Certains copropriétaires ont pu obtenir, en mairie, un changement d’usage de leur lot sur le fondement de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation , en ayant eu la commercialité , leur permettant de pratiquer une activité de location touristique meublée.
Pour autant , ce changement d’usage ne dispense pas un copropriétaire de respecter la destination de l’immeuble.
L’activité de location de meublés de tourisme, sur des plateformes telles que Airbnb, consiste à mettre en location un logement meublé servant au séjour d’une personne n’élisant pas domicile pour une période définie à la nuitée, à la semaine ou au mois.
Cette activité peut poser de nombreuses difficultés dans certaines copropriétés , qui interdisent toute activité commerciale dans l’immeuble.
En outre , certains règlements de copropriété comportent des clauses d’habitation bourgeoise.
Cette clause d’habitation bourgeoise est -elle compatible avec une activité de airbnb ?
l’article 9 alinéa 1 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 prévoit que « chaque copropriétaire dispose des parties privatives […] sous la condition de ne pas porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble ».
Dès lors, aucune restriction ne pourrait être imposée par un règlement de copropriété aux copropriétaires, autre que celle résultant des droits des autres copropriétaires ou encore de celle de la destination de l’immeuble.
La notion de « destination » ne fait l’objet d’aucune définition légale ou réglementaire à ce jour, mais est appréciée souverainement par les juges en se fondant sur un faisceau d’indices, ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans sa décision.
Définie dans les travaux préparatoires de la loi du 10 juillet 1965 comme « l’ensemble des conditions en vue desquelles un copropriétaire a acheté son lot, compte tenu de divers éléments, notamment de l’ensemble des clauses des documents contractuels, des caractéristiques physiques et de la situation de l’ immeuble , ainsi que de la situation sociale de ses occupants », cette notion relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, et ne se résume pas aux « usages » autorisés par le règlement de copropriété :
Pendant longtemps, la location touristique meublée se trouvait donc autorisée, à la condition que l’ immeuble ne soit pas de très « haut standing » et notamment lorsque les professions libérales y étaient tolérées (CA Paris, pôle 4, ch. 2, 3 févr. 2010, n° 09/00448.
Puis, un revirement a eu lieu sous l’impulsion de la réglementation de la location touristique meublée par l’article L. 631-7, alinéa 6, du CCH qui dispose désormais que « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’ usage au sens du présent article ».
La cour d’appel de Paris a alors changé son analyse (CA Paris, pôle 4, ch. 2, 11 sept. 2013, n° 11/12572 : JurisData n° 2013-019520. – CA Paris, pôle 4, ch. 2, 21 mai 2014, n° 12/17679 : JurisData n° 2014-011746), énonçant que la location de courte durée n’est pas compatible avec une destination de l’ immeuble dite « bourgeoise »c’est-à-dire d’habitation avec possibilité d’exercer une profession libérale.
Depuis quelques années, les jurisprudences ont adopté une position beaucoup plus stricte à l’égard des locations meublées touristiques de courte durée en considérant qu’elles sont incompatibles avec l’esprit d’une clause d’habitation bourgeoise d’un règlement de copropriété.
Ainsi , dans une affaire récente , un copropriétaire se plaignait de nuisances sonores inhérentes à l’activité d’airbnb exercée par une SCI qui sont louait ses appartement dans le cadre de cette activité commerciale.
Pour faire cesser les nuisances , le copropriétaire avait demandé au Tribunal la cessation de cette activité et ce au moyen d’une astreinte.
La cour d’appel confirme la décision, au visa des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965, dont il résulte que le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation et que chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.
Elle statue dans les termes suivants :
« Concernant la destination de l’immeuble, elle relève : « cette activité commerciale contrevient directement aux clauses du règlement de copropriété précitées relatives à l’usage que les copropriétaires doivent faire de leur lot et à la destination bourgeoise de l’immeuble impliquant une occupation pérenne et paisible […] S’il est exact que le règlement de copropriété permet la location des appartements de l’immeuble en meublé, il ne permet pas la location touristique de courte durée telle qu’elle est pratiquée par les Sociétés […] Ce type de location est contraire à la destination bourgeoise de l’immeuble prévue au règlement de copropriété en ce qu’elle occasionne des nuisances qui troublent la tranquillité de ses occupants, ainsi qu’en témoigne la locataire du seul appartement non destiné à cette location touristique de courte durée. Ces nuisances ne peuvent être assimilées à celles occasionnées par l’exercice d’une profession libérale dès lors qu’elles se poursuivent la nuit et les fins de semaine. »
CA Paris, pôle 4, ch. 2, 25 oct. 2023, n° 19/11631: JurisData n° 2023-020529
Cette décision est assez sévère puisqu’elle considère que , nonobstant un changement d’usage autorisée par la mairie, cette activité n’est pas compatible avec la destination bourgeoise de l’immeuble.
La location touristique meublée est contraire à la destination bourgeoise de l’immeuble prévue au règlement de copropriété, en ce qu’elle occasionne des nuisances qui troublent la tranquillité de ses occupants, même si le règlement de copropriété autorise la location en meublée d’appartements entiers. L’activité a en effet un caractère commercial, les bailleurs ayant obtenue de la mairie une autorisation de changement d’usage au titre de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation (CCH).
§ Sur la portée de l’arrêt du 25 janvier 2024 rendu par la Cour de Cassation
La Cour de Cassation a , cependant jugé qu’une activité de location saisonnière n’est pas toujours une activité commerciale.
C’est une décision de la Cour de cassation qui précise qu’en l’absence de prestations accessoires de type para-hôtellerie, soit :
- Le nettoyage régulier des locaux (à noter : un simple nettoyage au début et fin de séjour est insuffisant) ;
- La fourniture du petit-déjeuner : celle-ci peut s’opérer directement dans les chambres ou bien dans un local dédié accessible aux occupants ;
- La fourniture régulière du linge de maison ;
- La réception, même non personnalisée de la clientèle : à ce propos, un système d’accueil électronique est considéré comme une réception.
La Cour de n l’absence des prestations annexes prévues au Code général des impôts, l’activité de location touristique ne peut être considérée que comme une activité civile.
Toutefois, cet arrêt a été rendu dans des conditions particulières, dès lors qu’il s’agissait d’un immeuble situé dans une station de ski, et que le demandeur était le propriétaire du commerce situé au rez-de-chaussée du bâtiment, et non le syndicat des copropriétaires. Il reprochait aux appartements situés dans les étages de pratiquer une activité commerciale au sens strict. Le débat ne portait donc pas sur la violation de la destination de l’immeuble.
L’activité de location touristique meublée, lorsqu’elle n’est assortie d’aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures ne revêtant pas le caractère d’un service para-hôtelier, n’est pas de nature commerciale. Cass. 3e civ., 25 janv. 2024, n° 22-21.455 : JurisData n° 2022-014977
Les juges ont donc une approche différente de l’admnistration fiscale qui considère que de manière quasi-systématique l’activité de meublé touristique est une activité « para-hôtelière » donc commerciale.
Chaque contentieux doit faire l’objet d’une appréciation au cas par cas et
Le cabinet se tient à votre disposition pour vous éclairer sur vos droits en étudiant de manière approfondie votre règlement de copropriété afin de vous accompagner dans une procédure judiciaire ou de vérifier la possibilité d’exercer une activité qui n’est pas interdite par le règlement de copropriété.
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Maître JOAN DRAY
Avocat
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