Dénonciation de la saisie attribution et procédure collective :
La saisie attribution constitue une des procédures de recouvrement les plus efficaces. Cette voie d’exécution a pour objet de bloquer immédiatement, et à l’insu du débiteur, les sommes dues par le débiteur poursuivi.
Elle permet, ainsi, au créancier, porteur d’un titre exécutoire de se faire payer une somme d’argent par le débiteur de son débiteur.
Cette procédure met donc en cause trois personnes juridiquement distinctes : le débiteur contre qui la procédure d’exécution est dirigée, le créancier saisissant et le tiers saisi qui détient des sommes qui reviennent au débiteur défaillant.
Pour faire valoir ses droits, le créancier doit respecter une procédure spécifique prévue par le Code des procédures civiles d’exécution.
Une fois la créance reconnue par une décision de justice, le recours à un huissier est nécessaire pour faire exécuter la décision.
Celui-ci signifie au tiers l’acte de saisie et défense est faite au débiteur de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu’il doit. L’huissier doit dans les 8 jours de la signification de l’acte de saisie, informer le débiteur par la dénonciation.
Cette règle, en apparence simple suscite des difficultés, lorsqu’une procédure collective est ouverte à l’encontre du débiteur.
En effet, l’article L622-21 II du Code de commerce limite les possibilités de poursuivre une voie d’exécution contre un débiteur faisant l’objet d’une procédure collective.
Toutefois, il ne les empêche pas totalement. Mais, encore faut il déterminer à quelle personne signifiée l’acte de dénonciation de la saisie. Pour se faire, il convient de distinguer le cas où la saisie attribution a été pratiquée avant le jugement d’ouverture de la procédure (I) de celle pratiquée après le jugement d’ouverture et ayant pour cause le paiement d’une créance utile (II)
I- La saisie attribution pratiquée avant le jugement d’ouverture :
Une telle saisie est valable si l’acte de saisie a été signifié au tiers avant le jugement d’ouverture (art L622-21 C com).
En effet, l’ouverture de la procédure ne remet pas en cause l’attribution de la créance au saisissant, et celui-ci, devenu de plein droit créancier personnel du tiers saisi n’est pas tenu de déclarer sa créance à l’égard du débiteur à la procédure (Cass com 13 octobre 1998 n°96-14.295).
Mais, le jugement d’ouverture n’est pas sans effet sur la procédure de saisie attribution. En effet, ce dernier interrompt le délai pour contester la saisie.
Aussi, la Cour de cassation estime que si le jugement d'ouverture est rendu pendant le délai de contestation d'un mois qui suit la dénonciation de la saisie au débiteur, le jugement interrompt ce délai : « lorsque le jugement de liquidation judiciaire est prononcé au cours du délai ouvert pour contester la saisie-attribution, il interrompt le délai et un nouveau délai commence à courir à compter de la dénonciation faite au liquidateur » (Cass com 19 janvier 1999 n° 96-18.526).
A l’inverse, si le jugement d’ouverture de la procédure a été rendu après l’expiration du délai d’un mois suivant la dénonciation régulière de la saisie au débiteur, le créancier pourra obtenir le certificat de non contestation dont dépend son paiement par le tiers saisi.
Ainsi, si la liquidation judiciaire intervient après l’expiration du délai de dénonciation, la dénonciation dans les délais au débiteur alors maître de ses biens est valable. C’est cette solution que la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 2 octobre 2012.
En l’espèce, une société avait été condamnée à payer une somme à son créancier. La saisie attribution avait été dénoncée à cette dernière dans le délai de huit jours. Au cours du délai d’un mois de contestation de la saisie attribution, la débitrice a été mise en liquidation judiciaire. Le liquidateur avait demandé la caducité de la saisie attribution au motif que la saisie attribution devait lui être dénoncée dès la liquidation judiciaire et que la dénonciation antérieure au débiteur était sans effet, dès lors que la liquidation judiciaire ouverte au cours du délai de contestation de la saisie-attribution interrompt ce délai et fait courir à nouveau ce délai en son entier à compter de la dénonciation au liquidateur judiciaire.
Cet argumentation n’a pas été suivie par la Cour de cassation qui a rejeté le pourvoi en considérant que « Lorsque le débiteur n'a pas été mis en liquidation judiciaire dans le délai de huit jours dans lequel la saisie-attribution doit lui être dénoncée par acte d'huissier de justice, à peine de caducité, cette saisie, si elle lui a été régulièrement dénoncée dans ce délai, ne peut plus encourir la caducité prévue par l'article R. 211-3 du Code des procédures civiles d'exécution. » (Cass com 2 octobre 2012 n° 11-22.387).
La situation est plus délicate lorsque le jugement d’ouverture intervient pendant le délai de dénonciation dans la mesure où le créancier doit signifier l’acte de dénonciation non pas au débiteur défaillant mais à l’organe de la procédure collective habilitée à la recevoir dans les 8 jours de la signification de l’acte de saisie au tiers saisi.
En effet, la Cour de cassation estime que le jugement d’ouverture n’interrompt pas le délai de dénonciation.
Ainsi, elle a jugé dans une espèce où le jugement prononçant la liquidation du débiteur avait été rendu le lendemain de la signification de l’acte de saisie au tiers que bien que la saisie avait été dénoncée au débiteur dans le délai de huit jours, le créancier était hors délai lorsqu’il a signifié la dénonciation au liquidateur. En conséquence, la saisie était caduque : « la saisie doit être dénoncée dans le délai de huit jours, à peine de caducité, au débiteur à la tête de ses biens, ou, dès la liquidation judiciaire, à son liquidateur » (Cass com 4 mars 2003 n°00-13.020).
II- La saisie attribution pratiquée après le jugement d’ouverture :
La saisie pratiquée après le jugement d’ouverture est possible si elle a pour cause une créance née régulièrement après ce jugement pour les besoins du déroulement de la procédure ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur. Mais, dans ce cas, qui doit recevoir la dénonciation de la saisie ? Il n’existe pas de réponse unique, tout dépend, en effet, de la mission dévolue aux organes de la procédure.
Si les organes de la procédure sont investis d’une mission de représentation, la saisie doit leur être dénoncée dans la mesure où le débiteur est dessaisi de l’administration de ses biens. Ainsi, en cas de liquidation judiciaire, toute saisie doit être dénoncée au liquidateur. La Cour de cassation estime, en effet que, « la saisie doit être dénoncée dans le délai de huit jours, à peine de caducité, dès la liquidation judiciaire, à son liquidateur » (C cass com 4 mars 2003 n°00-13.020).
Il en est de même en cas de redressement judiciaire, si la décision du tribunal charge l’administrateur d’assurer seul l’administration de l’entreprise.
S’il s’agit d’une mission d’assistance, la saisie doit être dénoncée conjointement au mandataire et au débiteur. En effet, l’organe de la procédure dans ce cas ne représente pas le débiteur. Aussi, est irrégulière la saisie dénoncée à un seul qu’il s’agisse du débiteur ou de l’organe de la procédure (Cass com 19 février 2002 n° 98-22.737 – Cass com 10 janvier 2006 n° 04-18).
Enfin, s’il s’agit d’une simple mission de surveillance, la dénonciation est valablement dénoncée au débiteur seul.
En guise de conclusion, il convient de rappeler que la dénonciation de la saisie qi n’est pas signifiée à la ou les personnes habilitées est nulle. Il s’agit d’une nullité pour vice de fond et en tant que telle, le prononcé de la nullité n’est pas subordonné à la démonstration d’un grief.
La signification à la personne habilité est d’autant plus important qu’une dénonciation nulle peut entraîner par voie de conséquence, la caducité de la saisie elle-même si une nouvelle dénonciation n’est pas régulièrement signifiée dans le délai de huit jours. De fait, il convient d’être particulièrement vigilant lorsque le saisi fait l’objet d’une procédure collective.
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