Lorsque la décision d’expulsion est obtenue par la voie du référé, c’est une ordonnance qui ne tranche pas le fond et qui est provisoire par nature.
L’ordonnance de référé est assortie de l’exécution provisoire de droit (C. pr. civ., art. 514, al. 2) ; par conséquent l’expulsion du locataire peut être poursuivie même s’il a fait appel de la décision ou saisi le fond.
Avant d'arriver à cette situation extrêmement difficile pour le locataire, qui risque de tout perdre, puisque dans la plupart des cas, le bail constitue le seul composant du fonds de commerce qui a une valeur, il peut solliciter des délais.
Néanmoins, il ne suffit pas de se présenter devant le juge des référés, et de solliciter, des délais et la suspension de la clause résolutoire, il faut pouvoir justifier qu'il remplit les conditions pour pouvoir bénéficier de ces délais.
1/ Les conditions de l’octroi de délais de paiement
Il convient de rappeler que l'article L. 145-41 du Code de commerce détermine les conditions d'application de la clause résolutoire et de sa suspension.
Cette disposition énonce que les juges saisis d'une demande présentée par le preneur dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 et 1244-3 du Code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre les effets de la clause résolutoire.
L'article 25, alinéa 2 du décret devenu après codification l'article L. 145-41, alinéa 2, du Code de commerce permet au juge d'accorder au débiteur des délais en suspendant, sous certaines conditions, les effets de la clause résolutoire.
"Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du Code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée (....)".
L’octroi de délais de paiement est subordonné à deux conditions :
-Le juge des référés ou le juge du fond doit être saisi d'une demande par le preneur, il n’existe aucune automaticité ;
– cette demande n’est recevable que lorsque la résiliation n'a pas été prononcée ou constatée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée.
Une simple opposition au commandement de payer ne suffit pas, il faut en faire expressément la demande.
Le preneur peut solliciter sa demande après le délai d’un mois prévu par le commandement et même pour la première fois en appel.
Il est fréquent qu’un locataire ne parvient pas régler les causes du commandement de payer dans le délai d’un mois qui lui est imparti.
Pour autant, le dispositif de l’article article L. 145-41 du Code de commerce lui permettra de solliciter des délais pour éviter une résiliation de plein droit.
Dans le cas où les causes ont été réglées par le débiteur, c'est-à-dire postérieurement au délai d'un mois, mais avant que la juridiction ne soit saisie ou ne soit amenée à statuer, il n'y a pas lieu de solliciter de nouveaux délais, mais il faut demander la suspension des effets de la clause résolutoire
Il est nécessaire de rappeler la jurisprudence constante puisque la Cour de cassation décide que le juge ne peut suspendre les effets de la clause résolutoire et dire que la clause n'a pas joué, au seul motif que la locataire se trouvait à jour de ses loyers, sans accorder auparavant des délais au preneur.
(Cass. 3e civ., 4 mai 2011, n° 10-16.939, FS-D, Vigna c/ Sté Hôtel de Lausanne).
La demande de délais est nécessaire même si le locataire a exécuté ses obligations dès lors qu'il ne l'a pas fait dans le délai d'un mois imparti par le commandement.
La demande doit être présentée “dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du Code civil”.
Des délais peuvent être accordés dans la limite de deux ans compte tenu à la fois “de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier”.
En outre, le juge peut prescrire que les sommes dues porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal (C. civ., art. 1244-1, al. 2).
La demande de délais n’est nullement conditionné à la seule existence d'une situation économique catastrophique de celui qui les demande, mais relève du pouvoir discrétionnaire du juge (CA Lyon, 8e ch., 13 sept. 2011, n° 10/03484 : JurisData n° 2011-024415).
Le débiteur devra faire la preuve de sa bonne foi et de ses difficultés financières et il est déconseillé de se présenter devant le juge, sans documents, ni justificatifs.
Les magistrats refusent la demande de délais lorsqu’il y a aggravation constante de la dette sans que le preneur ne puisse établir qu'il sera en mesure de l'apurer dans le délai sollicité (CA Paris, 26 févr. 2003) ou de la remise à l'huissier ayant délivré le commandement de 4 chèques antidatés permettant d'étaler leur encaissement sur plusieurs mois, ce qui relève d'une pratique illégale (CA Orléans, 22 sept. 2005, n° 04/03213 : JurisData n° 2005-297061)).
La clause résolutoire ne peut être invoquée par le bailleur si le débiteur s'acquitte de ses obligations dans le délai et selon l'échéancier fixé.
Quelles sont les conséquences si le débiteur ne respecte pas le calendrier prévu par l’ordonnance de référé ?
II/ sur les conséquences du défaut de paiement
Le défaut de paiement par le débiteur de l'échéancier prévu, entraîne l'acquisition de la clause résolutoire avec les conséquences subséquentes.
L’ordonnance de référé prévoit fréquemment que la suspension des effets de la clause résolutoire est subordonnée au paiement des loyers à échoir à la date contractuelle pendant la durée des délais impartis.
Si les loyers à échoir postérieurement ne sont pas visés par l'ordonnance, leur non-paiement par le débiteur ne peut entraîner la résiliation sur le fondement de la clause résolutoire qu'après signification d'un commandement.
Il est donc recommandé de demander au juge qui accorde les délais de prévoir que le défaut de règlement des échéances à échoir emportera la résiliation de plein droit.
( Cass. 3e civ., 2 avr. 2003, Sté Foncière Burho c/ Sté Clayton : Juris-Data n° 2003-0018477 (Cassation de CA Paris. 16e ch. civ., sect. B, 19 oct. 2001)
Lorsqu’un locataire sollicite des délais de paiement, il lui est recommandé de se faire assister par un avocat pour qu’il prenne conscience de l’étendue de ses engagements.
Vous pouvez me poser vos questions sur conseiller juridique.net : http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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