Lorsqu’une procédure collective est ouverte à l’encontre d’une société, le juge-commissaire valide les créances déclarées par son ordonnance.
Le créancier est en effet tenu de déclarer sa créance existant antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure dans un délai de 2 mois à compter de la publication de ce jugement.
Les créances déclarées font l'objet d'une vérification par le mandataire judiciaire, puis il appartient au juge-commissaire de se prononcer sur leur admission.
Elle peut être acceptée ou rejetée (totalement ou partiellement), et cette décision revêtira l’autorité de chose jugée.
La décision du juge commissaire est cependant susceptible d’être contestée par le créancier, le débiteur, ou le mandataire judiciaire, et ce par la voie de l’appel.
Nous étudierons et illustrerons ce recours en appel, après avoir rappelé les principes gouvernant la vérification de la créance et la décision du juge commissaire.
- Vérification de la créance
Aux termes de l’article R 624-1 al.1 du Code de commerce, « la vérification des créances est faite par le mandataire judiciaire, le débiteur et, le cas échéant, les contrôleurs désignés, présents ou dûment appelés ».
En pratique, le Tribunal fixera un délai, dans lequel le mandataire judiciaire devra établir la liste des créances déclarées, avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, et remet cette liste au greffe pour être directement transmise au juge-commissaire.
Si la créance est discutée, le mandataire judiciaire doit avertir le créancier en lui demandant de faire connaître ses explications par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Les mentions devant figurer dans cette lettres sont le montant de la créance, l’objet de la discussion, et rappeler que si le créancier ne répond pas dans les 30 jours, il ne pourra plus contester ultérieurement la proposition du mandataire judiciaire (C. com. art. L 622-27 et R 624-1, al. 2 ; Cass. com. 12-11-1997).
- Décision du juge-commissaire
Après que cette liste ait été remise par le mandataire au juge-commissaire, ce dernier pourra statuer sur le sort des créances.
En effet, aux termes de l’article L 624-2 du Code de commerce, « au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence ».
Cet article mentionne, outre le pouvoir du juge d’admettre ou de rejeter la créance, la notion de sa compétence.
- compétence
Ainsi, il ne sera pas compétent pour statuer sur la créance en cas d’instance en cours.
Cette instance en cours doit s’entendre de celle contre le débiteur et non pas du débiteur contre un créancier (CA Versailles 20-11-1997).
Le juge-commissaire ne sera pas non-plus compétent si la contestation ne relève pas de la compétence du tribunal ayant ouvert la procédure collective (Cass. com. 19-5-1998), car elle peut relever par exemples des juridictions administratives ou arbitrales.
En conséquence, et toujours sur le fondement de l’article L 624-2, le juge-commissaire peut soulever d’office son incompétence et prendre une décision constatant l'existence d'une contestation ne relevant pas de sa compétence.
Ces décisions statuant sur la compétence ou sur la contestation d'une créance sont notifiées au débiteur et au créancier ou à son mandataire par le greffier, dans les huit jours (C. com. art. R 624-4, al. 3 s.).
- admission ou rejet de la créance
Le juge n'est pas tenu de suivre les propositions que le mandataire judiciaire a établies sur sa liste (Cass. com. 1-4-2003 n° 605).
En vertu de l’article L 624-2, le juge peut prononcer l’admission des créances déclarées.
Pour ce faire, la créance doit être admissible, c’est-à-dire certaine dans son existence et déterminée dans son montant.
Ainsi, la jurisprudence a admis la créance à hauteur des factures produites et non au montant que le débiteur s'est engagé à rembourser (Cass. com. 14-6-1994), une créance pour laquelle les formalités de publicité n’avaient pas été remplies mais qui avait été déclarée au mandataire judiciaire (CA Rouen 9-9-1993).
Le montant de la créance à admettre est celui existant au jour de l'ouverture de la procédure, indépendamment des paiements effectués postérieurement entre les mains du créancier (Cass. com. 8-6-2010 n° 09-14.624).
L’admission de la créance devra ensuite être notifiée.
Cette notification se fera par lettre simple aux créanciers ou à leur mandataire, et devra préciser le montant pour lequel la créance est admise, et les sûretés et privilèges dont elle est assortie.
La créance admise a autorité de la chose jugée (Cass. com. 25-11-2008 n° 07-14.583), elle n’est donc plus contestable.
La créance peut toutefois être rejetée, dans ce cas cette décision doit être motivée (Cass. com. 25-2-1997).
Ainsi, sera rejetée la créance dont il est constaté par les juges qu'elle n'appartient pas au déclarant mais à des tiers (Cass. com. 14-5-1996).
- Recours contre la décision du juge commissaire
Si la créance admise devient incontestable, elle ne le sera qu’après que l’expiration du délai légal de recours.
Sur la décision relative à l’admission de la créance ou à l’incompétence du juge-commissaire, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire peuvent agir devant la cour d'appel lorsque la matière est de la compétence de la juridiction qui a ouvert la procédure collective (C. com. art. L 624-3, al. 1 et R 624-7).
Cependant, le créancier qui n'a pas répondu au mandataire judiciaire dans les 30 jours de la réception de la lettre de ce dernier l'invitant à faire connaître ses observations ne peut pas exercer de recours contre la décision du juge-commissaire lorsque celle-ci confirme la proposition du mandataire.
Le tiers intéressé est lui aussi autorisé à former réclamation devant le juge-commissaire contre l'état des créances dans le délai d'un mois à compter de la publication au Bodacc du dépôt au greffe de cet état (C. com. art. L 624-3-1 et R 624-8, al. 4), ce recours devant lui aussi être formé devant la Cour d’appel (C. com. art. R 624-10).
Ainsi, le fait que le recours à l'encontre des décisions du juge-commissaire statuant sur l'admission des créances, y compromis d'incompétence, est l'appel, a été l’objet de décision de la Cour de cassation (Cass. com., 22 janv. 2008, n° 06-18.703).
En l'espèce, une société de bâtiment avait conclu avec une société de garantie financière une convention de cautionnement.
Cette convention comprenait une clause compromissoire en cas de désaccord sur l'interprétation ou l'exécution du contrat.
La société de bâtiment fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, et la société de garantie procède à une déclaration de créance.
Cette créance a été contestée au motif notamment qu'il existait un contentieux entre les parties sur l'exécution du contrat.
Le juge commissaire par voie d'ordonnance constate que la contestation est relative à un contentieux sur l'exécution du contrat liant les parties et que dès lors, cette contestation ne relève pas de sa compétence.
La cour d'appel déclare le recours irrecevable au motif que la décision d'incompétence du juge-commissaire au profit d'une juridiction arbitrale est déférée directement aux arbitres.
Or, selon la Cour de cassation « le recours ouvert à l'encontre des décisions du juge-commissaire statuant sur l'admission des créances, y compris lorsque cette juridiction, faisant application d'une clause compromissoire, se déclare incompétente, est l'appel ».
Ainsi, la Cour se prononce pour la compétence de la cour d'appel, pour connaître d'une contestation de créance et d'un appel de l'ordonnance du juge-commissaire, bien que l’on fût, en l’espèce, en présence d'une clause compromissoire.
En conséquence, même le transfert de compétence au profit d'une autre juridiction (dans cette affaire, la juridiction arbitrale), la décision constatant l'incompétence doit être susceptible de recours.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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