En cas d'accord de conciliation, de quel pouvoir dispose le juge en matière d'homologation ou de constatation ? Si le juge refuse l'homologation ou la constatation, que devient l'accord conclu entre les parties et quelles sont les conséquences de cette absence de ratification ?
La procédure de conciliation, instituée par la loi du 26 juillet 2005, améliorée par l'ordonnance du 18 décembre 2008, est une procédure de traitement amiable des difficultés d'un débiteur ayant une activité professionnelle indépendante. Elle vise à éviter l'ouverture d'une procédure judiciaire lourde au profit du traitement des difficultés par la voie de la négociation avec ses créanciers. Cette négociation est confidentielle et en principe non-judiciaire, bien qu'elle soit encadrée par le juge.
La procédure de conciliation est codifiée aux articles L.611-4 à L.611-15 du Code de commerce. Elle est ouverte aux personnes qui “éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours”(article L. 611-4).
Une fois l'accord de conciliation conclu, les participants peuvent se contenter de le faire constater judiciairement par le président du tribunal. C'est ce qu'on appelle la constatation judiciaire de l'accord sans publication (L.611-8,I). Les parties choisissent ainsi de préserver une confidentialité totale. En effet l'ordonnance constatant l'accord n'est pas soumise à publication et n'est pas susceptible de recours. Elle met fin à la procédure de conciliation.
Mais les parties peuvent également opter pour l'homologation judiciaire de l'accord de conciliation (article L.611-8,II). Si la publicité de l'accord est obligatoire, et fait ainsi tomber sa confidentialité, l'homologation offre de nombreux avantages aux créanciers participants (privilège de new money, protection contre les nullités de la période suspecte).
On trouve régulièrement dans les accords de conciliation des clause prévoyant la procédure en cas d'aboutissement, et notamment prévoyant la soumission à la constatation ou à l'homologation.
Cependant, le débiteur peut toujours se voir opposer un refus de la part du juge de l'homologation. Dans ce cas, l'article R.611-42 du Code de commerce prévoit qu'il peut faire appel d'une telle décision.
De même, il semble qu'un refus de constatation par le juge soit possible, bien qu'aucun article ne prévoit un appel en cas d'ordonnance en ce sens.
En cas de refus de constatation ou d'homologation, id est de ratification judiciaire, que devient l'accord de conciliation ? Puisqu'il s'agit d'une convention, il est soumis au droit commun des contrats. Ainsi, il conserve sa force obligatoire à l'égard des parties (article 1134 du Code civil). En revanche, il ne dispose d'aucune force obligation à l'égard des tiers en vertu du principe de relativité des contrats (article 1165 du Code civil).
En cas d'ouverture d'une procédure collective subséquente, l'accord conserve sa force obligatoire, il doit être considéré comme un contrat en cours au jour du jugement d'ouverture (article L.611-12 du Code de commerce, a contrario).
S'applique donc le principe de la continuation du contrat en cours. Cependant, cet accord peut se trouver fragilisé car, n'étant pas homologué, certains actes antérieurs peuvent être frappés de nullité en période suspecte (articles L.632-1 et L.641-14 du Code de commerce). De même, puisque l'accord doit être analysé en un contrat en cours, l'administrateur ou le liquidateur doit avoir la possibilité de le résilier (articles L.622-13, L.631-14 et L .641-11-1). Mais cette hypothèse semble peu probable en raison des mesures favorables au débiteur que cet accord comporte. En effet, les créanciers ayant consenti des sacrifices en vue du sauvetage de l'entreprise, ces objectifs coïncident parfaitement avec la mission du mandataire de justice, qui n'a alors aucun intérêt à le résilier.
Quelles sont les conséquences de cet accord pour les créanciers qui y ont pris partie ?
Tout d'abord, étant créanciers, ils sont soumis à la discipline collective et notamment à l'obligation de déclarer leur créance. Mais, aux vues des termes de l'accord de conciliation, ils ont consenti certains sacrifices (remises de dette, échelonnement). Ainsi, ils ne pourront déclarer que les créances réduites dans leur quantum ou rééchelonnées.
Ensuite, il est possible que les mesures consenties dans l'accord de conciliation tombent sous le coup des nullités des périodes suspectes. Ils risquent de perdre les avantages qui constituaient la contrepartie de leur sacrifice.
Quid des garants ? En cas de remises de dettes ou prorogation des échéances consenties dans l'accord de conciliation, les cautions pourront s'en prévaloir en vertu du droit commun du cautionnement. De plus, la possibilité de résilier le contrat de cautionnement conclu en vertu de l'accord de conciliation semble périlleuse car le représentant des créanciers n'est admis à agir que dans la mesure où il représente l'intérêt de tous les créanciers. Or, le contrat de cautionnement ne lie qu'une caution à un créancier précis. Seul ce créancier pourrait remettre en cause la validité d'un tel contrat. Cette solution semble s'imposer au regard de la jurisprudence sur la déclaration notariée d'insaisissabilité (Cassation, chambre commerciale, 13 mars 2012, N° 11-15.438 et chambre commerciale, 28 juin 2011, n° 11-15.438).
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.
Vous pouvez me poser vos questions sur conseiller juridique.net : http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm
Joan DRAY
Avocat à la Cour
joanadray@gmail.com
76/78 rue Saint-Lazare
75009 PARIS
TEL:09.54.92.33.53
FAX: 01.76.50.19.67