L’absence d’action en comblement de passif envers le dirigeant d’une société en cas d’insuffisance d’apports
Le dirigeant de droit ou de fait peut être poursuivui ,par le liquidateur judiciaire ou le Ministère public, en vue d'une procédure en comblement de passif .
Pour mettre en œuvre la responsabilité pour insuffisance d’actif d’un dirigeant, il convient de retenir à son encontre une faute de gestion (C. com., art. L. 651-2). Celle-ci doit avoir été commise avant l’ouverture de la liquidation judiciaire qui autorise l’exercice de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif.
En cas de liquidation judiciaire d'une personne morale, l'article L. 651-2 du Code de commerce a aménagé une responsabilité pour insuffisance d'actif à la charge son dirigeant fondée sur ses fautes de gestion.
En effet, “en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée”(C. com., art. L. 651-2, al. 1er, in fine). Cette disposition est entrée en vigueur le 11 décembre 2016
Or, lorsqu’une faute de gestion est commise par le dirigeant, il est loisible au liquidateur d’intenter une action en responsabilité pour insuffisance d’actif, autrement intitulée la procédure de comblement de passif (L651-2 du code de commerce).
L’objectif de cette procédure est d’imputer au dirigeant (ou aux dirigeants de manière solidaire par décision du tribunal) tout ou partie du passif de la société en fonction de la gravité de la faute qu’il a commise ayant eu pour conséquence la situation de la société dans laquelle elle se trouve désormais. Le dirigeant devra alors rembourser les dettes de la société sur son patrimoine propre.
La Cour de Cassation a rendu un arrêt intéressant , le 17 juin 2020 , puisqu’elle a refusé de sanctionner un dirigeant poursuivi en comblement de passif , en considérant que « L'insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas une faute de gestion. »
I. Les conditions de l’engagement d’une procédure en comblement de passif
Cette procédure, loin d’être anodine en pratique, est cependant conditionnée à la réalisation de 3 conditions cumulatives : une action intentée par le ministère public ou le liquidateur, une insuffisance d’actif issue de faute(s) de gestion imputable au dirigeant de la société.
La notion de faute de gestion a cependant subi de nombreuses évolutions jurisprudentielles dont il ressort que commet notamment une faute de gestion, le dirigeant ne prenant pas compte du rapport d’expertise faisant acte d’une surévaluation des actifs de la société (Cass. com., 18 janv. 2000, n° 96-18.512), ou encore le dirigeant n’établissant pas les comptes annuels de la société en ne convoquant pas les associés à des assemblées générales (Cass. com., 31 janv. 1995, n° 92-21.548).
Ont été retenues comme faute de gestion :
• La poursuite abusive d'une exploitation déficitaire ;
• Le recours abusif au crédit ;
• Le fait de s'octroyer des rémunérations ou des avantages excessifs ;
• le fait d'avoir montré une particulière désinvolture dans la gestion, en ne tenant pas de comptabilité, en omettant de réunir les associés et en restant passif devant l'accumulation des dettes fiscales et sociales
• le fait de n'avoir pas payé les salariés pendant deux mois, d'avoir brutalement disparu en fermant l'établissement et de n'avoir évidemment pas finalement déposé le bilan
• le fait d'avoir créé au cours des quelques années d'activité de la société une importante insuffisance d'actif et fait preuve d'incompétence, et d'avoir malgré une cessation des paiements acquise un an auparavant, poursuivi abusivement l'exploitation déficitaire et procédé au dépôt de bilan seulement après avoir été assigné en redressement judiciaire
Quid d’un défaut de constitution des fonds propres ? Est- une faute imputable au dirigeant ?
II. L’absence de faute de gestion pour défaut de constitution des fonds propres
Comme développé ci-dessus, une faute de gestion est essentielle à l’enclenchement d’une procédure en comblement de passif. En l’espèce, le liquidateur avait assigné le dirigeant de la société en liquidation au paiement de l’intégralité de l’insuffisance d’actif au motif que manquaient les apports consentis à la société lors de sa constitution dont découle l’insuffisance d’actif de la société. Ce manquement était selon lui issu d’une faute de gestion du dirigeant.
La question est alors la suivante : un défaut d’apport est-il constitutif d’une faute de gestion imputable au dirigeant justifiant l’application d’une procédure de complément de passif à son égard ?
La Cour de Cassation répond, par la négative, dans l’arrêt du 17 juin 2020 , à cette interrogation en rappelant que « l’insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas en soi une faute de gestion dont les dirigeants auraient à répondre ».
En statuant ainsi, la Cour de cassation entérine un revirement de jurisprudence auquel elle avait procédé dans un arrêt de la chambre commerciale en date du 10 mars 2015 (n°12-15.505) où elle avait pu juger que l’insuffisance liée aux apports consentis à lors de la constitution de la société ne constituaient pas une faute de gestion.
III. Le défaut de constitution des fonds propres : une faute incombant aux associés seuls.
Cette faute de constitution des fonds propres ne peut être imputée qu’aux associés, étant les seuls à pouvoir décider de la constitution finale des apports de la société et du montant du capital social.
En effet, lors de la constitution de la société, les associés ont pour obligation de déposer des fonds propres (sommes en nature ou en industries déterminant le montant du capital social). Cette obligation n’incombe alors pas au(x) dirigeant(s) de la société mais uniquement aux associés, d’où l’absence de faute de gestion à leur égard.
Ce même raisonnement avait pu déjà être observé en jurisprudence à l’occasion d’une régularisation d’une société, d’une reconstitution des fonds propres d’une société lorsque ces derniers sont inférieurs à la moitié du capital (Cass Com 13 octobre 2015 - n° 14-15.755).
La haute juridiction a dissocié dans son arrêt la faute de gestion imputable au dirigeant et la faute imputable aux associés fondateurs, lors de la constitution de la société.
Enfin, cette solution est opportune pour les dirigeants dans le sens où cet attendu de principe s’applique à tout dirigeant, de fait comme de droit, rémunérés ou non, apparents ou occultes, d’une société sous réserve que ce dirigeant ne soit pas également un associé de la société auquel cas, la faute lui sera imputable en tant qu’associé et non en tant que dirigeant.
Notre cabinet intervient devant la Chambre du Conseil , pour représenter des dirigeants poursuivis en comblement de passif et qui peuvent subir de graves sanctions pouvant aller jusqu’à la faillite.
Le dirigeant devra faire la démonstration qu'il a apporté à la gestion des affaires sociales toute l'activité et la diligence nécessaire et qu’en dépit de ses tentatives , pour redresser la situation financière de l’entreprise, le plan de redressement a échoué pour des causes qui lui sont extérieures.
Vous pouvez me poser vos questions sur conseil-juridique.net: http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm
JOAN DRAY
Avocat
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