Un bailleur peut- il renoncer aux effets de la clause résolutoire d’un bail commercial ?
La plupart des baux commerciaux comporte une clause résolutoire qui permettra au bailleur d’obtenir la résiliation du bail , en cas d’événements précis mentionnés dans le bail ( loyers impayés, défaut d’assurance et ..)
La rédaction de la clause est assez importante car certains cas , le locataire peut se prévaloir de ladite clause.
§ La clause résolutoire est réputée stipulée dans l'intérêt du seul bailleur
En général , elle ne peut être invoquée que par celui en faveur de qui elle est stipulée ; le seul fait pour le bailleur bénéficiaire de la clause de délivrer un commandement au locataire ne suffit pas à considérer qu'il a entendu se prévaloir de la clause .
Si en général, lorsqu'un bail commercial contient une clause résolutoire, autorisée aux termes de l'article L 145-41 du Code de commerce, c'est le bailleur qui demande son acquisition et le locataire qui tente d'y faire échec, la jurisprudence montre que, dans certains cas, c'est le locataire qui souhaite voir prononcer l'acquisition de la clause, pour qu'il soit mis fin au bail avant son échéance et être ainsi immédiatement libéré du paiement des loyers, n'ayant, sauf convention contraire, de faculté de résiliation que triennale selon l'article L 145-4 du Code de commerce.
Ainsi , le locataire peut se prévaloir de la clause qui n'est pas stipulée dans l'intérêt exclusif du bailleur (Cass. 3e civ. 6-9-2018 n° 17-22.767 D) ;
Lorsque le bail indique que la résiliation du contrat est une simple faculté pour le bailleur ou que celui-ci pourra résilier « si bon lui semble », le bailleur peut choisir de ne pas s'en prévaloir et renoncer à son exercice, même après avoir délivré un commandement pour manquement aux clauses du bail, qui n'est alors considéré que comme une mise en demeure de régulariser et non la manifestation d'une volonté acquise de mettre fin au bail.
Très souvent , il est mentionné dans la rédaction de la clause résolutoire
« si bon semble au bailleur », cela engendre pour ce dernier une option possible entre la résiliation et l'exécution.
§ Le bailleur ne peut pas renoncer au bénéfice de la clause résolutoire
Dans ce cas , le bailleur peut renoncer à l’expulsion et à poursuivre la résiliation du bail.
Mais , quelles sont les effets de la clause résolutoire lorsqu’une ordonnance de référé passée en force de chose jugée et suspendant les effets de cette clause en ordonnant des délais de paiement n’a pas été exécutée par le locataire ?
La Cour de Cassation vient de rendre une décision intéressante puisqu’elle précise que « Le propriétaire ne peut plus renoncer au bénéfice d’une clause résolutoire lorsqu’une ordonnance de référé passée en force de chose jugée et suspendant les effets de cette clause en ordonnant des délais de paiement n’a pas été exécutée par le locataire. »
Cass. 3e civ. 22-10-2020 no 19-19.542 FS-PBI, Sté C & A France c/ Sté Aeroville
La Cour de cassation mentionne que dès lors que l’ordonnance de référé accordant des délais de paiement est passée en force de chose jugée, et en l’absence de décision contraire au principal, le bailleur ne peut plus, en cas de non-respect par le locataire des délais de paiement conditionnant la suspension des effets de la clause, demander unilatéralement l’exécution du bail résilié.
Dans cette affaire , le locataire avait intérêt à obtenir la résiliation du bail , pour échapper à l’attente de la résiliation triennale.
Cette solution se rapproche du cas où une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au locataire des délais pour régler les sommes dues et a suspendu les effets de la clause résolutoire et que le locataire ne respecte pas l’échéancier.
Le bail se trouve alors résilié à compter de l’expiration du délai d’un mois imparti par le commandement de payer, et non à la date du défaut de règlement des loyers. La résiliation étant automatique en cas de non-respect des délais, sans qu’il soit nécessaire qu’un juge la constate, le bailleur ne peut pas demander l’exécution forcée d’un bail qui a pris fin.
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JOAN DRAY
Avocat
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