Conditions et expiration du bail dérogatoire
En principe, le bail donné à un locataire pour lui permettre d’exploiter son fonds de commerce est un bail commercial qui est soumis à une législation particulière : le droit des baux commerciaux.
Ces types de baux sont conclus pour une durée minimum relativement longue (9 ans avec droit au renouvellement) assortie d’une ensemble de garanties légales relativement contraignante (congé triennale et droit au renouvellement, droit à indemnité pour le locataire en cas de récupération du local par le bailleur…).
Dans certains cas, ces dispositions peuvent ne pas satisfaire les attentes des parties.
En effet, le commerçant ou l’artisan preneur peut souhaiter prendre à bail les locaux pour une durée plus courte. Cela peut être intéressant par exemple s’il souhaite simplement tester le marché local avant de développer sérieusement son activité.
De même, le bailleur peut être désireux de ne pas s’engager sur une durée trop longue et d’éviter ainsi les dispositions contraignantes du statut des baux commerciaux.
Les parties peuvent se soustraire aux contraintes propres à la législation particulière applicable aux baux commerciaux en concluant un bail dit dérogatoire.
Le bail dérogatoire est un bail de courte durée (limité à deux ans) dont le statut relève essentiellement du code civil.
Quelles sont les conditions pour qualifier un bail de bail dérogatoire ? Que se passe t il si locataire reste dans les locaux après son expiration ? Dans cette hypothèse, quel sort est réservé à la caution donnée en paiement des loyers ?
LES CONDITIONS DU BAIL DEROGATOIRE
Le bail dérogatoire est un véritable bail exclu expressément du statut des baux commerciaux à la condition qu’il soit conclu pour une durée maximale de vingt-quatre mois (art. L 145-5 du Code de commerce).
La durée du bail peut être inférieure à deux ans mais elle ne peut être en aucun cas supérieure, même d'un jour.
Il est toutefois possible de conclure un bail dérogatoire d'une « durée ferme» inférieure à vingt-quatre mois, et de conférer au bailleur, à compter de l'expiration de cette durée ferme, une faculté discrétionnaire de résiliation, à la condition que la durée totale du bail soit inférieure à vingt-quatre mois (Cass. 3e civ., 23 janv. 2007).
En principe un bail dérogatoire ne peut être conclu que lors de l'entrée dans les lieux du preneur.
Il est toutefois possible de cumuler plusieurs baux dérogatoires, dans la limite légale de 24 mois (loi n° 2008-776 du 4 août 2008).
De même, la conclusion d’un bail dérogatoire a été admise alors que le preneur avait déjà occupé les locaux en vertu d'un bail commercial, dans la mesure où ce dernier avait été judiciairement résilié et le preneur expulsé (CA Paris, 16e ch, sect. A, 14 janv. 2009).
La date de la convention et la date d'entrée dans les lieux peuvent ne pas coïncider (Cass. 3e civ., 9 déc. 2008).
L'application de l' article L. 145-5 du Code de commerce implique que le bail doit porter sur un local dans lequel est exploité un fonds de commerce et que le preneur doit remplir les conditions du statut des baux commerciaux.
Comme le souligne un commentateur « un bail commercial ne pourrait être réputé conclu dans les termes de l'article L. 145-5, alinéa 2 du Code de commerce que dans l'hypothèse où les conditions légales prévues par l'article L. 145-1 dudit code seraient remplies » (Ph.-H. Brault, note sous Cass. 3e civ., 16 juin 2004).
EXPIRATION DU BAIL DÉROGATOIRE
Si à l’expiration de la durée prévue, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux (art. L 145-5, alinéa 2, du Code de commerce).
Ce basculement de statut devient effectif à compter de l’expiration de la durée prévue dans le bail dérogatoire sauf renonciation expresse du preneur.
Par exemple, si la durée du bail dérogatoire est fixée à 16 mois par le contrat, le locataire maintenu en possession à l’expiration de ces 16 mois sera titulaire d’un bail commercial à compter du 17e mois.
Il est donc inutile de consentir le bail dérogatoire pour une durée de vingt-trois mois dans le but de laisser un délai pour que le locataire quitte les lieux.
De même, le bailleur qui notifie un congé au preneur d’un bail dérogatoire pour une date postérieure à l’échéance contractuelle, maintient le preneur dans les lieux (Cass. 3e civ., 22 janvier 2003).
Par contre, le bail dérogatoire expiré ne peut se transformer en bail soumis au statut des baux commerciaux si la destination du local ne répond pas aux conditions de l’article L 145-1 du code de Commerce (CA Paris, 16e ch., sect. B, 21 nov. 2003, Sté CPH Immo c/ Gie du Centre commercial de Rosny 2).
Dès lors, si les locaux loués sont constitués d’un entrepôt de stockage et de bureaux, que le bail précise qu’ils sont à usage d’entrepôt de produits de grande consommation, que le preneur n’a jamais eu l’intention d’exploiter un magasin de vente dans ces locaux et qu’aucune clientèle n’y a été reçue, le local ne peut constituer un lieu d’exploitation et le basculement de statut est impossible (Cass. 3e civ, 16 juin 2004).
CAUTIONNEMENT DONNÉ POUR UN BAIL DÉROGATOIRE ET BASCULEMENT VERS UN BAIL COMMERCIAL
Qu’en est il de la caution donnée en garantie du paiement des loyers d’un bail dérogatoire dans le cas où le bail se transformerait en bail commercial ?
En principe, le cautionnement ne peut pas être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté (art. 2292 du Code civil).
De ce fait, l’arrivée du terme du bail doit libérer la caution de sa garantie pour les dettes nées postérieurement et le cautionnement donné pour le bail dérogatoire ne s'étend pas au bail commercial qui lui succède (Cass. 3e civ. 28 novembre 2012)
La caution peut toutefois se porter garant en cas de renouvellement du bail ou en cas de basculement vers un bail commercial, à condition que cette extension de garantie soit expresse (Cass. 1re civ. 4 octobre 2000).
Pour éviter l'expiration de la garantie dont il bénéficie, le bailleur doit ainsi prévoir expressément dans l’acte de caution que le cautionnement durera aussi longtemps que le locataire demeurera dans les locaux loués.
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.
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Joan DRAY
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