Le changement d'objet social ou d'activité réelle entraîne la cessation d'entreprise au plan fiscal.
Toutefois, le Conseil d’État a récemment jugé que ce changement ne remettait pas en cause l'option opérée par une société de personnes pour l'impôt sur les sociétés.
L'impôt sur le bénéfice des sociétés concerne autant des sociétés, que certaines associations et des organismes publics.
Trois catégories de personnes morales sont assujetties à l'impôt sur les sociétés :
- les sociétés de capitaux, notamment les sociétés anonymes (SA, SAS), les SARL, ou les sociétés en commandite par actions,
- certaines personnes morales en fonction de la nature de leur activité, ainsi les sociétés civiles qui ont une activité industrielle ou commerciale et des associations réalisant des opérations lucratives,
- si la société a opté pour l'imposition à l'impôt sur les sociétés, même si les bénéfices sont normalement imposés à l'impôt sur le revenu au nom de chaque associé.
Par ailleurs, il existe deux régimes d'imposition à l'impôt sur les sociétés selon le type d'activité et le montant du chiffre d'affaires.
Le régime réel simplifié, permettant de bénéficier d'obligations comptables et déclaratives allégées, s'applique aux société dont le chiffre d'affaires de l'année civile précédente est inférieur à 236 000 € pour les activités de prestation de services, ou 783 000 € pour les activité de vente ou fourniture de logement.
Toutefois, les sociétés soumises au régime simplifié peuvent opter pour le régime normal en en faisant la demande auprès de l'administration fiscale.
Outre les sociétés qui ont exercé cette option, le régime réel normal concerne celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 236 000 € pour les activités de prestations de services, ou 783 000 € pour les activités de vente.
Le changement d'objet social d'une société n'entraîne pas, en droit commun, de création d'une entité distincte, ainsi que le prévoit clairement l'article 1844-3 du Code civil
Le droit fiscal adopte une position inverse et l'article 221,5 du Code général des impôts (CGI) dispose que : « Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise ».
I – La notion de changement d'objet social ou d'activité réelle
Il ressort de la combinaison des articles 1835 du Code civil et L 210-2 du Code de commerce, que les statuts doivent déterminer le contenu de l'objet social avec une précision suffisante.
Le changement de l'activité de la société doit donc, en principe, s'accompagner de la modification des statuts, à moins qu'il se trouve inclus dans un objet social entendu initialement de manière large.
Toutefois, le Conseil d'Etat estime qu'il convient de s'attacher à l'activité réelle de la société et peu important que la société ait modifié ou non son objet social, ou même qu'elle l'ai dépassé (CE 17 mai 1982 n° 21759).
Par conséquent, il convient d'étudier plus précisément les différentes situations de fait pouvant constituer des changements d'activité.
- L'adjonction d'activité :
L'article 211 du CGI prévoit que constitue un changement d'activité une adjonction d'activité entraînant une augmentation de plus de 50 % par rapport à l'exercice précédant : soit du chiffre d'affaires, soit de l'effectif moyen du personnel et du montant brut des éléments de son actif immobilisé.
Il s'agit du cas où une société entreprend une ou plusieurs activités de nature différente de celles exercées précédemment, l'adjonction d'une activité identique à ne s'analyse pas comme un changement d'activité.
Ainsi, une société exerçant l'activité de prise de participations au capital de sociétés, avait adjoint une activité nouvelle de commercialisation de matériaux et avait ainsi triplé son chiffre d'affaires, alors que l'activité de gestion de titres était devenue marginale. La société doit être regardée comme ayant changé d'activité au sens des dispositions de l'article 221, 5 du CGI (CE 10 juillet 2007 n° 288484, 8e et 3e s.-s., SARL Final : RJF 11/07 n° 1219).
- L'abandon ou le transfert d'activité :
Le même article 211 dispose qu'une société change d'activité lorsqu'elle procède à un abandon ou à un transfert, même partiel, d'activité qui entraîne une diminution de plus de 50 % par rapport à l'exercice précédant : soit du chiffre d'affaires, soit de l'effectif moyen du personnel et du montant brut de l'actif immobilisé.
Cet abandon ou transfert peut notamment résulter d'une scission, d'un apport partiel d'actif, de la cession, ou encore de l'arrêt d'une activité.
Hors ces deux cas non limitatifs cités par l'article 221, 5, b), la jurisprudence a considéré que constituaient des changements d'activité les modifications de la nature des opérations réalisées ou des biens produits ou services rendus.
De même, certaines hypothèses d'abandon ou transfert d'activité relèvent de l'article 211, 5, b) sans que ce texte ne les ait prévus explicitement.
- Le changement de la nature de l'activité :
Doctrine et jurisprudence ont développé une série d'hypothèses qui nécessitent cependant que cette modification soit profonde (D. adm. 4 A-6123 n° 29 et 30, 9 mars 2001).
Le changement d'activité est avéré en cas de passage d'une branche d'activité à une autre, par exemple dans le cas d'un passage d'une activité de construction mécanique à une activité d'administration et de gestion de biens immobiliers (CE 3 février 1989 n° 65584), ou de l'abandon d'une activité d'éditeur pour l'activité nouvelle de régie publicitaire (CE 20 mai 1985 n° 42282).
De même, le changement d'activité est caractérisé lorsqu'une entreprise cesse d'exercer son activité industrielle ou autre, pour exploiter ses installations sous forme de location, ou de gestion du patrimoine immobilier, il peut ainsi s'agir de l'abandon de la fabrication et de la vente de tuiles pour donner en location l'ensemble des installations (CE 28 mars 1973 n° 77456).
Par ailleurs, le changement d'activité est établi en cas de passage d'un type de métier à un autre à l'intérieur d'un même secteur d'activité.
Dans cette dernière hypothèse, une société peut abandonner son activité de production pour ne plus se livrer qu'à la commercialisation des mêmes produits, telle qu'une société transférant à d'autres entités son activité principale de fabrication de matériels d'équipement de cuisines collectives pour se limiter à la vente et à l'installation de ces équipements (CE 8 février 1991 n° 75459 plén., Sté Becuwe-Thomselle).
- La filialisation de l'activité :
La filialisation de l'activité relève de l'abandon d'activité.
Elle constitue le fait pour une société de filialiser ses activités d'exploitation pour devenir une société holding gérant les participations qu'elle détient dans ses filiales, exerçant son ancienne activité (CE 7 janvier 1985 n° 34936 et 34937, 7e et 8e s.-s. : RJF 3/85 n° 384).
II – Les conséquences du changement d'objet social ou d'activité réelle
L'article 221, 5 du CGI prévoit que le changement d'objet social ou d'activité réelle d'une société passible de l'impôt sur les sociétés entraîne cessation d'entreprise.
En revanche, une décision récente a limité les conséquences du changement d'objet social ou d'activité.
Le Conseil d’État juge que lorsqu'une une société de personnes est soumise par option à l'impôt sur les sociétés, le changement d'activité ou d'objet entraîne les effets fiscaux de la cessation d'entreprise, mais ne remet pas en cause cette option (CE, 10e et 9e ss-sect., 11 juin 2014, n° 347355).
La première conséquence fiscale de la cessation d'entreprise est l'imposition immédiate du bénéfice d'exploitation réalisé jusqu'à la date de l'opération, en vertu du 1 de l'article 201 du CGI.
Par ailleurs, ce changement emporte la suppression du droit au report des déficits et la réintégration des provisions réglementées.
- La perte du droit du report des déficits :
Le changement d'activité réelle entraîne la suppression pour l'entreprise de la possibilité de reporter les déficits subis avant le changement sur les résultats des exercices postérieurs la réalisation de cette opération.
Par conséquent, l'impôt immédiatement dû en raison de la cessation d'entreprise est calculé après imputation des déficits en cause.
Cette solution est une conséquence rigoureuse du changement d'objet ou d'activité, notamment lorsque ce changement a été imposé par des motifs économiques.
Le Conseil d’État a ainsi récemment décidé qu'une entreprise ayant subi une cessation d'entreprise ne pouvait reporter un déficit antérieur à son changement d'activité sur le bénéfice d'un exercice postérieur, y compris pour des profits comptabilisés au cours de cet exercice mais provenant de l'ancienne activité (CE 4 février 2013 n° 349169, 3e et 8e s.-s., Sté Sodigar 2).
- La réintégration des provisions réglementées :
Les provisions réglementées sont liées à la nature de l'activité exercée par les entreprises qui peuvent les constituer en franchise d'impôt, il s'agit notamment des provisions pour hausse des prix, ou de celles constituées par les établissements de crédit (art, 39 CGI).
Lors du changement d'objet social ou d'activité réelle, les provisions constituées et déduites avant la date de ce changement sont réintégrées au résultat de la période d'imposition close à la date du changement.
- Les obligations déclaratives :
Les entreprises affectées par un changement d'activité doivent souscrire une déclaration de résultats dans le délai de soixante jours à compter de l'événement provoquant la cessation d'entreprise.
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Joan DRAY
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