un fonds de commerce situé à proximité de celui-vendu.
Elle estime que les vendeurs avaient créé un détournement de clientèle préjudiciable aux acquéreurs du fonds de commerce vendu (Cass. com. 6 juin 1990 ; …poux BÈchard c. …poux Chaniac).
Toutefois , la Cour de Cassation a précisé que le simple fait pour le vendeur d’un fonds de commerce , d’exerçait postérieurement à l’acte de cession , une activité salariée ne suffisait pas à caractériser la violation d’un engagement de non-concurrence.
Dans cette affaire, le vendeur était salarié d'une société exploitant à proximité du fonds vendu un commerce de même nature.
La Cour d'appel avait déduit de cette seule circonstance que l'intéressé avait violé la clause de non-rétablissement. Elle ne pouvait pas se prononcer ainsi, rappelle la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté, sans rechercher si le comportement du vendeur était susceptible de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle et de détourner celle-ci du fonds vendu.
Cass. com. 22 octobre 1991, n° 1257 P, Epoux Chaffin c/ Epoux Soupiron et autre.
La violation d'une clause de non-concurrence donne lieu au versement de dommages-intérêts au profit de celui qui en est victime.
Le juge peut également interdire la poursuite de l'activité illicitement exercée.
A noter que celui qui bénéficie de la clause de non-concurrence ne doit pas apporter la preuve d'une faute ou d'une déloyauté de son cocontractant mais seulement établir que ce dernier a exercé une activité interdite par ladite clause.
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Joan DRAY
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