L'action en nullité des délibérations sociales est souvent soumise à de nombreux obstacles pour l'associé demandeur.
La nullité d'une délibération sociale ne peut être obtenue qu'en cas de violation d'une disposition impérative (C. civ., art. 1844-10, al. 3. – C. com., art. L. 235-1, al. 2), que son prononcé ne constitue pas toujours une obligation pour le juge ou bien encore que l'action est enserrée dans une prescription de trois ans (C. civ., art. 1844-14. – C. com., art. L. 235-9, al. 1).
Quid de la demande de nullité d’une délibération pour absence de convocation à une assemblée générale ? A qui revient la charge de prouver cette absence de convocation ?
La Cour de Cassation a eu à se prononcer sur ce sujet dans un arrêt du 10 novembre 2009.
En l'espèce, un actionnaire sollicitait l'annulation de plusieurs assemblées générales auxquelles il n'avait pu siéger faute d'y avoir été convoqué.
Au soutien du rejet de cette demande, les juges du fond relevaient que la preuve du défaut de convocation n'était pas en l'occurrence rapportée par l'actionnaire demandeur.
La solution est cassée par la Cour de Cassation pour violation de l'article 1315 du Code civil, texte relatif au droit commun de la preuve qui prévoit « qu’il appartient à celui qui se prétend libéré d'une obligation d'en rapporter la preuve ».
Elle considère que « le défaut de convocation à une assemblée générale incombe à la société et non à l'associé » (Cass. com., 10 nov. 2009, n° 05-15.809, F-D, Combret c/ Compagnie méditerranéenne cinématographique (COMECI) : JurisData n° 2009-051297).
Ce n'est pas parce que l'actionnaire invoquait l'annulation des assemblées litigieuses pour défaut de convocation, qu'il lui incombait la charge de prouver ce défaut de convocation.
L'erreur des juges du fond réside, semble-t-il, dans l'interprétation du sens à donner à l'alinéa 1er l'article 1315 du Code civil.
Le fait que l'actionnaire devait être convoqué aux assemblées générales afin de pouvoir participer aux décisions collectives n'avait pas à être prouvé puisque sa qualité d'actionnaire n'était nullement critiquée par la société.
En revanche, devait être prouvé le fait que la société avait correctement satisfait à son obligation de convocation.
Était donc en jeu, non pas l'alinéa 1er mais l'alinéa 2 de l'article 1315. Or, comme le rappelle la Chambre commerciale, celui-ci dispose que « c'est à celui qui se prétend libéré d'une obligation d'en rapporter la preuve ».
En conséquence, c'était à la société et elle seule qu'il incombait de prouver qu'elle avait correctement exécuté l'obligation qui lui est imposée par la loi de convoquer tout associé aux assemblées, et qu'en conséquence la demande en annulation pour défaut de convocation ne pouvait prospérer.
Rendue à propos de la convocation d'un actionnaire, la présente solution a vocation à s'appliquer à l'ensemble des sociétés civiles comme commerciales.
Il reste que la solution offre l'occasion de recommander aux sociétés de conserver précieusement l'ensemble des documents attestant de la convocation régulière de ses membres, et ce le temps nécessaire pour que la prescription fasse son œuvre.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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