crise sanitaire et économique consécutive à la survenance de l’épidémie de COVID 19 ne cesse d’impacter et de troubler l’univers des baux commerciaux.
Dans un premier temps, elle a provoqué une discussion foisonnante au sujet de la question épineuse et clivante de la redevabilité des loyers afférents aux périodes de fermeture administrative des commerces et autres établissements recevant du public, question qui déchaîne les passions et dont les réponses judiciaires ne manqueront pas tôt ou tard d’arriver de façon massive, voire contradictoire, toutes les fois où les Parties n’auront pas pu trouver d’arrangement amiable.
Mais dans un second temps, à présent que nous avons enfin tourné la page de l’année 2020, la probable baisse de fréquentation des commerces liée à divers facteurs (crainte de contamination, maintien du télétravail, développement du commerce électronique, et pour certaines villes, chute du tourisme) conjuguée à l’augmentation des locaux vacants, et donc, la probable baisse des valeurs locatives qui s’en suivra à moyen ou long terme, devrait inciter les locataires à se demander dans quelle mesure ils pourraient obtenir amiablement ou judiciairement une diminution conséquente de leur loyer.
La probable baisse des valeurs locatives devrait inciter les locataires à se demander dans quelle mesure ils pourraient obtenir amiablement ou judiciairement une diminution conséquente de leur loyer.
Pour les locataires qui ont la chance d’être à l’aube de l’expiration de leur bail ou dont le bail, déjà arrivé à échéance, se trouvera être en tacite prolongation, le moment est naturellement tout trouvé et les conditions juridiques ou matérielles sont évidemment idéales pour demander, dans la perspective du renouvellement du bail, la fixation du loyer du bail renouvelé à la baisse, à hauteur d’une nouvelle valeur locative, à condition naturellement que les termes de leur bail n’y fassent pas obstacle (I).
Dans un prochain article , nous verrons que pour la majeure partie des autres locataires qui ne sont pas dans une telle situation, il existe d'autres situations, notamment , ils disposent pour demander une révision de leur loyer à la baisse, en cours de bail, au regard de la situation de fait actuelle .
I. LA BAISSE DE LOYER A L’OCCASION DU RENOUVELLEMENT DU BAIL
Pour nombre de locataires et dans l’inconscient collectif, le renouvellement du bail rime bien souvent avec une augmentation prévisible du loyer. C’est là une idée reçue liée à la croyance selon laquelle l’indice légal pris en considération pour l’application de la règle du plafonnement du loyer lors du renouvellement du bail devrait s’appliquer mécaniquement. Or, cela est faux. En effet, la règle du plafonnement du loyer à l’indice ne constitue, par définition, qu’un « plafond » protecteur du locataire et nullement un « plancher ».
Aussi, la crise sanitaire actuelle est l’occasion pour les locataires concernés (bail venant bientôt à expiration ou bien bail déjà expiré en cours de tacite prolongation) de solliciter le renouvellement de leur bail à hauteur d’une nouvelle valeur locative (1), à condition naturellement que les termes de leur bail n’y fassent pas obstacle (2).
1) Le Principe général de fixation à la valeur locative
Les articles L 145-33 et L 145-34 du Code de commerce posent le principe selon lequel le loyer du bail renouvelé doit correspondre à la valeur locative à la date d’effet dudit renouvellement, quel que soit son montant, qu’importe qu’il soit inférieur au dernier loyer exigible ou même au loyer contractuel initial.
A défaut d’accord amiable des parties sur celle-ci, le Juge éventuellement saisi du litige devra se référer aux caractéristiques du local, à la destination des lieux, aux obligations respectives des parties, aux facteurs locaux de commercialité et aux prix couramment pratiqués dans le voisinage, après avoir, le cas échéant, recueilli l’avis d’un Expert judiciaire.
Cependant, par exception au principe général, et afin de protéger le locataire, le législateur a institué le mécanisme du plafonnement en vertu duquel le loyer du bail commercial renouvelé ne peut excéder le montant résultant de l’évolution de l’indice national trimestriel applicable (à savoir l’indice des loyers commerciaux ou bien, le cas échéant, l’indice des loyers des activités tertiaires), même si la valeur locative lui est supérieure (sauf cas de « déplafonnement » mais c’est là un autre sujet).
Aussi, dans la mesure où cette règle du plafonnement à l’indice, comme il a été dit, ne constitue par définition qu’un « plafond » et en aucun cas un « plancher », si la valeur locative est inférieure au loyer plafonné, c’est bien à la valeur locative que le loyer de renouvellement devra être fixé, même si celle-ci est plus basse que le loyer en cours, voire plus basse que le loyer convenu lors de la signature du bail initial.
Il est important de préciser que pour obtenir une diminution de loyer à l’occasion du renouvellement du bail, la seule preuve que doit rapporter le locataire est celle du montant de la valeur locative elle-même. Dans la mesure où il n’y a pas de plancher, le locataire n’a pas à faire la démonstration d’une quelconque baisse objective des facteurs locaux de commercialité.
Ainsi, la seule question qui se posera sera de savoir à combien s’élève la valeur locative au moment du renouvellement du bail.
Cela étant dit, en pratique, il est certain que la disparition de certains éléments objectifs qui participaient à la commercialité d’un secteur, contribuera à convaincre un Expert judiciaire et ensuite un Juge des loyers commerciaux, de l’existence d’une baisse de la valeur locative.
Dans le même sens, le nombre de commerces vacants, s’il n’est pas dû à la hauteur des loyers sollicités mais au faible nombre de candidats intéressés, sera également un signe démonstratif de la baisse de la valeur locative.
Mais la meilleure démonstration du niveau de la valeur locative, consistera à relever de la façon la plus exhaustive possible l’ensemble des prix couramment pratiqués dans le voisinage (prix des nouvelles locations, niveau des renouvellements amiables, valeurs judiciaires…).
2) La possibilité de clauses contractuelles contraires
Les règles légales de fixation du loyer du bail renouvelé édictées aux articles L 145-33 et L 145-34 du Code de commerce ne sont pas d’ordre public. Dès lors, les Parties sont libres de les écarter complètement ou de les aménager comme elles le souhaitent à la condition que cela résulte d’une clause contractuelle expresse et non équivoque.
C’est ainsi qu’un certain nombre de baux, émanant essentiellement de bailleurs institutionnels, notamment dans les centres commerciaux, contiennent des « clauses-planchers » selon lesquelles, en cas de renouvellement du bail, le loyer du bail renouvelé sera certes fixé à la valeur locative mais sans jamais cependant pouvoir être inférieur à un plancher donné (généralement soit le dernier loyer exigible indexé, soit le dernier loyer contractuel).
En présence d’une telle clause dérogatoire, hélas légale, à la supposer dépourvue d’ambiguité, le locataire ne sera juridiquement pas recevable à demander le renouvellement de son bail moyennant un loyer inférieur à la valeur du plancher objet de la clause.
En revanche, il va sans dire qu’une telle clause plancher peut produire des effets pervers.
En effet, elle est incontestablement de nature à inciter le locataire arrivant en fin de bail à préférer donner congé des lieux plutôt qu’à s’engager pour plusieurs années supplémentaires moyennant un loyer déconnecté de la valeur locative réelle des lieux, surtout si d’autres locaux vacants lui tendent les bras, ce qui risque d’arriver en pareil contexte économique.
Dès lors, en pratique, sauf à ce que le local soit exceptionnel et irremplacable en termes d’emplacement, de surface ou de configuration, une telle clause n’empêche pas le locataire de négocier avec son bailleur un loyer inférieur au plancher contractuel en mettant dans la balance le principe même de sa présence dans les lieux.
En effet, si certains bailleurs ont les épaules solides au point de supporter une très longue vacance locative, c’est loin d’être le cas de tous….
Nombreux d’entre eux, sensibles au risque qu’un congé leur soit délivré pour la fin du bail, préfèreront donc privilégier la discussion amiable, puisque dans l’hypothèse d’un tel congé, ils devront alors trouver un nouveau locataire dont ils devront arracher un loyer à hauteur d’un montant qui, vu les circonstances actuelles, ne sera peut-être pas supérieur au nouveau loyer demandé par le locataire en place.
Vous pouvez me poser vos questions sur conseil-juridique.net: http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm
JOAN DRAY
Avocat
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