L’indemnité de remplacement ou de transfert
Si le refus de renouvellement entraîne la perte du fonds de commerce, le bailleur devra régler une indemnité dite de remplacement, qui aura pour assiette la valeur du fonds de commerce.
C'est le cas naturellement pour les commerces de détail et, dans certains cas très particuliers, pour ce que l'on a pu appeler les "grossistes de secteur" dont l'activité est directement liée à la chalandise du quartier dans lequel ils sont installés.
En revanche, si le fonds peut être déplacé sans perte importante de clientèle, le bailleur n'aura à régler qu'une indemnité, dite de déplacement ou de transfert, qui aura pour assiette la valeur du droit au bail, majorée des indemnités accessoires liées au transfert.
C'est le cas pour les grossistes classiques, les locaux industriels, les bureaux, les entrepôts, mais cela peut aussi être le cas pour certains commerces de détail de forte notoriété dont la clientèle les suivra.
Il en est également ainsi lorsque le commerçant, même détaillant, pourra se réinstaller à proximité immédiate, la charge de la preuve qu'un transfert est possible sans perte de clientèle, incombant au bailleur (CA Paris, 16e ch. B, 26 mai 2000).
Dans un arrêt récent du 11 février 2010, il a été jugé que la bailleresse ne produisant aucun élément démontrant la renonciation des preneurs à se réinstaller, invoquant la charge de la preuve alors que celle-ci lui incombe, les frais de réinstallation doivent être inclus dans l'indemnité d'éviction (CA Aix-en-Provence, 4e ch., sect. C, 11 févr. 2010, SNC Cie Foncière Alpha c/ Mrs Manta : JurisData n° 2010-019978).
Néanmoins, cette indemnité est habituellement versée en cas d'activité transférable, compte tenu du préjudice dont le preneur peut se prévaloir (Cass. 3e civ., 2 févr. 2000).
Dans certains cas, la réparation du seul préjudice effectivement subi par le preneur, va conduire au règlement d'une indemnité de remplacement dont l'assiette principale sera cependant réduite à la valeur du droit au bail, ou à l'inverse au règlement d'une indemnité correspondant à la valeur de remplacement du fonds, alors que le fonds est théoriquement transférable.
Les frais de remploi sont dus tant en cas de perte de fonds que d'activités transférables selon les frais effectivement exposés par le preneur si celui-ci se réinstalle avant la fixation de l'indemnité d'éviction (Cass. 3e civ., 3 févr. 2001 : JurisData n° 2001-009199 - CA Aix-en-Provence, 20 févr. 2003).
Mais que le preneur se trouve encore dans les lieux ou qu'il ait restitué les clefs postérieurement à l'échéance du bail par l'effet du congé, en renonçant au bénéfice du droit au maintien dans les lieux découlant de l'article L. 145-28 du Code de commerce, le bailleur a la faculté d'établir, que le préjudice est « moindre », c'est-à-dire qu'il ne peut correspondre au poste d'évaluation énoncé par le texte légal, étant rappelé qu'au titre des indemnités dites accessoires, celui-ci indique que la valeur marchande peut être augmentée « éventuellement ».
Il incombe alors à celui-ci d'établir que le locataire ne se réinstallera pas, soit en prenant à bail d'autres locaux, soit en faisant l'acquisition d'un autre fonds de commerce.
Ceci peut résulter du fait que la locataire âgée ne conteste pas la cessation d'activité, même après avoir perçu l'indemnité d'éviction (Cass. 3e civ., 3 oct. 1991), voire même de la reconnaissance explicite par les locataires dans leurs conclusions qu'ils souhaitent faire valoir leurs droits à la retraite (Cass. 3e civ., 8 juin 1995, n° 93-14.463).
Cependant, si l'argumentation du bailleur est seulement fondée sur l'âge du preneur évincé, sa demande peut être rejetée faute d'avoir établi la preuve requise (CA Paris, 16e ch., sect. A, 8 déc. 2004 : JurisData n° 2004-263089).
En cas de liquidation judiciaire du preneur, il a été jugé que le liquidateur ne pouvait prétendre à une indemnité dite de remploi (TGI Paris, 9 janv. 2003).
Indemnité de remplacement et plancher de la valeur du droit au bail
La jurisprudence retient que la valeur du fonds de commerce comporte en toute hypothèse un élément plancher qui est celui de la valeur du droit au bail, de telle sorte qu'il peut y avoir une valeur de fonds, même en présence d'une entreprise déficitaire, la valeur du fonds étant alors réduite à celle du droit au bail.
Ce principe est rappelé en jurisprudence de manière absolument constante depuis un arrêt de la Cour de cassation du 14 décembre 1964 (Cass. 3e civ., 14 déc. 1964).
Si l'indemnité de remplacement peut, dans certains cas, impliquer le règlement d'une indemnité assise sur la valeur du droit au bail, il ne suffit pas à l'inverse qu'un fonds soit théoriquement transférable, pour qu'il y ait nécessairement lieu au règlement d'une indemnité de transfert.
Il faut toujours en effet, en revenir à la règle première posée par l'article L. 145-14, imposant de réparer exclusivement le préjudice causé par le défaut de renouvellement, le bailleur n'étant tenu d'indemniser la perte du fonds, qu'à défaut de pouvoir rapporter la preuve que le préjudice est moindre.
On doit dès lors déduire de la faculté offerte au bailleur par l'article L. 145-14, de rapporter la preuve que le préjudice subi par son locataire est moins important que celui pouvant résulter de la perte du fonds, qu'il n'y aura lieu au règlement d'une indemnité de transfert, que dans l'hypothèse où ce dernier permet de limiter le préjudice subi par le preneur.
En revanche, si indemniser le transfert s'avère plus onéreux qu'indemniser la perte du fonds, on doit, dans la logique de l'article L. 145-14, s'en tenir à l'indemnisation de la perte du fonds.
Date d’appréciation du montant de l’indemnité
Une des particularités de l'indemnité d'éviction est qu'elle tend à réparer un préjudice futur, puisque, dans la plupart des cas, le preneur se maintiendra dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction.
Néanmoins, cette indemnité doit être évaluée, conformément à une jurisprudence constante, à la date la plus proche possible du départ du locataire, soit en réalité à la date à laquelle les juges statuent lorsque l'éviction n'a pas encore été réalisée.
La règle joue, quel que soit le sens de l'évolution du chiffre d'affaires et des résultats du preneur, ce qui peut poser un problème en cas de variation importante, entre les exercices analysés par l'expert, au vu desquels il a déposé son rapport, et la date à laquelle la cour d'appel est amenée à statuer.
La solution consistant à pratiquer un abattement forfaitaire pour tenir compte de l'abstention du locataire à communiquer ses derniers chiffres d'affaires a été retenue à plusieurs reprises.
Toutefois, l’application de cette règle est limitée car même en cas de variation des chiffres d'affaires et des résultats du locataire entre la date du prononcé de la décision définitive fixant l'indemnité d'éviction et son délaissement des lieux, toute demande de réévaluation de l'indemnité se heurterait à l'autorité de la chose jugée (Cass. 3e civ., 28 sept. 1982 : Bull. civ. III, n° 182).
Lorsque, d'autre part, le locataire a quitté les lieux, l'indemnité est évaluée au jour de son départ.
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