Le redressement ou la liquidation judicaire d’une entreprise est, en principe, sans incidence sur le sort du dirigeant, à mois que ce dernier n’ait commis une faute.
En effet, dans un souci de moraliser la vie des affaires, le droit des procédures collectives a, toujours, prévu la possibilité de sanctionner les dirigeants ayant contribué au dépôt de bilan de leur société soit, par des fautes de gestion, soit par des actes frauduleux accomplis dans leur propre.
A cet égard, il convient de préciser que ces sanctions touchent les dirigeants de droit comme les dirigeants de fait, les dirigeants rémunérés comme les dirigeants bénévoles.
En revanche, dans la procédure de sauvegarde, créée par la loi du 26 juillet 2005, une véritable immunité civile et pénale est inscrite, permettant ainsi au dirigeant de n'encourir strictement aucune sanction personnelle, et de bénéficier d'une protection en tant que garant des dettes de l'entreprise.
Cet article a pour objet d’étudier d’une part, les sanctions patrimoniales et notamment la condamnation du dirigeant au comblement du passif et d’autre part, les sanctions professionnelles.
1/ La condamnation au comblement du passif :
La condamnation du dirigeant au comblement du passif de l'entreprise, c'est-à-dire à payer lui-même les dettes sociales, peut être prononcée lorsque l'entreprise est mise en redressement ou en liquidation judiciaire (article L651-2 C com).
Pour ce faire, il faut que le dirigeant ait commis des fautes dans la gestion, même légères, voire des imprudences ou de simples négligences (Cass com 16 avril 1996).
Toutefois, la notion de faute de gestion n’est pas définie par la loi et est donc appréciés au cas par cas par les juges.
Ainsi, il peut s’agir d’une absence générale ou partielle de gestion de la société tel que le non respect des obligations légales d’établissement des comptes, le retard dans le dépôt de la déclaration de cessation des paiements….
La faute de gestion peut également être constituée par des actes de gestion, soit frauduleux, soit engagés en dépit du bon sens.
A ce titre, ont été considérées comme des fautes au sens de l’ article L651-2 C om le fait pour le gérant d'une SARL d'avoir financé, sur la trésorerie de l'entreprise, des travaux dans un local dont celle-ci n'était pas propriétaire et pour un montant sans proportion avec la situation financière de cette société dans l'espoir d'obtenir un prêt bancaire qui finalement ne lui a pas été accordé (Cass com 13 novembre 1990 n° 89-15.841) ou le fait pour un dirigeant d'avoir doublé sa rémunération ainsi que celle de son associée et amie et d'avoir effectué tardivement la déclaration de cessation des paiements de la société, alors que la régression constante de l'activité de la société se traduisait par des pertes importantes (Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-16.431).
Si la faute de gestion est retenue, encore faut il qu’elle ait contribué à l’insuffisance d’actif de l’entreprise, pour qu’elle engage la responsabilité du dirigeant.
En outre, il convient de préciser que l’insuffisance d’actif doit exister au jour de l'ouverture de la procédure collective.
En effet, seul le passif antérieur à cette date peut être pris en considération.
A ce titre, le tribunal de commerce dispose d’un pouvoir d’appréciation souverain sur le montant de la condamnation.
Ainsi, il peut décider qu’une partie du passif sera supportée par un seul dirigeant ou au contraire tout le passif par l’ensemble des dirigeants selon la gravité des fautes de chacun et leur impact sur l’insuffisance d’actif.
En outre, l’action en comblement de passif peut être engagé à tout moment de la procédure et ce, quelle qu’en soit l’issue.
Enfin, dans les cas les plus graves ou si le dirigeant condamné en comblement de passif ne s’exécute pas il risque d’être poursuivi en faillite personnelle voire au pénale.
2/ Les sanctions professionnelles :
Aujourd’hui, la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer sont des sanctions facultatives pour le juge, la première étant plus grave que la seconde.
Ces sanctions visent à évincer les dirigeants mais aussi les entrepreneurs fautifs de toute fonction de direction ou de gestion (art L653-1 I C com).
- Les fautes sanctionnées :
Les fautes susceptibles d’entrainer une faillite personnelle sont limitativement énumérées dans le Code de commerce.
A ce titre, est notamment sanctionné le fait d’avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements, le fait d’avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judicaire, fait des achats en vue d’une revente au dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds, ne pas avoir tenu de comptabilité commerciale de manière régulière et complète………
La faillite personnelle peut être prononcée dès lors qu’un seul des faits légalement prévus est établir.
Si plusieurs faits sont retenus par le juge, il résulte d’un arrêt de principe du 1er décembre 2009 visant le « principe de proportionnalité », que comme en matière d’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, il importe que chacun d’entre eux soit légalement justifié. La chambre commerciale a ainsi cassé l’arrêt d’appel qui, ayant retenu deux faits à l’encontre de la personne poursuivi, n’en avait justifié qu’un seul (Cass com 1er décembre 2009 JCP E 20210, 1115)
L’interdiction de gérer diriger, de gérer ou de contrôler peut être prononcée :
- à la place de la faillite personnelle dans les cas précédemment énumérés
- en cas d’entrave au bon déroulement de la liquidation judiciaire
- à l’encontre de la personne qui aurait omis de demander l’ouverture d’une procédure dans le délai de 45 jours suivant la cessation des paiements (article L653-8 C com)
- Les effets du prononcé d’une sanction professionnelle :
Les juges du fond sont libre d’infliger ou non une sanction professionnelle même lorsque les conditions légales sont réunies.
Lorsqu’une sanction est prononcée, les deux sanctions ont quasiment le même effet : elles interdisent à celui qui en est l’objet de diriger, gérer, directement ou indirectement toute entreprise commerciale, artisanale, agricole ou libérale, et toute personne morale (art L653-2 et art L653-8 C com).
L’interdiction de gérer est toutefois plus légère dans la mesure où elle ne peut pas concerner les entreprises ayant une activité indépendante ou libérale, sauf si elles sont exploitées sous la forme d’une personnelle morale.
Ensuite, le texte permet au juge de limiter l’étendue de l’interdiction à certaines catégories d’entreprises ou d’activités, ou à la seule direction de sociétés (art L653-8 C com).
La faillite personnelle emporte en outre certaines déchéances professionnelles, civiques et honorifiques (art L653-10 C com).
Enfin, il convient de préciser que ces deux sanctions peuvent être prononcées pour un délai maximum de 15 ans et peuvent, sous certaines conditions, faire l’objet d’un relèvement (art L653-11 C com).
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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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