Comment l’opposition à contrainte au paiement des cotisations et contributions sociales peut-elle être recevable ?
Par un arrêt en date du 24 mai 2017, rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation, cette dernière est venue démêler une confusion introduite par la CIPAV d’une part, en soulignant que la recevabilité de l’opposition à la contrainte n’était pas subordonnée à l’exigence d’une signification ou notification préalable au débiteur:
Puis, elle rappelle, la nullité de la contrainte délivrée sans les mentions dites obligatoires, de nature à éclairer le tribunal sur le calcul des cotisations réclamées.
Le principe est ici très difficile à exprimer. En effet, ici il ne s’agit concrètement que d’une bataille procédurale.
La CIPAV (Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse), cherche à faire reconnaitre l’irrecevabilité de l’opposition à contrainte, en la désignant comme prématurée, faute de signification de la contrainte elle même.
En l’espèce, la CIPAV émet une contrainte le 12 novembre 2013, notifiée par huissier le 14 novembre. Cependant, ce fameux courrier ne contenant aucune des mentions obligatoires contenus a l’article R133-3 du code de la Sécurité Social, le cotisant a formé opposition le 30 novembre, sachant probablement que son opposition dès lors était recevable et allait fonder une annulation de la contrainte.
Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS, tribunal compétent) débouta la CIPAV de sa demande formée contre le cotisant. L’opposition fut donc déclaré recevable et la contrainte fut annulé. Mais la CIPAV décide de formé un pourvoi au moyens duquel elle indique qu’en vertu de l’article R133-3 du CSS, la contrainte est signifiée au débiteur par acte d’huissier ou lettre recommandée avec demande d’avis de réception, or selon elle, le TASS n’ayant pas constaté que le courrier du 14 novembre entrait dans l’une des deux options citées, le TASS aurait privé sa décision de base légale.
Deuxièmement et corrélativement, la CIPAV reproche au TASS d’avoir déduit d’un motif inopérant et violé l’article R133-3 du CSS, l’annulation de l’acte alors que selon elle, le courrier en question n’était pas une contrainte en réalité.
La Chambre Civile ne s’y laisse pas prendre puisqu’elle décide de mettre à plat cette confusion.
Elle estime qu’aucun texte ne subordonne « la recevabilité de l’opposition à l’encontre d’une contrainte décernée par un organisme de Sécurité Sociale à sa signification ou à sa notification préalable au débiteur ».
Et corrélativement, que la CIPAV ne produit aucun décompte, susceptible d’éclairer le tribunal sur le calcul des cotisations réclamées, et donc le tribunal aurait justifié légalement sa décision.
Pour la personne n’ayant aucune connaissance en matière de procédure, la tâche peut devenir ardue: en effet, à la lecture des articles à l’appui de cette décision, les termes de signification , de contrainte ou encore les difficultés relevant des délais pour agir ont de quoi mettre la confusion.
I/ la signification de la contrainte: une exigence réfutée par la Cour de Cassation
En réalité, le problème est complexe, la Caisse se prévaut du fait que le courrier litigieux envoyé par l’huissier n’était pas une signification, au sens de l’article R133-3. Corrélativement, toute opposition qui se formerai serait prématurée car la signification n’a pas encore eu lieu.
De plus, une nouveauté voit le jour quelques jours à peine avant le retour de cette décision. En effet, ce même article a été modifié par décret le 9 mai 2017, pour entrée en vigueur, le 11 mai 2017, donc 13 jours à peine avant l’arrêt de la Cour de Cassation.
Cette modification est révélatrice de la ratio légis de cette article.
En effet, selon la rédaction antérieure, « le débiteur peut former opposition… dans les quinze jour à compter de la signification » , la modification paraît minime est pourtant, « Dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification ».
Comme nous pouvons le lire, la différence est fondamentale, car le terme de « signification » suppose un acte d’huissier, or c’est justement ,sur cela, que le pourvoi de la Caisse repose.
Mais la Cour de Cassation dit pourtant, « qu’aucun texte ne subordonne la recevabilité de l’opposition à l’encontre d’une contrainte à sa signification ou à sa notification préalable ».
Nous serions donc en présence d’une simple maladresse de la part du gouvernement, qui a tenté donc le 9 mai 2017 de palier en ce problème.
Mais cette explication n’est pas la seule. En effet la volonté de ne pas subordonné la recevabilité de ce type d’action à une condition supplémentaire est compréhensible, dans la mesure où les conséquences de la contrainte sont importants; l’article 244-9 du CSS dispose ainsi qu’à « défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (…) la contrainte comporte tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire »
Le but dès lors est de ne pas alourdir les conditions de la recevabilité de l’opposition à contrainte, en grévant une condition en plus non prévues par les textes.
Objectivement il n’est pas faux de dire que le responsable de ces confusions est la maladresse du terme signification. En effet, le sens de la phrase utilisé peut supposer que le cotisant doit attendre la signification pour pouvoir former opposition.
Concrètement tout cela signifie que la signification ou la notification préalable de la contrainte n’a pour objet que de fixer le point de départ du délai de prescription de l’action en exécution de la contrainte et du délai de 15 jours, pour former opposition à contrainte, et peu importe la date à laquelle l’intéressé a pris connaissance de la signification (du moment que cela s’inscrit dans les 15 jours).
II/ L’exigence de justification des montants réclamés
Il est de jurisprudence constante que la contrainte doit permettre au cotisant de bien savoir ce qu’il doit et pourquoi il le doit.
Une obligation d’information pèse donc sur l’organisme de sécurité sociale; une obligation comprenant « à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice ».
En l’espèce, le montant de la dette dans la contrainte était non seulement différent de la mise en demeure préalable (ce qui peut ne pas poser de problème car des paiements peuvent avoir lieu entre les deux) mais ne correspondait pas à la réalité.
De ce fait, la nullité était la seule issue possible pour la contrainte en question.
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Joan DRAY
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