Défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire et délai pour saisir le juge compétent

Publié le Modifié le 30/09/2014 Vu 11 025 fois 0
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Quelles suites à donner à la décision du juge-commissaire qui soulève son défaut de pouvoir juridictionnel en cas de contestation sur la validité de la créance ?

Quelles suites à donner à la décision du juge-commissaire qui soulève son défaut de pouvoir juridictionne

Défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire et délai pour saisir le juge compétent

Aux termes de l'article L.624-2 du Code de commerce, le juge-commissaire peut rendre quatre types de décisions pour statuer sur l'admission d'une créance au passif de la procédure collective. Il peut en effet décider de :

  • L'admission de la créance au passif

  • Le rejet de la créance

  • Le constat d'une instance en cours

  • Le constat de son incompétence

Si le juge-commissaire se déclare incompétent, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire doit saisir le juge compétent dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis d'incompétence à peine de forclusion (article R. 624-5 du Code de commerce).

De plus, la jurisprudence a imposé un cinquième type de décision au juge-commissaire : lorsqu'une difficulté de fond est soulevée quant à la créance déclarée, le juge-commissaire ne dispose pas de pouvoir juridictionnel, il doit alors soulever une fin de non-recevoir.

Cette solution a été rappelée par un arrêt de la chambre commerciale en date du 9 avril 2013, qui précise également les suites à donner à une telle décision (N° 12-15.414).

Une banque déclare au passif du redressement judiciaire de son client une créance relative à trois contrats de prêt conclus par acte notarié. Le débiteur conteste la validité au fond des contrats de prêt. Le juge-commissaire sursoit donc à statuer en constatant son absence de pouvoir juridictionnel. Sa décision est conforme à la jurisprudence établie par la Cour de cassation (pour exemple : Cour de cassation, chambre commerciale, 24 mars 2009, N° 07-21.567).

Or, aucune partie ne saisit une juridiction de droit commun pour statuer sur la validité du contrat.

Le créancier estime que c'est au débiteur de saisir le juge du fond car il a émis la contestation. Il estime également qu'il doit le faire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance du juge-commissaire (article R.624-5 du Code de commerce).

Faut-il appliquer le délai d'un mois prévu pour la décision d'incompétence à la décision relative au défaut de pouvoir juridictionnel lorsqu'il existe un différend au fond sur la validité de la créance ?

Le créancier soutenait que, puisque c'est le débiteur qui élève une contestation sur la validité de l'acte de prêt, c'est à lui de saisir le juge compétent pour la trancher. S'il ne le fait pas dans les délais, il encourt la sanction de forclusion. Selon le créancier, c'est bien le débiteur qui est forclos pour formuler sa contestation. Suivant ce raisonnement, le créancier saisit de nouveau le juge-commissaire pour faire admettre sa créance au passif. Il est alors débouté et forme appel.

Les juges d'appel estiment que le défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire n'est pas provisoire mais définitif. Ainsi, il perdure au-delà du délai d'un mois posé par l'article R.624-5. De ce fait, la Cour d'Appel conclue non seulement à la forclusion de l'action au fond mais également au rejet de la créance.

Or, la décision est cassée par la Cour de cassation, qui estime que la sanction du défaut de saisine du juge au fond pour statuer sur la validité de l'acte de prêt n'est pas le rejet de la créance au passif. Au contraire, la Cour d'Appel, si elle constate son absence de pouvoir juridictionnel, devait surseoir à statuer sur l'admission de la créance après avoir invité les parties à saisir le juge compétent.

Ainsi, la Cour de cassation choisit de ne pas appliquer l'article R.624-5 du Code de commerce en cas d'absence de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire.

Cette décision s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence, et précise le régime de ce défaut de pouvoir juridictionnel, qui est résolument distinct de celui de l'incompétence.

Or, de façon pratique, on constate que si aucune des parties ne saisit le juge au fond pour trancher la contestation, le processus d'admission de la créance est paralysé. On aboutit donc à une impasse et à des procédés potentiellement dilatoires.

En effet, une fois le sursis à statuer ordonné, le débiteur n'est tenu d'aucune obligation de saisir le juge du fond, quand bien même il aurait élevé la contestation. Il lui suffit donc d'arguer, en défense, de la nullité du contrat devant le juge-commissaire. En pratique, ce sera donc le créancier qui devra procéder à cette saisine s'il veut voir un jour sa créance admise au passif de la procédure collective. Rappelons également que le créancier se voit menacé par la péremption d'instance. C'est en effet la sanction de l'absence de diligence des parties pendant un délai de deux ans (article 386 du Code de procédure civile). De ce fait, si le créancier n'agit pas dans ce délai, l'instance en admission de sa créance devant le juge-commissaire se verra éteinte (article 385 Code de procédure civile).


En conclusion, si le créancier veut avoir une chance de participer au plan, aux dividendes ou répartitions résultant de la procédure collective, il a tout intérêt à saisir le juge au fond pour qu'il statue sur la contestation élevée par le débiteur relative à la validité de la créance. Il convient de noter que toute partie de mauvaise foi ou qui opère des manœuvres dilatoires peut être condamnée à verser des dommages et intérêts. La menace d'une telle sanction permet d'éviter que le débiteur soulève systématiquement une contestation lors de la procédure d'admission des créances.

Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.


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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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