Cession des parts sociales et cession du compte-courant du cédant
Par un arrêt du 11 janvier 2017, la Cour de Cassation a affirmé que la cession des parts sociales n’emportait pas cession du compte-courant d’associé du cédant ,s’il n’y a pas d’accord entre les parties en ce sens, et ce même si le prix de cession des parts a été déterminé en fonction du compte courant (Cass. Com., 11 janv. 2017, n°15-14.064).
Le principe est que le titulaire d’un compte-courant peut en exiger le remboursement à tout moment.
Ainsi en l’espèce, un associé d’une SARL qui avait cédé ses parts sociales, demanda à la société le remboursement de son compte-courant d’associé. Toutefois, la Cour d’appel de Paris ne reçut pas la demande de l’associé, considérant que la cession des parts sociales entraînait la cession du compte-courant, lesquels étaient indissociables. Pour affirmer cela, la Cour d’appel s’est fondé sur l’acte de cession des parts sociales qui stipulait que :
« dans le cas où le bilan qui sera établi pour la fixation définitive du prix au plus tard dans les trois mois des présentes et ferait ressortir un passif supérieur à la valeur des actifs cédés, les cédants titulaires de créances sur la société (au titre du compte-courant d'associé) abandonneraient leurs prétentions au titre de leur cession de créance jusqu'au seuil permettant d'équilibrer les postes d'actif et passif ayant servi au calcul de la valeur patrimoniale de la société. En d'autres termes, les cédants abandonneraient en partie ou en totalité leur compte-courant d'associés et renonceraient à toute demande de ce chef. »
Ainsi, le compte-courant faisant partie des négociations et ayant été pris en compte dans la détermination du prix de cession des parts sociales, il devait être cédé en même temps que ces dernières.
La Cour de Cassation casse la décision attaquée au visa de l’article 1134 (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance de 2016), rappelant que la convention de compte-courant repose sur la liberté contractuelle. Selon elle, « en statuant ainsi, alors que la cession de parts sociales n'emporte pas cession du compte-courant ouvert au nom du cédant, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence d'un accord de cession ayant porté sur les comptes courants, a violé le texte susvisé. »
Cet arrêt va dans le sens d’une jurisprudence constante au regard des conventions de compte-courant et permet de rappeler deux principes : l’autonomie du compte-courant (I) et la possibilité de convenir conventionnellement sur le sort du compte-courant (II).
I.L’autonomie du compte-courant par rapport aux droits sociaux
Il est essentiel de distinguer le fait d’être associé d’une société et du fait de prêter une certaine somme à cette société dans le cadre d'un compte-courant d’associé.
En effet, même si ces opérations permettent toutes deux de financer la société, il ne faut pas confondre la qualité d’associé et la qualité de prêteur. Le compte-courant d’associé n’est donc pas un accessoire des droits sociaux et ne suit pas leur sort.
La jurisprudence est constante à ce propos.
Dans un arrêt du 30 novembre 2004 (Cass. Com., 30 nov. 2004, n°01-12.063), la Cour de Cassation a affirmé que la clause de l’acte de cession prévoyant que « le cessionnaire [est] subrogé dans tous les droits et obligations du cédant à l'égard de la société » n'emporte pas transfert du compte-courant à l'acquéreur des parts sociales, à défaut de mention expresse relative à ce compte. Un arrêt du 18 novembre 2009 (Cass. 3e civ., 18 nov. 2009, n°08-18-740) a ajouté que « la donation-partage ne portant que sur les droits d'associés eux-mêmes, sans autre précision, ne pouvait s'étendre en l'absence de clause particulière au solde créditeur de son compte-courant. »
La cession des parts sociales n’entraînent donc pas la cession du compte-courant, son titulaire restant le cédant.
II.Possibilité d’un accord conventionnel sur le sort du compte-courant
Les parties au contrat peuvent décider par une convention de couper définitivement les liens entre le titulaire du compte-courant et la société. Cela peut se faire par trois moyens :
-La cession, à l’acquéreur des droits sociaux, de la créance du compte-courant ;
-Le remboursement du compte-courant concomitamment à la cession des parts sociales ;
-L’abandon total du compte-courant et donc le renoncement à son remboursement par le titulaire.
Cette dernière option est couramment utilisée lorsque la société dont les titres sont cédés éprouve des difficultés financières (comme c’était le cas en l’espèce). Mais cet arrêt nous rappelle bien qu’en cas d’option pour cette dernière solution, il est essentiel de l’envisager de manière expresse dans l’acte de cession (dans l’acte même ou dans un document contractuel y faisant référence). À défaut, l’acquéreur pourrait intenter une action pour dol, même si cela aboutit rarement.
En l’absence de convention éclaircissant sur le sort du compte-courant, cela est laissé à la libre appréciation des juges. Et en l’espèce, la Cour de Cassation a jugé insuffisant, au titre de la force obligatoire des conventions, le fait que le compte-courant ait fait partie des négociations et qu’il ait été pris en compte dans la détermination du prix,
Toutefois, une convention n’est pas tout le temps nécessaire pour décider du sort du compte-courant. En effet, cela peut résulter d’éléments extrinsèques à la convention des parties. Par exemple, un arrêt du 11 septembre 2012 (Cass. Com., 11 sept. 2012, n°11-21.034) a caractérisé l’existence d’un abandon de créance par la société cédante à partir de la remise d’un document comptable à l’acquéreur.
En définitive , il est préférable dans ce type d’opération d’avoir recours à un avocat pour s’assurer que la cession ne risque pas d’être remise en cause.
Il est nécessaire de prendre toutes les précautions en vue d’éviter un litige à naître .
Vous pouvez me poser vos questions sur conseiller juridique.net: http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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