Le défaut d’exploitation et la mise en jeu de la clause résolutoire

Publié le 13/06/2022 Vu 7 390 fois 0
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Il arrive parfois qu’un propriétaire s’aperçoit que son locataire n’exploite plus son activité de fonds de commerce dans les locaux, objet du bail.

Il arrive parfois qu’un propriétaire s’aperçoit que son locataire n’exploite plus son activité de fon

Le défaut d’exploitation et la mise en jeu de la clause résolutoire

Le défaut d’exploitation et la mise en jeu de la clause résolutoire :

 

 

 

 

 Il arrive parfois qu’un propriétaire s’aperçoit que son locataire n’exploite plus son activité de fonds de commerce dans les locaux, objet du bail.

 

Le bailleur pourra obtenir la résiliation du bail commercial, sous certaines conditions et notamment si une clause du bail fait obligation au preneur d’exploiter son fonds de commerce dans les lieux loués.

 

En conséquence, il est donc indispensable d’insérer, dans un bail, une clause imposant l’exploitation effective et continue du fonds dans les lieux loués notamment pour pouvoir opposer une clause résolutoire.

 

La jurisprudence rappelle régulièrement que pour pouvoir résilier un bail commercial, pour défaut d’exploitation, il est nécessaire que le bail comporte une clause imposant une exploitation effective et continu du fonds.

 

« La clause résolutoire ne peut être mise en jeu pour défaut d'exploitation si le bail ne comporte pas une clause expresse imposant au locataire d'exploiter son fonds dans les lieux loués, la clause de destination ne pouvant être interprétée comme une clause d'obligation d'exploitation ». C’est la décision apportée par la Cour d’appel D’Aix en Provence, réunissant sa 1e et 2e chambre, le 27 janvier 2022. 

-       CA Aix-en-Provence, 1re et 2e ch. réunies, 27 janv. 2022, n° 21/07849 , M/P. c/ Sté S. : JurisData n° 2022-001456

 

Cette solution ne se veut pas novatrice mais rappelle un régime établi en se conformant à la jurisprudence constante qui refuse de sanctionner le défaut d'exploitation en l'absence de clause expresse, que ce soit sur le fondement de la clause résolutoire ou de la résiliation judiciaire.

 

 

I/ Le principe : La condition d’exploitation obligatoire et respect de la destination des lieux : 

 

En principe et aux termes de l’article 1728 du code civil, le preneur doit user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail. Si l’obligation d’exploitation est reprise dans les conditions générales du bail, le bailleur peut faire sanctionner le défaut d’exploitation du fonds de commerce en mettant en œuvre la clause résolutoire ou en poursuivant la résiliation judiciaire.

 

L’objectif est de se comporter comme un locataire standard qui prend soin de ce qui lui a été confié, ne fait pas courir des risques particuliers à la chose.

 Il faut mentionner que l’usage commercial est un élément essentiel dans le bail commercial. L’existence d’un fonds de commerce est un élément sans lequel le bail commercial n’existe pas. Le respect de la destination des lieux impose au locataire l’obligation d’exploiter le commerce prévu

Si le locataire n’exploite pas le commerce tout du moins pas suffisamment, ce manquement peut être sanctionné par la résiliation du bail. Le locataire doit exercer les activités prévues par le contrat. 

 

La Cour de Cassation avait déjà statué en ce sens :

La résiliation judiciaire d’un bail commercial pour défaut d’exploitation des locaux ne peut être prononcée si aucune stipulation expresse du bail ne fait obligation au preneur d’exploiter son fonds de commerce dans les lieux loués »(Cass. 3e civ. 03.12.2020 n° 19-20.613) .

 

La loi ajoute des possibilités dites de déspécialisation : sortir partiellement ou totalement du champ de la destination qui était prévu.

On parle de déspécialisation partielle et plénière :  

Le preneur doit faire connaitre son intention au propriétaire : doit lui adresser une notification soit par lettre RAR soit par acte d’huissier. Cette information a pour but de faire savoir au propriétaire cette intention pour que ce dernier puisse faire savoir son éventuelle opposition. Le propriétaire a la possibilité de s’opposer à la déspécialisation partielle, à l’extension d’activité́ envisagée par le locataire si cette extension ne correspond pas aux conditions de complémentarité́ ou de connexité́. En revanche, si les conditions sont réunies il ne peut pas s’y opposer. 

Le bailleur dispose de 2 mois pour faire connaitre sa réponse au locataire : pas de forme exigée pour lui. Au bout de deux mois, si le bailleur n’a pas répondu, le locataire peut exercer l’activité́ envisagée et ce même si elle n’est pas connexe ou complémentaire. Le bailleur peut aussi s’opposer à l’activité́ envisagée : dans ce cas, c’est à un tribunal que reviendra le soin de vérifier si l’activité́ envisagée répond ou non aux conditions. S’il commence à exercer l’activité́ sans attendre de réponse, il commet un manquement contractuel et peut engager sa responsabilité́ voire s’exposer à une résiliation du bail. 

Cette déspécialisation partielle, quand elle est autorisée par le juge ou que le bailleur ne s’y est pas opposé, pourra avoir un effet sur le loyer, pourra entrainer une révision du loyer, au moment où la révision du loyer peut se faire. La déspécialisation partielle c’est la possibilité pour le locataire d’étendre son activité́. 

La déspécialisation plénière quant à elle est la possibilité d’exercer d’autres activités que celles prévues au bail. Des conditions qui attraient à la conjoncture économique et à la compatibilité́ avec la destination de l’immeuble. Il faut remplir strictement les critères suivants : 

Critère économique : la déspécialisation plénière doit être justifiée par la conjoncture économique et la nécessité de l’organisation rationnelle de la distribution. L’activité́ projetée doit être une activité́ qui a un potentiel

Condition de compatibilité́ : il faut que l’activité́ projetée soit compatible avec la destination de l’immeuble

Le locataire doit informer les créanciers inscrits sur le fonds de commerce. D’autres tiers doivent être informés par le bailleur : le bailleur doit informer ses locataires auxquels il a consenti une clause d’exclusivité́ pour les activités concernées par la demande. Ce locataire dispose d’un mois pour faire savoir s’il s’oppose à la demande de déspécialisation plénière ou s’il l’accepte. Il peut l’accepter et à ce moment-là̀ demander réparation au bailleur du préjudice qu’il va subir. Il peut aussi s’opposer à la clause : cette opposition ne constitue pas un droit de veto, mais elle peut être constituée comme un motif légitime de refus de la déspécialisation plénière. Le bailleur peut refuser la déspécialisation plénière s’il démontre que l’une des conditions n’est pas remplie. 

Si le bailleur ne répond pas, au bout de 3 mois il sera considèré comme ne s’étant pas opposé à la déspécialisation plénière et il ne pourra plus s’y opposer. 

La déspécialisation plénière peut justifier le paiement d’une indemnité par le locataire au bailleur : vient compenser le préjudice subi par le changement d’activité́. Si le bailleur démontre que ce changement d’activité́ lui cause un préjudice il pourra obtenir le versement de cette indemnité. Cela peut lui imposer des travaux... 

La déspécialisation plénière peut entrainer une modification du loyer, intervenant immédiatement

 

Toutefois, l’obligation d’exploitation n’est pas systématiquement reprise dans les baux qui peuvent se contenter de préciser la destination contractuelle du bail. 

 

Dans ce cas, le défaut d’exploitation du fonds de commerce ne peut être sanctionné sur le fondement de la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 19 mai 2004 : JurisData n° 2004-033771. – Cass. 3e civ., 9 nov. 2017, n° 16-22.232 : JurisData n° 2017-022393 ; Loyers et copr. 2018, comm. 21).

 

 

 

 

 

II/ L’obligation d’une stipulation expresse

 

 

Une jurisprudence ancienne admettait qu’à défaut de pouvoir poursuivre l’acquisition de la clause résolutoire, le bailleur puisse poursuivre la résiliation judiciaire du bail (CA Paris, 16e ch. A, 2 oct. 2002, n° 2000/20724: Juris Data n° 2002-193221. – CA Paris, 16e Ch., sect. A, 7 mai 2008: JurisData n° 2008-366561) jusqu’à ce que par deux arrêts (Cass. 3e civ., 10 juin 2009, n° 07-18.618, Sté Halles des viandes : JurisData n° 2009-048508 ; JCP G2009, 523. – Cass. 3e civ., 10 juin 2009, n° 08-14.422, Pedemonte : JurisData n° 2009-048523 ; JCP E 2009,

1736 ; Loyers et copr. 2009, comm. 207), la 3e chambre civile de la Cour de cassation décide que, même si le fonds de commerce n’est plus exploité depuis plusieurs années sans motif sérieux et légitime, la résiliation judiciaire du bail ne peut être encourue en l’absence d’une stipulation expresse du bail faisant obligation au preneur.

 

La 3e chambre civile de la Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence (Cass. 3e civ., 16 oct. 2012, n° 11-25.234 : JurisData n° 2012-023552 ; Loyers et copr. 2012, comm. 326. – Cass. 3e civ., 13 janv. 2015, n° 13-25.197 : Juris Data n° 2015-000344 ; Loyers et copr. 2015, comm. 99. – Cass. 3e civ., 3 déc. 2020 n° 19-20.613 : Loyers et copr. 2021, comm. 25).

Conformément à la jurisprudence, en l‘absence de clause expresse, la clause résolutoire ne pouvait donc être mise en œuvre.

 

Comme la rappelé récemment la Cour de cassation, pour obtenir la résiliation du bail commercial pour défaut d’exploitation, une clause expresse du bail doit prévoir une obligation d’exploitation permanente du preneur ( cass, 3 décembre 2020) A défaut d’une telle clause, la résiliation n’en peut pas être mise en œuvre. 

 

 

De la même manière, la clause résolutoire ne pourra sanctionner :

 

 le non-paiement d'une pénalité de 10 % des sommes dues qui était prévue en cas d'engagement de procédures, ce terme impliquant une action en justice (Cass. 3e civ., 12 juill. 2018, no 17-21.154, AJDI 2018, p. 707) ;

  

 une sous-location non autorisée par le bailleur si le bail n'interdit pas expressément les sous-locations (Cass. 3e civ., 11 juin 1986, no 84-15.512, Bull. civ. III, no 92) ;

  

 la violation d'une clause d'un autre bail conclu entre les mêmes parties (Cass. 3e civ., 15 sept. 2010, no 09-10.339, Bull. civ. III, no 157, Rev. loyers 2010/911, no 1230, note Lebel Ch.) ;

 

 « la non-production de documents et justificatifs liés à des travaux du locataire autorisés par une décision d'assemblée générale de copropriétaires à certaines conditions, même si une clause du bail prévoit que le preneur doit se conformer à toute décision prise par l'assemblée générale de copropriétaires », « sans constater que le locataire n'avait pas respecté la décision de l'assemblée générale, seule obligation expressément stipulée par le bail sans constater que le locataire n'avait pas respecté la décision de l'assemblée générale, seule obligation expressément stipulée par le bail » (Cass. 3e civ., 17 sept. 2013, no 12-21.724, AJDI 2014, p. 447, note Hallard R.).


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JOAN DRAY

Avocat 
MANDATAIRE EN TRANSACTIONS IMMOBILIERES

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