La démission irrégulière : deux recours possibles pour le salarié
La démission, en droit du travail, est le fait pour un salarié de prendre l'initiative de rompre le rapport juridique de dépendance qui le lie à son employeur, ce qu'il peut faire en observant un délai dit "préavis".
Pour contester sa démission, le salarié a deux types de recours :
- Invoquer les vices du consentement
- Demander la requalification de sa démission en prise d’acte de la rupture
I/ Les deux recours du salarié pour contester sa démission
- La démission viciée
Lorsque la volonté du salarié de démissionner est viciée, soit parce qu'elle a été exprimée par erreur, soit parce qu'elle a été provoquée ou extorquée par son employeur au moyen respectivement de manœuvres dolosives ou d'actes de violence (pressions morales ponctuelles, harcèlement moral ou harcèlement sexuel), ce salarié peut exercer contre son employeur, devant la juridiction prud'homale, un recours en nullité de sa démission. Les fondements de ce recours sont les articles 1109, 1110, 1111 et 1116 du Code civil.
En cas de violence, la condition pour que le vice du consentement soit admis est la suivante : les menaces ou pressions doivent être illégitimes.
Il a été jugé illégitime une démission faite sous la menace d’un dépôt de plainte pour des faits qu’il avait reconnu et qualifié ultérieurement d’abus de confiance).
L e salarié a souhaité démissionner mais il s’est trompé ou a été trompé. Le consentement n’a pas été libre.
Lorsqu’il est admis que le salarié démissionnaire a subi un vice du consentement, les juges l’annulent. Les relations contractuelles de travail peuvent donc se poursuivre. Le salarié peut être réintégré.
- La démission requalifiée en prise d’acte
La Cour de cassation a permis au salarié d’exercer un recours contre l’employeur pour obtenir la requalification de sa démission. Elle affirme de manières constante que "lorsque le salarié... remet en cause sa démission en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture..." (Cass. soc., 1er déc. 2009, pourvois n° 07-42.796 et 08-41.060).
Pour que la démission puise être requalifiée en prise d’acte, il faut qu’il existe un différend entre l’employeur et le salarié au moment de la démission ; ce qui la rend équivoque.
Pour que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il faut que l’employeur ait commis des fautes ou des manquements suffisamment graves lors de l’exécution du contrat de travail. Les relations contractuelles doivent être rendues impossibles.
Le salarié n’a jamais voulu démissionné.
Lorsque la démission est requalifiée en prise d’acte, les juges considèrent qu’il y a un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, les relations contractuelles sont rompues. La rupture au lieu d’être imputée au salarié, elle est imputée à l’employeur.
La Cour de cassation a jugé que la démission devait être requalifiée en prise d’acte de la rupture dans les hypothèses suivantes :
- une secrétaire sténodactylographe dont la démission était motivée par les violences physiques dont elle avait été victime sur son lieu de travail (Cass. soc., 30 oct. 2007 : Bull. civ. 2007,V, n° 177),
- un salarié dont la démission était la conséquence du refus de son employeur de lui régulariser ses commissions (Cass. soc., 4 févr. 2009, pourvoi n° 07-40.336),
- une salariée qui avait dénoncé à l'inspecteur du travail, cinq jours avant sa démission, le caractère dangereux de ses conditions de travail (Cass. soc., 14 oct. 2009 : JurisData n° 2009-049953),
- un salarié qui avait démissionné après s'être vu imposer, sans son accord préalable, une diminution de moitié de sa rémunération contractuelle (Cass. soc., 27 oct. 2009 : JurisData n° 2009-050127),
- un salarié qui avait reproché à son employeur, seulement huit jours après l'envoi de sa démission, d'avoir opéré, sans son accord préalable, des retenues sur salaire et de ne pas lui avoir payé des heures supplémentaires (Cass. soc., 1er déc. 2009, pourvois n° 07-42.796 et 08-41.060),
- un salarié qui avait démissionné de ses fonctions en reprochant à son employeur de ne pas lui avoir rémunéré l'intégralité de ses heures de travail, de ne lui avoir rémunéré que partiellement ses heures supplémentaires et de ne pas lui avoir réglé intégralement ses indemnités de repas (Cass. soc., 20 janv. 2010 : JurisData n° 2010-051199),
II/ Deux recours contradictoires incompatibles
Les conséquences de la qualification de « démission viciée » ou de « démission requalifiée en prise d’acte de la rupture » ne sont pas les mêmes. Elles sont mêmes contradictoires.
En effet, si le consentement a été vicié, le contrat de travail ne sera pas rompu, seule la démission sera annulée.
Par contre, s’il y a prise d’acte de la rupture, les relations contractuelles sont rompues.
Dans l’arrêt du 7 mars 2012 (n° 09-73.050, SAS GAD, venant aux droits de la SA Louis Gad c/ M. D. et a. : JurisData n° 2012-003569), sept chauffeurs routiers, employés par une entreprise commercialisant de la viande, ont démissionné après avoir appris que leur employeur entendait se séparer de l'activité de transport. Ces sept salariés, dont les lettres de démission ne faisaient état d'aucun grief à l'encontre de l'employeur quant à l'exécution de leur contrat de travail, ont soutenu devant les juges du fond que leurs démissions devaient produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que « leurs démissions, données sous la contrainte de leur employeur, sont entachées d'un vice du consentement et donc équivoques ».
La cour d'appel a précisé que le vice du consentement allégué n'était pas établi. Mais elle a jugé que les démissions pouvaient être requalifiées en prise d'acte en raison de manquements imputables à l'employeur, qui faisaient l'objet d'un litige avec celui-ci au moment même où les démissions ont été présentées (non-paiement des heures supplémentaires et non-communication des disques chronotachygraphes). Les juges du second ont considéré que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel. Elle considère qu'à partir du moment où les sept salariés se prévalaient d'une « contrainte ayant vicié leur consentement », les juges du second degré n'avaient pas à rechercher le caractère équivoque de la démission « à raison de l'existence d'un différend antérieur ou concomitant de leur démission, susceptible de l'analyser en une prise d'acte ».
Pour la Cour de cassation, les deux voies de recours, dont dispose le salarié pour contester sa démission, sont exclusives l’une de l’autre. Le salarié ne peut pas invoquer à la fois les vices du consentement et la prise d’acte de la rupture.
La Cour de cassation avait déjà eu à se prononcer sur cette question. Elle avait jugé « que le salarié ne peut tout à la fois invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission et demander que cet acte de démission soit analysé en une prise d'acte, par lui, de la rupture de son contrat de travail en raison de faits et manquements imputables à l'employeur » (Cass. soc., 17 mars 2010, n° 09-40.465 : JurisData n° 2010-002043).
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Joan DRAY
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