Les baux commerciaux prévoient généralement une clause de garantie solidaire, en cas de cession, entre le cédant et le cessionnaire tant en ce qui concerne le paiement des loyers et charges que l'exécution des clauses et conditions du bail.
Il s’agit d’une clause par laquelle un preneur s'engage envers le bailleur à se porter garant solidaire de son cessionnaire et des cessionnaires successifs pour le paiement du loyer et l'exécution des conditions du bail et est très fréquente en matière de bail commercial.
1) La nature de la clause
Le cédant est-il caution solidaire du cessionnaire ou codébiteur solidaire ?
Cette garantie solidaire est analysée comme un engagement de codébiteur solidaire et non d'une caution (Cass. 3e civ., 26 nov. 1997).
Les différences entre les deux qualités sont minimes mais existent :
- le cédant ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 2314 du Code civil, lesquelles permettent à la caution de se décharger de son engagement en cas d'incurie du créancier dans la conservation d'autres garanties dont la caution aurait pu bénéficier par subrogation.
- les obligations d'information pesant sur les créanciers à l'égard des cautions personnes physiques ne s'appliquent pas au cédant du fonds de commerce, qui ne sera donc pas averti des vicissitudes de l'exploitation de l'activité cédée et donc, potentiellement, de l'étendue effective de sa garantie. (CA Colmar, 1re ch. civ., sect. B, 29 févr. 2012, n° 11/00342 : JurisData n° 2012-003760).
- en cas de cession à plusieurs personnes, l'absence de déclaration de créance, effectuée par le bailleur, au passif de la liquidation judiciaire de l'un des cessionnaires, est sans incidence sur l'obligation contractée par le cédant du fonds de commerce, au titre de la garantie des loyers. En effet, en application de l'article 1208 du Code civil, le codébiteur solidaire ne peut opposer au créancier les exceptions purement personnelles à l'un des autres codébiteurs (CA Rouen, 1er juill. 2010).
Ainsi, la jurisprudence refuse de qualifier cette clause de cautionnement (CA Dijon, 14 nov. 1990 – CA Nancy, 5 oct. 1990 : JurisData n° 1990-048535. – CA Paris, 7 mai 1991 :– CA Versailles, 12e ch., 29 oct. 1992 : JurisData n° 1992-047761,– CA Paris, 16e ch. A, 18 janv. 2006 : JurisData n° 2006-294260).
De ce fait, l'engagement du preneur cédant son droit au bail de demeurer garant solidaire du cessionnaire pour le paiement des loyers et charges et toutes les conditions du bail, s'analyse en un engagement de codébiteur solidaire et non en un engagement de caution (CA Paris, 16e ch. A, 13 juin 2001 : JurisData n° 2001-168863. – Cass. 3e civ., 26 nov. 1997, : JurisData n° 1997-004809).
Enfin, il a ainsi été jugé que l'engagement solidaire du cédant du droit au bail avec le cessionnaire pour le paiement des loyers dus jusqu'à la fin du bail n'est pas un engagement subsidiaire assimilable à un cautionnement.
2/ La portée de la clause
Cette clause fait l'objet d'une interprétation stricte par la Cour de cassation qui considère que le cédant, garant du paiement des loyers, ne peut se voir réclamer le paiement des réparations locatives et des indemnités d'occupation dues par le cessionnaire (Cass. 3e civ., 12 avr. 1995 : JurisData n° 1995-000896).
Si la validité et la nature de cette clause sont aujourd'hui bien établies, la jurisprudence a été amenée à se prononcer sur la durée de celle-ci, eu égard aux différentes formulations retenues dans les baux par les rédacteurs.
La Cour de cassation (Cass. 3e civ., 7 mars 2001) a jugé que les effets de la garantie du cédant envers le bailleur sont limités à la durée du bail, sauf clause contraire, consacrant ainsi deux précédentes décisions de la cour d'appel de Paris (V. CA Paris, 16e ch., sect. A, 24 juin 1998 :– CA Paris, 16e ch., sect. A, 6 oct. 1999, n° 99-13.101, F-D, Nachim c/ SA Socphipard : Juris-Data n° 1999-024507).
Ultérieurement, il a été jugé que la clause de garantie solidaire pouvait être également invoquée par le bailleur postérieurement à la date d'expiration contractuelle du bail puisque à défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail se poursuit par tacite reconduction aux mêmes clauses et conditions, en ce compris l'engagement solidaire du cédant (V. CA Paris, 20 avr. 2000 : AJDI 2000, p. 639. – CA Versailles, 11 mai 2000 : RD imm. 2000,), jurisprudence également consacrée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 5 juin 2002 (Cass. 3e civ., 5 juin 2002, n° 00-20.806, Mangeot c/ Sté Brasserie Greff : Juris-Data n° 2002-014577).
Le cédant ne peut être déchargé de son obligation que sur le fondement de l'article 1134 du Code civil, en se prévalant d'une négligence du bailleur dans le recouvrement de sa créance ayant provoqué un accroissement anormal de la dette et l'ayant mis dans l'impossibilité de faire face à ses obligations (CA Paris, 16e ch. A, 25 avr. 2001, n° 1999/01031 : JurisData n° 2001-144166).
Ainsi, il a été jugé que le bailleur qui attend un an pour délivrer au cessionnaire un commandement de payer visant la clause résolutoire laissant ainsi s'accumuler la dette ne pourra engager la garantie du cédant que pour les trois premiers termes impayés et sera ainsi déchargé du dernier trimestre (CA Paris, 16e ch. A, 2 mars 2005, n° 03/18346 : JurisData n° 2005-279128).
En cas de procédure collective, le bailleur doit déclarer sa créance, à défaut sa créance sera éteinte par application de l'article L. 621-46 du Code de commerce (CA Grenoble, 2e ch. civ., 10 déc. 2007, n° 05/04760 : JurisData n° 2007-365267).
Le bailleur doit mettre en œuvre la garantie en toute bonne foi, ainsi tel n'est pas le cas d'un bailleur qui, après avoir obtenu dans le cadre d'une instance antérieure le paiement par la société garante des loyers impayés, sollicite à nouveau l'exécution par le cédant de son obligation de garant solidaire pour les loyers ultérieurs, alors que le bailleur savait que le cessionnaire avait mis fin à son activité.
En dehors de ces hypothèses, le cédant est tenu de cette garantie.
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Joan DRAY
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