Les clauses « travaux » dans les baux commerciaux
Mise en conformité des locaux aux nouvelles réglementations, rénovation de locaux devenus obsolètes, remise en état à la fin du bail... souvent coûteux, les travaux sont un enjeu important des relations entre bailleurs et preneurs, qui interviennent tout au long du bail.
Ce sujet d’apparence simple est une source continue de contestations, particulièrement lorsque les clauses du bail n’ont pas réglé de manière précise et exhaustive les questions relatives aux travaux.
Les règles applicables en droit commun
Le statut des baux commerciaux ne comprenant aucune disposition particulière relative aux travaux, le droit commun s’applique aux baux commerciaux.
Le Code civil détermine de manière précise les obligations respectives des parties au bail en matière de répartition des travaux.
En application de ces dispositions légales, le bailleur supporte la charge de tous les travaux de réparation et d’entretien, sauf ceux tenant aux réparations locatives et à l’entretien.
Le bailleur a ainsi l’obligation de délivrer la chose et de la délivrer «en bon état de réparation de toute espèce», laquelle obligation est prolongée par l’obligation d’entretenir la «chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ».
Le bailleur doit aussi « faire pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires autres que locatives » ainsi que celles résultant de la vétusté et de la force majeure.
A l’exception de l’obligation de délivrance, ces règles lourdes de conséquences pour le propriétaire, présentent un caractère supplétif et s’appliquent donc à défaut de clauses contraires.
La liberté laissée aux parties d’aménager les clauses « travaux »
La liberté laissée aux parties pour aménager les clauses « travaux » évolue selon la situation du marché, l’appréciation restrictive par le juge des clauses dérogatoires, l’obligation de mise en jouissance du bien et l’obligation de délivrance à un usage convenu.
Les parties doivent aussi prendre en compte l’acception restrictive que le juge fait des clauses dérogatoires et le principe de l’article 1162 du Code civil, selon lequel en cas de doute, la clause doit s’interpréter en faveur du débiteur. S’agissant d’exception au statut légal, le juge écartera les clauses peu claires ou imprécises.
Le juge exigera aussi que de telles dérogations soient expressément mentionnées dans le bail.
Cette liberté de négociation trouve sa limite principale dans l’obligation de délivrance, obligation fondamentale du bail, dont le bailleur ne pourra se dispenser.
Selon l’article 1719, alinéa 1er, du Code civil, «le bailleur est obligé, par la nature même du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière (...) de délivrer au preneur la chose louée».
Le bailleur doit non seulement remettre matériellement la chose louée et les accessoires qui sont indispensables à son utilisation normale mais aussi s’assurer que la chose délivrée est conforme à la destination prévue par le bail.
Ces obligations essentielles, d’ordre public, sont complétées par les dispositions de l’article 1720 du Code civil qui prévoit que le bailleur doit délivrer la chose «en bon état de réparation de toute espèce».
Cette seconde facette de l’obligation de délivrance peut être écartée par le bailleur.
Les questions relatives à la délivrance conforme à l’usage contractuel et à la délivrance en bon état nourrissent la jurisprudence, qui fait preuve d’une rigueur particulière en la matière.
En application de son obligation de délivrance, le bailleur doit mettre à disposition des locaux conformes à l’usage convenu, ce qui inclut au minimum que les locaux soient clos et couverts.
La liberté des parties, lors de la négociation du bail, se traduit souvent dans les clauses relatives à l’acceptation en l’état, la charge des travaux prescrits par l’Administration et la définition des « gros travaux ».
Le bailleur peut se dispenser de l’obligation de délivrer la chose en bon état de réparations par l’insertion dans le bail d’une clause d’acceptation en l’état, à condition qu’elle n’ait pas pour effet de supprimer l’obligation de délivrance elle-même et respecte les limites du droit commun des clauses limitatives et exonératoires de responsabilité.
La jurisprudence rattache à l’obligation de délivrance, la prise en charge par le bailleur des travaux prescrits par l’Administration ou, autrement dit, des travaux de mise en conformité.
Ainsi, les travaux prescrits par l’Administration sont, sauf stipulation expresse ou disposition d’ordre public contraire, à la charge du propriétaire.
En présence d’une clause contraire, suffisamment précise et générale, transférant la charge de ces travaux, la jurisprudence respecte la volonté des parties, quand bien même lesdits travaux n’avaient pu entrer dans les prévisions du locataire à la date de signature du bail.
Ainsi, la Cour de cassation, dans un arrêt du 21 novembre 2001, rendu sur cassation d’une décision de la Cour d’Appel de Paris, décide que le transfert à la charge du locataire de travaux de désamiantage, dans le cadre de baux commerciaux est valable même si la réglementation imposant la recherche et le désamiantage n’était pas en vigueur à la date de signature du bail.
Le juge fait aussi preuve de rigueur dans l’interprétation des clauses relatives aux gros travaux et, notamment, lorsque les parties ont entendu se référer à la définition donnée à l’article 606 du Code civil.
La question se pose de savoir si la liste de l’article 606 dudit code est limitative.
La jurisprudence rendue sur le fondement de cet article est souvent source de confusion née de l’utilisation de l’article 606 du Code civil, qui régit les rapports entre usufruitiers et nus-propriétaires, en matière de louage de chose.
Si la jurisprudence rendue en matière d’usufruit a tendance à élargir le champ d’application de cet article, cette disposition est d’interprétation stricte en matière de baux.
Pour exemple, la Cour de cassation a censuré une Cour d’Appel qui, pour condamner le bailleur à rembourser au locataire les sommes payées par celui-ci au titre des travaux de remplacement du dispositif de climatisation de l’immeuble, avait retenu que la climatisation fait partie des éléments indissociables du clos et du couvert de sorte que le changement du système entier relevait des grosses réparations.
Le locataire doit donc avoir conscience, qu’en présence d’une clause mettant à la charge du bailleur les «grosses réparations telles que définies à l’article 606 du Code civil», il devra néanmoins supporter le coût de remplacement d’une chaudière, d’une installation de climatisation et de tout autre élément d’équipement important.
Seuls les gros travaux relatifs au clos et au couvert restent à la charge du bailleur.
Il apparaît que le juge apprécie de manière restrictive les clauses dérogatoires mais les applique dans toute leur rigueur économique si la volonté initiale des parties est clairement exprimée.
Ainsi, le bailleur qui aura conventionnellement transféré la charge des travaux prescrits par l’Administration, des grosses réparations telles que définies à l’article 606 du Code civil et, de manière générale, toutes autres réparations ou travaux de quelque nature que ce soit, ne pourra se voir opposer que la seule obligation légale de délivrance.
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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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