La Cour de cassation, réunie en Chambre commerciale, a rendu un arrêt le 16 septembre 2014 concernant les conditions d’ouverture d’une procédure collective en cas de changement de mode d’exercice de l’activité. (Cass. com., 16 sept. 2014, n° 13-17.147).
La Cour de cassation avait déjà rendu des décisions concernant l’éligibilité d’un débiteur exerçant une profession libérale indépendante mise en société. (Cass. com., 9 févr. 2010, n° 08-15.191, n° 08-17.144 et n° 08-617.670 ).
I. Les faits.
En l'espèce, un chirurgien-dentiste a exercé dans un premier temps, à titre individuel, puis sous la forme d'une société d'exercice libéral, à compter de l'année 2000.
Le 2 mars 2012, la caisse de retraite de ces professionnels l'a assigné en vue de l'ouverture d'un redressement judiciaire.
Sa demande ayant été jugée irrecevable, elle a rédigé un pourvoi.
À l'appui de sa demande, la caisse prétend que les règles de la profession d'avocat sont dérogatoires à celles applicables à d'autres professions libérales et, s'il a pu être jugé que l'avocat qui a cessé son activité à titre individuel pour devenir associé d'une société d'exercice libéral a par conséquent cessé d'exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l'article L. 631-2 du Code de commerce, tel n'est pas le cas d'un chirurgien-dentiste.
L’article L. 631-2 du Code de commerce dispose : « La procédure de redressement judiciaire est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé. »
En outre, la caisse prétend qu'en continuant à exercer dans le cadre d'une société unipersonnelle, il ne pouvait être regardé comme ayant cessé son activité professionnelle indépendante.
2. Les textes applicables et la décision.
Les arguments de la caisse se révèlent totalement inefficaces.
- Tout d'abord, la loi ne distingue pas entre les différentes professions libérales.
Par conséquent, la mise en société d'une activité individuelle emporte arrêt de la réalisation d'une activité professionnelle indépendante rendant le professionnel inéligible aux procédures collectives à l'issue du délai d'un an à compter de la cessation.
- De plus, la forme sociétaire choisie par le professionnel, société unipersonnelle, comme en l'espèce, ou société pluripersonnelle est indifférente.
En effet, il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas.
Les articles L. 631-2 et L. 640-2 du Code de commerce ne procèdent à aucune de ces distinctions. Par conséquent, il n'y a aucune raison de les faire dans le but de considérer que le chirurgien-dentiste exerçant son activité professionnelle en société unipersonnelle est toujours éligible aux procédures du livre VI du Code de commerce.
Le débiteur avait cessé son activité professionnelle et avait perdu son indépendance.
Il exerçait une activité à titre de mandataire social.
Par conséquent, la personne exerçant une profession indépendante, qui a cessé d'exercer son activité à titre individuel pour devenir associé d'une société d'exercice libéral unipersonnelle, n'agit plus en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société.
Elle cesse dès lors d'exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l'article L. 631-2 du Code de commerce.
Le tribunal peut ouvrir à son égard une procédure de redressement judiciaire après cette cessation d'activité, lorsque tout ou partie du passif provient de l'activité professionnelle antérieure.
Toutefois, si la procédure est ouverte sur l'assignation d'un créancier, cette dernière doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la cessation de l'activité individuelle.
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Joan DRAY
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