Le dépassement de pouvoir dans la cession ou l’acquisition de parts sociales par l’un des époux

Publié le 06/12/2011 Vu 19 523 fois 0
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Le mariage ne prive pas l’époux de sa pleine capacité en droit. Cependant, celle-ci peut être limitée en fonction du régime sous lequel ils sont mariés : communauté ou séparation de biens. Et la situation diffère encore selon que la cession ou l’acquisition de titres portera sur des biens faisant partie de la communauté ou à un époux. La situation de l’acquisition ou de la cession d’actions avec les biens communs est simple. Le principe à appliquer ici résulte du 1er alinéa de l’article 1421 du Code Civil disposant que « chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion. Les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l'autre ». Il en résulte que chaque époux peut donc acquérir seul des actions au moyen de biens de la communauté et/ou céder seul des actions constituant des biens de communauté. La qualité d’actionnaire résultant d’une acquisition sera ainsi attribuée à l’époux qui a effectué l’opération, ou, si elle a été conduite conjointement, aux deux époux. La situation de l’acquisition ou de la cession de parts sociales avec les biens communs est plus complexe. La jurisprudence s'est prononcée à plusieurs reprises sur les voies de droits offertes au conjoint en cas de dépassementt des pouvoisrs de son conjoint.

Le mariage ne prive pas l’époux de sa pleine capacité en droit. Cependant, celle-ci peut être limitée en

Le dépassement de pouvoir dans la cession ou l’acquisition de parts sociales par l’un des époux

 

Le mariage ne prive pas l’époux de sa pleine capacité en droit. Cependant, celle-ci peut être limitée en fonction du régime sous lequel ils sont mariés : communauté ou séparation de biens.

Et la situation diffère encore selon que la cession ou l’acquisition de titres portera sur des biens faisant partie de la communauté ou appartenant à un époux.

Ainsi pour les opérations portant sur des parts sociales,  le conjoint de l'époux acquérant ou cédant aura droit selon les cas à être informé, voire à donner son consentement à peine de nullité de l'opération, et même - en cas de divorce - à en obtenir tout ou partie.

Sur les droits du conjoint sur des droits sociaux négociables: les actions

La situation de l’acquisition ou de la cession d’actions avec les biens communs est simple.

Le principe à appliquer ici résulte du 1er alinéa de l’article 1421 du Code Civil disposant que « chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion. Les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l'autre ».

Il en résulte que chaque époux peut donc acquérir seul des actions au moyen de biens de la communauté et/ou céder seul des actions constituant des biens de communauté.

La qualité d’actionnaire résultant d’une acquisition sera ainsi attribuée à l’époux qui a effectué l’opération, ou, si elle a été conduite conjointement, aux deux époux.

Sur les droits du conjoint portant sur des droits sociaux non négociables: les parts sociales.

La situation de l’acquisition ou de la cession de parts sociales avec les biens communs est plus complexe.

a- En cas d'acquisition

L’époux qui acquiert seul des parts sociales doit obligatoirement en avertir son conjoint et en justifier dans l’acte d’acquisition.

 (Article 1832-2 al.1 c.civ : « Un époux ne peut, sous la sanction prévue à l'article 1427, employer des biens communs pour faire un apport à une société ou acquérir des parts sociales non négociables sans que son conjoint en ait été averti et sans qu'il en soit justifié dans l'acte ».)

Cependant le consentement de l’époux informé n’est pas requis, il n’a pas à donner son autorisation.

Comme dans le cas des actions, la qualité d'associé appartient à celui des époux qui a réalisé l'acquisition (Article 1832-2 al.2 c.civ : La qualité d'associé est reconnue à celui des époux qui fait l'apport ou réalise l'acquisition ».)

La qualité d’associé peut néanmoins revenir également au conjoint non-acquéreur pour la moitié des parts acquise si celui-ci le revendique.

 Ceci résulte encore des dispositions de l’article 1832-2, cette fois dans son 3ème alinéa : « La qualité d'associé est également reconnue, pour la moitié des parts souscrites ou acquises, au conjoint qui a notifié à la société son intention d'être personnellement associé »).

En conséquence de cette revendication de la qualité d’associé par le conjoint de l’époux acquéreur, les deux époux seront propriétaires par moitié des parts acquises avec les biens communs.

Si le conjoint exerce son droit de revendication postérieurement à la réalisation de l'achat, il est soumis à l'agrément des autres associés, mais seulement si les statuts le prévoient.

Chaque époux aura donc un pouvoir d’intervention dans la vie sociale à hauteur de la moitié des parts.

Conséquences du renoncement à la revendication

L’époux notifié par son conjoint acquéreur doit bien prendre conscience des conséquences de son éventuel refus à revendiquer la moitié des parts sociales.

Une renonciation formulée par écrit est en effet définitive et il ne pourra pas intervenir dans la vie sociale pendant la durée de la communauté.

Ce même s’il a obtenu l’agrément des autres associés. Le mieux eut été de ne pas formuler de renonciation expresse. (CA Paris 16 octobre 1990, 3e ch. A, Gustin c/ Sté Force 7, Cass. com. 12 janvier 1993 n° 33).

En revanche, en cas de divorce et donc de liquidation de la communauté, les parts doivent être partagées entre les deux époux puisqu'elle constituent des biens communs.

Elles peuvent être attribuées à l'un ou l'autre des époux, qu'ils aient ou non la qualité d'associé.

Si l'époux attributaire n'a pas cette qualité, il se peut alors qu'il soit soumis à l'agrément des autres associés, selon ce qui est prévu par les statuts. Si l'agreément lui est refusé, les associés devront lui racheter ses parts.

b- En cas de cession

Les époux ne peuvent l'un sans l'autre céder des titres non négociables ou percevoir les capitaux provenant d'une telle cession (C. civ. art. 1424 al.1 : « Les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, non plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l'aliénation est soumise à publicité. Ils ne peuvent, sans leur conjoint, percevoir les capitaux provenant de telles opérations.»).

Ces dispositions sont également applicables en cas de promesse de cession de parts (CA Paris 28 juin 1994, 3e ch. A, Brossier c/ Philippe).

Rappelons qu’elles ne sont cependant pas applicables lorsqu’il s’agit d’actions, s’agissant de titres librement négociables, qu’un époux peut aliéner seul, sauf fraude dans l’exercice de ce pouvoir (Cass. 1ère civ. 27-5-2010 n° 09-11.894).

Le respect de ces règles est très important puisque le risque est de voir l’opération annulée, qu’il s’agisse d’une acquisition ou d’une cession (C. civ. art. 1427, al. 1). Et ce à la demande du conjoint.

Les sanctions en cas de dépassement du pouvoir du conjoint:

Selon les dispositions de l’article 1427 alinéa 2 du Code Civil, « l'action en nullité est ouverte pendant deux ans à partir du jour où le conjoint de l'époux auteur du dépassement a eu connaissance de l'acte, sans jamais pouvoir être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté ».

Cette nullité est relative, ce qui signifie que l'action en nullité est réservée à l'époux victime du dépassement de pouvoir, et celui qui est l'auteur de ce dépassement ne peut invoquer la nullité (Cass. 3e vic. 8 janvier 1992, Hernandez c/ EDF).

Il a ainsi été jugé qu'était nulle la promesse de cession de parts sociales d'une société exploitant une pharmacie consentie par un époux sans le consentement de sa femme alors que ces parts constituaient des biens communs (T. com. Paris 19 novembre 1991, 2e ch., Philippe c/ Brossier).

L’époux peut néanmoins choisir de valider l’acte en le ratifiant. Dans ce cas il lui sera impossible de le contester par la suite (C. civ. art. 1427, al. 1).

Il faut souligner que c’est bien une nullité qui sera prononcée, et non une simple inopposabilité à l’épouse, ainsi qu’il en a été jugé à plusieurs reprises (Cass. 1e civ. 27 juin 1978 ; Cass. 3e civ. 5 mai 1981 n° 792, Kosak c/ Laitier ; Cass. 1e civ. 17 juin 1981).

En conséquence, l'acte est nul envers le cocontractant même si celui-ci est de bonne foi (Cass. 1e civ. 6 février 1979, Persechini c/ Sakowski).

Illustrons enfin par une décision récente cette impossibilité pour l’un des époux d’aliéner seul des droits sociaux non-négociables dépendant de la communauté.

Ainsi ,la Cour de cassation dans un arrêt du 9 novembre 2011 (n° 10-12.123), a tranché un litige opposant une femme mariée sous le régime de la communauté réduite aux acquêts ayant constitué une société civile avec une autre personne à laquelle elle avait ensuite cédé ses parts. Son époux n’ayant pas donné son consentement à cette opération de cession, il a demandé son annulation.

La Cour d’Appel avait rejeté sa demande au motif qu’il n’avait jamais signifié à la société sa volonté de revendiquer lesdites parts, qui en outre étaient négociables.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt, réaffirmant par là le principe selon lequel un époux ne pouvait céder ces parts – qui ne sont pas négociables - sans l’accord de son conjoint.

Joan DRAY
Avocat à la Cour
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