Contrat d'assurance et ouverture d'une procédure collective

Publié le 03/06/2014 Vu 18 331 fois 0
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Dans un arrêt du 14 janvier 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle dans un attendu de principe très clair qu'est "interdite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d'un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en redressement judiciaire".

Dans un arrêt du 14 janvier 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle dans un attendu de

Contrat d'assurance et ouverture d'une procédure collective

    Etait en cause un contrat d'assurance souscrit par un débiteur antérieurement au jugement d'ouverture. Une clause du contrat stipulait que l'assureur "ne garantissait pas la perte de valeur vénale du fonds de commerce consécutive à (...) l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire". La société débitrice a été mise en redressement judiciaire puis des incendies sont survenus dans ses locaux. Le liquidateur a alors assigné l'assureur en vue d'obtenir paiement d'une indemnité au titre de la perte de valeur du fonds de commerce causée par les sinistres. L'assureur a invoqué la clause contractuelle pour tenter de s'exonérer du paiement de l'indemnité. 
Alors que la Cour d'appel avait admis l'exonération de l'assureur, la Cour de cassation casse la solution des juges du fond et affirme clairement qu'une telle clause est inefficace en ce qu'elle diminue les droits du débiteur du seul fait de sa mise en redressement judiciaire - ce qui est interdit en vertu de l'article L. 622-13,I, du Code de commerce (Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 janvier 2014, n° 12-22.909).

    Un co-contractant ne peut donc pas prévoir à l'avance qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective ouverte à l'encontre de son partenaire contractuel, le contrat sera résolu ou résilié automatiquement. Cette solution est dictée par le principe de continuation des contrats en cours, qui est d'ordre public (I). Cette solution a pour conséquence l'inefficacité de clauses contractuelles qui stipuleraient la rupture du contrat en cas d'ouverture d'une procédure collective (II).

    Du point de vue des partenaires contractuels, l'ouverture d'une procédure collective ne doit pas avoir de conséquences sur les contrats liant le co-contractant et le débiteur soumis à la procédure. En effet, les contrats sont la vie d'une entreprise, ils permettent son existence économique et le maintien de son activité. 

I/ Le contrat d'assurance soumis au principe de continuation des contrats en cours 

    Le principe de continuation des contrats en cours exige que tous les contrats ayant encore force obligatoire entre les parties au jour du jugement d'ouverture se poursuivent automatiquement. 

L'article L. 622-13,I, du code de commerce dispose que :

"I. - Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde".

Cet article s'applique en cas de redressement et de liquidation judiciaire d'une entreprise (Cour de cassation, chambre commerciale, 22 janvier 2002).

    Cette disposition s'applique aux seuls contrats en cours au jour du jugement d'ouverture. 
Le contrat en cours peut être défini comme "un contrat qui n'a pas épuisé ses effets fondamentaux au jour du jugement d'ouverture" (F. Derrida in Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, Dalloz, 3ème édition, n°392). Un contrat en cours d'exécution au jour du jugement d'ouverture est donc caractérisé par une relation contractuelle non encore terminée ou résiliée au jour du jugement d'ouverture.

    Sont concernés par ce principe les contrats à exécution successive, comme le contrat de concession, de franchise ou de bail. En revanche, sont exclus de ce champ les contrats en cours de formation au jour du jugement d'ouverture, les contrats arrivés à terme à cette date et les contrats résolus ou résiliés - notamment par l'effet d'une clause résolutoire. Il faut que la clause résolutoire ait produit tous ses effets avant le jugement d'ouverture. 

    Pour déterminer si le contrat est toujours en cours d'exécution au jour du jugement d'ouverture, il s'agit de savoir si la prestation caractéristique du contrat a été fournie ou non à cette date.
Par exemple, un contrat de prêt n'est pas un contrat en cours, au sens de l'art. 37 [C. com., art. L. 622-13], si les fonds ont été remis à l'emprunteur avant l'ouverture de son redressement judiciaire (Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 décembre 1993). 

    Ce principe trouve sa justification dans le fait que la poursuite de l’activité passe par la nécessité d'exécuter des contrats vitaux pour l'entreprise en difficulté. Il s'agit donc d’imposer aux cocontractants du débiteur l’exécution des contrats en cours et cela qu’elles qu’aient été les conditions d’exécution antérieures. 

    Il est à noter qu'à côté de ce régime général de continuation des contrats en cours, le Code de Commerce a mis en place des régimes spéciaux propres à certaines catégories de contrats, notamment le bail des locaux à usage commercial. 

    Aux termes de l'article L. 622-13 Code de Commerce seul l’administrateur dispose de la faculté de mettre fin aux contrats en cours au jour du jugement d'ouverture. Il va ainsi effectuer un tri entre les contrats utiles à la pérennité de l'entreprise en difficulté et les contrats inutiles. Ce choix discrétionnaire incombe seulement à l'administrateur, ce qui implique que le co-contractant initial ne peut pas stipuler la rupture du contrat en cas d'ouverture d'une procédure collective. Quand bien même une telle clause existerait, elle doit être privée d'efficacité. 

    Avant la loi du 26 juillet 2005, l’assureur bénéficiait d’une faculté de résiliation du contrat d’assurance en cours au jour du jugement d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Cette faculté de résiliation devait être exercée dans les 3 mois suivant le jugement d'ouverture. Il disposait donc des mêmes prérogatives que l’administrateur ou le liquidateur judiciaire. Mais cette prérogative présentait le risque de condamner définitivement la situation de l'entreprise défaillante. Ainsi, par la loi de sauvegarde de 2005, le législateur a abrogé l'article L. 113-6 du Code des assurances qui prévoyait cette prérogative exorbitante. Le contrat d'assurance est donc soumis au dispositions de l'article L. 622-13 du Code de commerce et au régime commun de continuation des contrats. 
L'assureur est par la même considéré comme un créancier commun et doit attendre que l'administrateur judiciaire se prononce sur le sort du contrat. 

II/ La nullité des clauses contractuelles contraires 

    Le principe de continuation des contrats en cours est d'ordre public. C'est ce qui explique qu'aucune stipulation contractuelle ne saurait y faire échec et prévoir une résiliation ou une résolution automatique du contrat en cas de survenance d'une procédure collective. En conséquence, ces clauses se trouvent privées d'efficacité; elles doivent être déclarées nulles par le juge ou du moins non-écrites. 

    Cette solution s'étend à une clause stipulant la rupture contractuelle pour état de cessation des paiements (Cour de cassation, Chambre commerciale, 2 mars 1993, JCP G 1993, IV, 1162). 
En effet, l'état de cessation des paiements d'une entreprise conduisant nécessairement à l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, les effets sont similaires. 

Qui a qualité pour invoquer la nullité d'une telle clause ?

    Le principe de continuation des contrats en cours est une règle édictée dans l'intérêt de l'entreprise elle-même, c'est pourquoi il s'agit d'une nullité relative. Ainsi, une telle clause ne peut être invoquée que par l'entreprise dont l'intérêt est lésé, et non pas par un tiers. 

    En effet, "l'impossibilité de mettre en œuvre, du seul fait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, la clause de résolution d'un contrat, n'a été édictée que dans l'intérêt de l'entreprise en redressement ou en liquidation judiciaires pour permettre au débiteur autorisé par le juge-commissaire, à l'administrateur ou au liquidateur, d'exercer la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours. Le co-assuré d'un débiteur en liquidation judiciaire ne peut se prévaloir, au lieu et place du liquidateur, de cette disposition" (Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 décembre 1995, JurisData n° 1995-003704). Il en a été jugé de même pour le débiteur solidaire (Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 mars 2001, JurisData n° 2001-008788).

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Joan DRAY
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