La clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif et l’exception à l’absence de droit de poursuite individuelle.
Suite à un redressement, un débiteur est mis en liquidation judiciaire par conversion. Le jugement de clôture de la liquidation judiciaire fut prononcé plus tard, pour insuffisance d’actif. La société caution, poursuit alors le débiteur en recouvrement de la créance mise au passif pendant la procédure.
Par un arrêt du 26 juin 2014, la Cour d’Appel fait droit à la demande en relevant que l’article L 643-11 du Code de commerce permet à la caution, qui a payé le débiteur principal, de poursuivre ce dernier.
Ainsi la question de droit soulevé devant les juges était la suivante : Lorsqu’un créancier a obtenu un titre exécutoire avant l’ouverture de la procédure collective, peut-il reprendre les poursuites contre le débiteur après le jugement de clôture ?
La chambre commerciale de la Cour de cassation confirment la décision des juges du fond "Mais attendu qu'ayant exactement énoncé que l'art L 643-11, II du code de commerce, qui autorise la caution qui a payé à la place du débiteur principal à le poursuivre, malgré la clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d'actif, ne distingue pas selon que ce paiement est antérieur ou postérieur à l'ouverture de la procédure collective, ni suivant la nature, subrogatoire ou personnelle, du recours exercé par la caution" (Cour de cassation, chambre commerciale, 28 juin 2016 n° 14-21810).
Ainsi si l’effet de la clôture pour insuffisance d’actif est la purge du passif, des exceptions existent dont le recours de la caution contre le débiteur.
Ø Principe : perte du droit de poursuite pour les créanciers.
Ainsi l’article L 643-11 du Code de commerce dispose que "Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur".
Dès lors, après le jugement de clôture, les créanciers ne recouvrent pas de droit de poursuite contre le débiteur. Ce dernier ne peut alors, être poursuivi pour le paiement des dettes qui avaient fait partie de la suspension des poursuites dans le cadre de la procédure collective.
Il en est de même de celles non déclarées ni relevées de forclusion.
Ø Exception au droit de poursuite individuelle.
Ainsi si le principe veut que le débiteur ne soit plus inquiété, le législateur a prévu des exceptions.
L’article L643-11, II dispose que, en cas de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s’ils ont payé à la place de celui-ci.
Ainsi le législateur prévoit des exceptions en distinguant entre les garants (dont les cautions) et les autres créanciers.
Pour les premiers, l’exception est de droit s’ils justifient avoir payé à la place du débiteur, tandis que les autres créanciers ne recouvrent leur droit de poursuite que dans des cas limitativement énumérées par ce texte.
- Conditions communes :
Les exceptions citées au II de l’article L 643-11 du Code de commerce, sont soumis à des conditions communes.
Ainsi deux conditions cumulatives doivent être remplies :
- La créance doit avoir été admise au passif de la procédure collective
- Et le poursuivant doit être titulaire d’un titre exécutoire contre le débiteur.
En l’espèce, un emprunteur soutenait que la caution qui exerçait son recours personnel conte lui, devait être traitée comme un créancier ordinaire, de sorte que son recours ne pouvait être admis que dans les cas précis prévus pour tout créancier.
La Cour de cassation a écarté cet argument et déclaré recevable l’action de la caution. En effet une telle assimilation, invoqué par le débiteur, n’était possible, dans la mesure où l’article L 643-11 admet expressément le recours du garant à condition qu’il ait payé (Voir en ce sens Cass, com, 28 juin 2016, n°14-21.810).
Par ailleurs l’emprunteur interprétait les dispositions relatives à l’exigence d’un titre exécutoire et à ses conditions d’obtention comme excluant du bénéfice du droit de poursuite individuelle tout créancier détenant un titre exécutoire antérieur à l’ouverture d’une procédure collective.
Mais ces dispositions prévoient l’hypothèse du créancier déjà titulaire d’un titre exécutoire sans distinguer selon la date à laquelle il l’a obtenu.
- Un droit de poursuite maintenu envers la caution
La caution dispose de deux recours subrogatoire et personnel pour recouvrer sa créance.
- Le recours subrogatoire
L'art L 643-11, II dispose que ""Les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s'ils ont payé à la place de celui-ci".
Ainsi dans l’arrêt du 28 juin 2016, la société caution a désintéressé le créancier en versant la somme due par le débiteur principal. Une quittance subrogative du 14 mars 2001 l'atteste. Elle peut alors se prévaloir de toutes les garanties prises par le créancier (droit préférentiel, sûretés), en application de l’article 2306 du code civil : "La caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur".
- Un recours personnel
L'art 2305 du code civil prévoit un recours personnel "La caution qui a payé à son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur".
Cette exception de l’absence du droit de poursuite individuelle est admise envers les cautions, car dans la liquidation judiciaire, la caution doit payer le créancier, même si le débiteur ne peut être poursuivi par l’absence de poursuite individuelle.
Ainsi la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt rendu le 8 juin 1993, que la caution ne pouvait pas, elle, se prévaloir du bénéfice de cette règle de l’absence de paiement de l’obligation du débiteur au motif que le créancier ne peut plus le poursuivre lors de la liquidation judiciaire pour insuffisances d’actif. En effet, la Cour de cassation a voulu maintenant la finalité du cautionnement, et ainsi la caution ne peut invoquer cette exception personnelle à son égard.
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Joan DRAY
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