Le changement de destination de l’immeuble doit se décider à l’unanimité des copropriétaires
La notion de destination de l'immeuble est primordiale en matière de copropriété. Elle justifie en effet les restrictions que peut imposer le règlement de copropriété aux droits des copropriétaires.
La destination de l’immeuble est fixée par le règlement de copropriété. Ainsi l’immeuble peut-être « à usage d'habitation » ou « à usage mixte de commerce et d'habitation », ou encore « à usage de résidence pour personnes âgées ».
La notion destination de l’immeuble ressort de l’article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, selon lequel chaque copropriétaire « use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ».
La destination de l'immeuble peut connaître une évolution dans le temps. Il est donc possible que certaines clauses relatives à cette destination, autorisant certaines pratiques par exemple, tombent en désuétude et ne soit plus appliquées.
Les copropriétaires réunis en assemblée générale peuvent alors décider de supprimer cette clause, et faire modifier le règlement de copropriété en conséquence.
Mais le changement de destination de l’immeuble peut-il être décidé à la majorité des copropriétaires ?
L'assemblée générale ne peut pas, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification de la destination de ses parties privatives ou des modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété (Loi 65-557 du 10-7-1965 art. 26, al. 2).
L’unanimité est la règle quand la décision prise par l'assemblée conduit à modifier la destination de l'immeuble, qu'il s'agisse d'autoriser une activité interdite car contraire à cette destination (Cass. 3e civ. 7-5-1962, sur l'autorisation de louer en meublé en contradiction avec une clause d'habitation bourgeoise) ou d'interdire une activité autorisée par le règlement de copropriété(Cass. 3e civ. 16-9-2003 n° 02-16.129, Synd. des copr. du 2 rue de la Paroisse c/ Sté Le Welcome).
Un récent arrêt de la Cour de cassation vient aporter une présision supplémentaire : cette décision de modification ne peut être prise qu’avec l’accord unanime des propriétaires même lorsqu’il s’agit d’une clause tombée en désuétude (Cass. 3e civ. 19 octobre 2011 n° 10-20.634 (n° 1213 FS-PB), Casamayou et Sté Leca c/ Synd. des copr. de la résidence Cluc Engaly I.)
En l’espèce, une clause du règlement de copropriété définissait la destination de l'immeuble comme à usage d'habitation avec possibilité d'offrir les logements à la location commerciale en renvoyant à un article faisant référence aux règles de la parahôtellerie.
Cette pratique n’ayant pas été exercée dans l’immeuble depuis 1985, l’assemblée générale des copropriétaires décide en 2006 la suppression de cette clause de parahôtellerie de l'immeuble et mandate le syndic pour faire modifier le règlement de copropriété en conséquence.
Mais l’un des copropriétaires s’y oppose, et attaque la décision en nullité.
La cour d'appel rejette la demande aux motifs que la parahôtellerie n'est plus pratiquée dans l'immeuble depuis 1985 et que la décision des copropriétaires ne fait que constater la modification de cette destination depuis plus de 10 ans.
Mais la Cour de cassation ne suit pas le raisonnement de la Cour d’Appel et censure son arrêt, au motif que la destination de l'immeuble ne peut être modifiée que par une décision de l'assemblée générale des copropriétaires prise à l'unanimité.
En effet, il n’y a pas de caducité d’une clause de copropriété au seul motif que celle-ci n’a pas été appliquée depuis plus de 10 ans.
Pour modifier la destination de l’immeuble, une assemblée générale ne peut pas se contenter de constater une situation de fait qui n'est plus conforme à la destination de l'immeuble telle que définie dans le règlement de copropriété pour prendre acte de sa modification.
Cependant, un copropriétaire recherchant la sécurité peut solliciter l'assemblée pour lui demander de reconnaître que l'activité ou l'affectation envisagée n'est pas incompatible avec la destination de l'immeuble.
Si la réponse de l'assemblée (donnée à la majorité ordinaire de l'article 24) est affirmative, le copropriétaire peut réaliser son projet sans risque une fois que le délai de deux mois suivant la notification de la décision de l'assemblée aux copropriétaires aura expiré (Loi 65-557 du 10-7-1965 art. 42).
Mais comme il a été démontré ci-dessus, une telle solution ne peut être utilisée pour obtenir l'autorisation d'exercer dans le local une activité manifestement contraire aux prescriptions du règlement de copropriété ou incompatible avec la destination de l'immeuble, une telle autorisation requérant une décision unanime des copropriétaires.
Pour ce qui est des sanctions du non-respect de la destination de l’immeuble, il convient de rappeler que les obligations imposées par le règlement de copropriété sont de nature contractuelle.
En cas de non-respect des dispositions du règlement, le copropriétaire peut se voir imposer sur le fondement de l'article 1143 du Code civil de cesser l'irrégularité.
Cette action tendant à faire cesser un usage irrégulier du lot peut être intentée par le syndicat ou un copropriétaire agissant individuellement.
En tant qu’obligation contractuelle, l'action individuelle d'un copropriétaire est recevable sans qu’il ait à démontrer qu'il subit un préjudice personnel, distinct de celui dont souffre la collectivité des membres du syndicat (Cass. 3e civ. 22-3-2000 n° 98-13.345), et elle se prescrit par 10 ans (Loi 65-557 du 10-7-1965 art. 42).
Mon cabinet est à votre disposition pour tous contentieux et conseils.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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