Le présent article a pour but d'informer des conséquences pour les cofidéjusseurs de l'engagement disproportionné de la caution.
La Chambre Mixte de la Cour de Cassation a estimé que les cofidéjusseurs se trouvaient privés de toute action récusoire contre la caution dont l'engagement était disproportionné mais qu'ils ne pouvaient en tirer avantage pour prétendre être eux-mêmes déchargés, dans leurs rapports avec le créancier, d'une partie de leur engagement (Cass. ch mixte., 27 fév 2015).
En l'espèce, il s'agissait d'une banque qui a consenti à une société quatre prêts successifs dont son gérant s'est porté caution solidaire et une autre personne s'est également porté caution des trois derniers prêts, laquelle a été déchargée de ses engagements en raison de leur disproportion manifeste.
Le gérant caution a été assigné par la banque en paiement à la suite de la défaillance de la société.
La Cour d'Appel d'Orléans a condamné le gérant caution à payer des sommes au titre des prêts consentis.
Le gérant caution a reproché à la seconde caution de l'avoir privé de recours contre son cofidéjusseur, il a ainsi revendique le bénéfice de l'article 2314 du Code civil.
La Chambre Mixte de la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par le gérant caution.
La Cour de Cassation a rappellé que la sanction prévue à l'article L.341-4 du Code de la consommation prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard du créancier et des cofidéjusseurs.
La Haute Juridiction en a déduit que "le cofidéjusseur, qui est recherché par le créancier et qui n'est pas fondé, à défaut de transmission d'un droit dont il aurait été privé, à revendiquer le bénéfice de l'article 2314 du Code civil, ne peut ultérieurement agir, sur le fondement de l'article 2310 du Code de commerce, contre la caution qui a été déchargée en raison de la disproportion manifeste de son engagement.
L'article L. 341-4 du Code de la consommation sanctionne la disproportion de l'engagement de la caution par l'impossibilité pour le créancier de s'en prévaloir.
A l'exception du caractère définitif ou provisoire de la sanction, qui autoriserait à poursuivre de nouveau la caution en cas de retour à meilleure fortune, l'impossibilité de se prévaloir de l'engagement suffit à régler le sort de la caution lorsqu'elle est appelée en paiement.
La nature de la sanction serait, en revanche, plus déterminante en présence de cofidéjusseurs.
I. Fondement à la décharge des cofidéjusseurs: mécanismes de droit commun inadaptés
La présence d'autres cautions pouvant être un élément déterminant du consentement d'un cofidéjusseur, celui-ci peut être tenté d'invoquer une erreur ayant vicié son consentement.Celui qui croît qu'un autre cautionnement valable et efficace a été consenti en garantie de la même obligation est bien victime d'une erreur s'il existe ab initio un risque de décharge totale de son cofidéjusseur.
Hypothèse de l'absence de vice affectant l'engagement d'une autre caution
Elle est qualifiée de motif extérieur à l'objet du contrat, et la nullité ne peut alors être obtenue que si une clause expresse a été insérée dans les contrats des cofidéjusseurs.
Hypothèce de la solvabilité actuelle du débiteur principal
Elle est une qualité substantielle de l'engagement, participant de la définition du risque garanti, et une nullité pour erreur peut intervenir à la seule condition que son caractère déterminant du consentement soit établi et connu du créancier ( Cass. ch mixte., 27 février 2015)
Toutefois la nullité pour erreur, qui permet une extension de la décharge totale aux cofidéjusseurs, demeure exceptionnelle.
La qualification d'exception purement personnelle semble s'imposer s'agissant de la décharge d'une caution consécutive au caractère disproportionné de son engagement.
La qualification d'exception purement personnelle bénéficie en toute hypothèse à une caution en raison de sa situation personnelle, de sorte qu'elle doit être inopposable par un cofidéjusseur.
Le régime actuel conduit à faire des codébiteurs solidaires des garants dans l'hypothèse où l'un des engagements serait nul ou inefficace pour une cause « purement personnelle ».
II. Fondement à la décharge des cofidéjusseurs: bénéfice de la subrogation
En application de l'article 2314 du Code civil, la caution est déchargée lorsque le créancier l'a, par son fait exclusif, privé d'un droit dans lequel elle aurait, sans ce fait, été subrogée.
Cette disposition permet ainsi à un cofidéjusseur, qui ne peut opposer une exception purement personnelle, d'éviter toute augmentation de sa contribution à la dette.
Cependant, lorsque l'absence de recours contre une caution est consécutive à la disproportion de son engagement.
En effet, l'article précité s'entend d'une faute en jurisprudence, ce qui auparavant excluait que le non exercice d'une simple faculté puisse justifier une décharge de la caution.
L'absence de sanction systématique ne saurait exclure la présence d'une faute.
La qualification de faute s'impose lorsqu'est en cause le bénéfice de subrogation.
La Chambre Mixte de la Cour de Cassation a admis que le défaut d'exercice d'une faculté par le créancier peut constituer une faute au sens de l'article 2314 du Code civil (Cass. ch mixte., 27 fév 2015).
Ainsi, le créancier bénéficiaire d'un cautionnement est tenu d'exercer sa faculté d'attribution judiciaire du gage si cela peut être profitable à la caution, de rendre définitive l'inscription provisoire d'un nantissement du fonds de commerce de son débiteur ou encore d'inscrire un privilège que lui confère la loi. Il en ressort qu'un comportement qui, en lui-même, ne pourrait être qualifié de fautif, même par négligence, le devient lorsque le créancier a conclu un cautionnement.
Il est alors mise à sa charge une obligation de faire tout ce qui est en son pouvoir pour bénéficier des plus grandes chances d'être payé.
Cela vaut du moins pour les recours sur lesquels la caution pouvait légitimement compter lorsqu'elle s'est engagée.
Le fait que le cautionnement disproportionné suppose le consentement de la caution ne saurait exclure l'existence d'un fait exclusif du créancier.
En effet, seul le consentement du créancier risquerait de faire défaut si les négociations s'orientaient vers un plafonnement de la garantie.
Il revient au créancier, et à lui seul, de supporter les conséquences du risque qu'il a pris en faisant souscrire un cautionnement disproportionné (article 2314 du Code civil).
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Joan Dray
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