En matière de bail d’habitation, la reprise pour habiter consiste pour le bailleur à donner congé au preneur en fin de bail lorsqu’il souhaite l’occuper lui-même (ou un membre de sa famille).
Ce congé pour reprise donne lieu à un contentieux important, tant les situations et les conditions à remplir sont nombreuses.
En effet le défaut d'occupation des lieux par le bénéficiaire de la reprise ouvre au profit du locataire une action fondée sur la responsabilité contractuelle du bailleur (Cass. 3e civ. 19-6-1991), ce dernier s'exposant à devoir payer des dommages-intérêts au locataire (Cass. 3e civ. 19-4-2000 n° 98-21.124).
- Incidence de la réalisation de travaux sur l'obligation d'occupation des lieux par le bailleur
Un arrêt rendu récemment par la Cour de cassation illustre la situation où les preneurs ayant libéré les lieux ont ensuite assigné leur ancien bailleur en paiement de dommages-intérêts du fait de la non occupation du logement, celui-ci étant en travaux. (3ème civ. 5 janvier 2011 n° 09-67.861)
Le propriétaire avait délivré à ses preneurs, le 3 janvier 2007, un congé pour reprise personnelle.
Les preneurs ont libéré les lieux le 1er juin 2007, puis, par acte du 22 octobre 2008, ont assigné leur ancien bailleur en réparation du préjudice subi du fait de la non-occupation du logement par le bénéficiaire de la reprise.
La Cour d’Appel ayant rejeté leur demande, ils se pourvoient en cassation en prétendant que le bailleur leur aurait délivré un congé au motif fallacieux, les locaux étant restés inoccupés depuis plus d’un an.
Cependant la Cour de cassation confirme l’arrêt et le jugement de 1ère instance en énonçant que les travaux en cours depuis la délivrance des lieux expliquaient l’absence d’occupation par le bailleur, et qu’en conséquence les anciens preneurs ne peuvent obtenir de dommages-intérêts.
On peut donc en conclure que le défaut d’occupation suite à la délivrance d’un congé pour reprise peut être justifié si celle-ci est due à des travaux.
- Les mentions devant figurer sur le congé à peine de nullité.
Il en est ainsi, des nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire ou des bénéficiaires devant exploiter conjointement le bien loué ainsi que l'habitation ou éventuellement les habitations que devront occuper après la reprise le ou les bénéficiaires du bien repris (L. 411-47 al.1 du code rural et de la pêche maritime).
Ces mentions sont destinées à informer le preneur de régularité, la réalité et la sincérité de la décision de reprise du bailleur et permettant d'apprécier l'opportunité de la contester.
Elles sont donc prévues à peine de nullité. Toutefois, le dernier alinéa de l'article L. 411-37 précise que « la nullité ne sera toutefois pas prononcée si l'omission ou l'inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur ».
Ainsi, il a été considéré que « l'omission, dans le congé, de l'indication de la profession des bénéficiaires n'était pas de nature à induire le preneur en erreur du fait qu'elle était connue de celui-ci » (Civ. 3e, 26 juin 1991).
Ces simples omissions ne peuvent entraîner la nullité du congé en l'absence de préjudice pour le locataire dès lors que, l'identification du bénéficiaire étant indiscutable, la loi n'impose pas que le bailleur justifie du besoin de logement (Cass. 3e civ. 8-7-2008 n° 07-14.998).
A l’inverse, il a été jugé que l’omission de la profession du bénéficiaire de la reprise jointe à une erreur sur le domicile « a nécessairement été de nature à induire le preneur en erreur sur le caractère réaliste du projet » de reprise par le bailleur. (3ème civ. 2 février 2011, n° 10-11.286)
En l’espèce c’est le caractère dolosif de ces manœuvres qui a entraîné leur sanction.
- Le contrôle du juge sur la réalité de la reprise.
En tout état de cause les tribunaux n’ont pas à exercer de contrôle sur le motif de la reprise. La simple indication que le bailleur souhaite reprendre le bien pour l’habiter suffit.
Le congé pour reprise est en effet différent du « congé pour motifs légitime et sérieux », qui peut être donné en cas d’inexécution de ses obligations par le preneur (paiement des loyers par exemple).
En revanche, la réalité de cette reprise est contestable. Le contrôle préalable du juge est ainsi possible et le congé peut être déclaré frauduleux si la preuve de la fraude est rapportée (Cass. 3e civ. 31-10-2006), la charge de la preuve pesant sur le preneur.
Il appartient au juge, lorsque cela lui est demandé, de rechercher si le congé a été délivré frauduleusement (Cass. 3e civ. 26-6-2007 n° 06-18.177).
Ce qui signifie un contrôle à posteriori sur le caractère frauduleux, ou non, de la reprise à la suite de l'inoccupation des lieux par le bénéficiaire (Cass. 3e civ. 6-3-1996).
Ainsi a été reconnue l’intention frauduleuse du bailleur peut se déduire d’une relocation 3 mois après le congé pour un loyer presque doublé (Cass. 3e civ. 16-1-2002 n° 00-11.824).
On peut aussi citer le cas où la preuve d'une reprise à titre de résidence secondaire peut être rapportée dès la délivrance du congé (CA Aix-en-Provence 28-6-2005).
Rappelons que dans l’espèce étudiée plus haut la Cour a statué que la non-occupation du logement par le bénéficiaire de la reprise pendant plus d'un an après celle-ci peut être justifiée par la réalisation de travaux dans le logement (Cass. 3e civ. 5-1-2011 n° 09-67.861).
De plus, si le motif d'un congé à fin de reprise a perdu son actualité pour une cause postérieure au congé et extérieure au bailleur, la loi n'impose pas au bailleur d'en informer le locataire et le congé demeure valable (Cass. 3e civ. 13-07-2005 n° 04-12.577).
La rédaction des congés et leur vérification par un avocat peut se révéler utile pour limiter les causes de nullité de l'acte d'huissier.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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