Contrôle de la bonne foi dans l'invocation de la défaillance de la condition dans le cadre d’une promesse de vente.
La promesse unilatérale de vente est la convention par laquelle un individu, le promettant, s'engage envers un autre qui l'accepte, le bénéficiaire, à conclure une vente dont les conditions sont d'ores et déjà déterminées, si celui-ci le demande dans un certain délai.
Cet avant contrat peut-être assorti d’une ou plusieurs modalités, qui suspendent la réalisation ou la résiliation de la promesse de vente, à la survenance ou non d’un événement.
En terme juridique cela s’appel une condition, elle est dite résolutoire lorsque son effet est de résilier l’obligation, ou suspensive lorsque celui-ci est de faire naitre une obligation.
La condition est définie à l’article 1168 du Code civil dans les termes suivants : « L'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu'à ce que l'événement arrive, soit en la résiliant, selon que l'événement arrivera ou n'arrivera pas. »
Au vu de cet article, on peut préciser qu’une condition est un événement futur et incertain quant à sa réalisation, qui conditionne la naissance ou l’extinction d’une obligation.
Voici deux exemples afin de mieux comprendre ce qu’est une condition dans un contrat :
- Des acquéreurs signent un compromis, mais ne s'engagent qu'à la condition d'obtenir leur prêt ; il s'agit d'une condition suspensive, puisque la vente n'est pas définitive tant que la condition n'est pas remplie.
- Dans les compromis de vente, il est souvent prévu que si l'acquéreur ne passe pas l'acte notarié endéans le délai de quatre mois, le vendeur pourra demander la résolution de la vente. Dans ce cas, il s'agit d'une condition résolutoire.
La condition est généralement stipulé en faveur du débiteur de l’obligation, car elle permet de retarder l’exécution de l’obligation, cependant elle tout autant être stipulé en faveur du créancier ou des deux parties. (À l’égard des prêts visant à une acquisition immobilière, voir un arrêt novateur de la Haute Cour qui énonce que seul l'acquéreur-emprunteur peut se prévaloir des conséquences juridiques de la défaillance de la condition suspensive d'obtention d'un prêt immobilier. Cass.3e civ. 8 juillet 2014, n°13-17,386)
Comme une condition est événement futur à échéance incertaine, les partis ont la possibilité de convenir qu’une fois un délai précis dépassé, la condition ne pourra plus se réaliser ainsi, l’obligation ne naîtra pas si elle résulte d’une condition suspensive, ou, ne se s’éteindra pas si elle est assortie d’une condition résolutoire.
L’objet de cet article est de voir si les juges contrôlent le promettant qui entend se prévaloir de la non-réalisation de la condition suspensive, l’invoque de bonne foi.
En règle générale, si le débiteur obligé par cette condition, l’empêche par des actes de mauvaise foi, de se produire, alors celle-ci sera considérée comme accompli, conformément à l’article 1178 du Code civil. (« La condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement »)
Cependant nous allons voir que les juges, pour arriver au même résultat, suivent un cheminement différent qu’il convient d’étudier, dans l’arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 23 juin 2004 (n°785).
En l’espèce, une promesse de vente d'un immeuble est conclue sous la condition suspensive de versement du prix et des frais dans la comptabilité du notaire au plus tard le 30 janvier 1998, jour retenu par les parties pour l'expiration du délai d'établissement de l'acte authentique de vente. Trois semaines avant la date fatidique, le vendeur évoque divers empêchements et demande au notaire d'arrêter la vente ; et deux jours avant, il écrit à l'acquéreur que la transaction ne peut plus se faire. Ce dernier ne procède pas au versement des fonds. Dès l'expiration du délai, le conseil du vendeur fait une demande reconventionnelle en constations de la caducité de la promesse du fait que la condition suspensive ne s'est pas réalisée dans le temps prévu.
A contrario, le bénéficiaire de la promesse, le futur acheteur, demande l’exécution forcée de la vente.
La cour d’appel fait droit à la demande du vendeur en s’appuyant sur une application automatique de l’article 1176 du Code civil qui dispose que « lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé »..
Le bénéficiaire de l’offre va se pourvoir en cassation et soutient que le promettant n'a pas invoqué de bonne foi la défaillance de la condition
En effet, celui-ci s’est contenté d'invoquer la caducité de la promesse de vente pour dépassement du délai de réalisation de la condition, et n’a fourni aucune raison valable à son attitude.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt, en le renvoyant vers une autre juridiction du deuxième degré, de la cour d’appel au motif que « sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le promettant avait invoqué de bonne foi la défaillance de son cocontractant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. »
Par cet arrêt, au visa de l’article 1134 alinéa 3 du Code civil, la Cour déduit la privation du droit d'invoquer la défaillance de la condition, pour celui qui la soulève de mauvaise foi (voir en ce sens, au sujet de la clause résolutoire, Cass. 3e civ., 27 mai 1987).
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Joan DRAY
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