Le devoir de mise en garde de la banque à l’égard de l’emprunteur

Publié le 07/07/2016 Vu 17 059 fois 0
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Il résulte de l’article L.311-9 du Code de la consommation, « avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur ». La jurisprudence a encadré ce pouvoir de mise en garde en fixant trois conditions. Le mise en garde de la banque envers l’emprunteur s’applique s’il y a risque d'endettement excessif mais l’emprunteur doit être non averti et de bonne foi.

Il résulte de l’article L.311-9 du Code de la consommation, « avant de conclure le contrat de crédit, l

Le devoir de mise en garde de la banque à l’égard de l’emprunteur

Le devoir de mise en garde de la banque à l’égard de l’emprunteur

Il résulte de  l’article L.311-9 du Code de la consommation, « avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur ».

Si la solvabilité de l’emprunteur n’est pas favorable, le prêteur est tenu à l'égard d'emprunteurs non avertis, d'un devoir de mise en garde sur les risques nés d'un crédit excessif ou inadapté (CA Rennes, 6 févr. 2015 Epx P. c/ Sté LCL – Le Crédit Lyonnais SA : JurisData n° 2015-002711 ; Contrats, conc. consom. 2015, comm. 128, 1re esp., obs. G. Raymond).

La jurisprudence a encadré ce pouvoir de mise en garde en fixant trois conditions.

Le mise en garde de la banque envers l’emprunteur s’applique s’il y a risque d'endettement excessif mais l’emprunteur doit être non averti et de bonne foi.

  • L’existence d’un prêt inadaptée aux capacités financières de l’emprunteur

Les capacités financières comprennent le patrimoine et les revenus (Cass. com., 6 déc. 2011, n° 10-24.268 : JurisData n° 2011-027527 ; RD bancaire et fin. 2012, comm. 38, obs. F.-J. Crédot et Th. Samin).

L'emprunteur qui se prévaut d'un crédit excessif pour pouvoir bénéficier du devoir de mise en garde doit produire des documents de nature à établir la réalité de sa situation économique à la date de la souscription du crédit (Cass. 1re civ., 14 janv. 2010, n° 08-18.033).

Le crédit excessif est celui dont les échéances sont trop élevées par rapport aux perspectives de développement de l'entreprise. La preuve du crédit excessif incombe à celui qui agit en responsabilité. Le plus souvent, elle est établie dès lors que la défaillance de l'emprunteur est intervenue assez vite (CA Paris, 5 nov. 2009, n° 07/08502 : JurisData n° 2009-380264 : Liquidation un mois après l'octroi du prêt).

Le prêteur est tenu de son devoir de mise en garde que s’il apparaît que le crédit consenti a été excessif faisant ainsi courir un risque à l'emprunteur.

L'emprunteur ou la caution doit fournir à l'établissement de crédit les éléments lui permettant de vérifier que le crédit est bien adapté à ses capacités financières (Cass. com. 29 avr. 2014 : Banque et droit sept-oct. 2014, p. 19, obs. G. Helleringer. – Cass. com., 13 mai 2014, n° 13-13-843 : Banque et droit sept-oct. 2014, p. 22, obs. G. Helleringer).

De même, en cas de procédure, l'emprunteur doit fournir à la juridiction les éléments lui permettant d'apprécier le caractère excessif du crédit consenti. Par exemple, l'emprunteur ne satisfait pas à cette exigence dès lors que déclarant 4 000 euros mensuels, il se prévaut de charges de remboursement d'un montant de 400 euros (Cass. 1re civ., 18 févr. 2009, n° 08-11.221 : JurisData n° 2009-047086. – Cass. 1re civ., 18 sept. 2008, n° 07-17.270 : JurisData n° 2008-045005 ; JCP E 2008, 2245, note D. Legeais).

Cependant, il incombe à l'établissement de crédit de rapporter la preuve que le devoir de mise en garde n'était pas dû dès lors que le crédit était adapté aux capacités financières du client.

Cette preuve résulte le plus souvent du remboursement sans difficultés des premières échéances du crédit (CA Paris, 25 oct. 2012, n° 10/22215 : JurisData n° 2012-025958).

Certains éléments sont de nature à augmenter le risque et doivent donc être pris en compte. Tel est le cas du manque d'expérience de l'emprunteur, de l'absence de potentialité du marché, de l'absence de disponibilités pour financer le poste de clients en cas de restriction des fournisseurs (CA Montpellier, 17 mars 2009, n° 08/02863 : JurisData n° 2009-008195).

Lorsque le crédit est destiné à l'achat d'un fonds la banque doit se fonder en premier lieu sur les bilans produits des dernières années. Il doit en second lieu être tenu compte des perspectives de développement.

Au vu de ces deux éléments, il doit être établi que la charge du remboursement du prêt, en s'ajoutant aux autres charges du fonds, doit pouvoir être supportée par l'exploitation (Cass. 1re civ., 12 juill. 2007, n° 06-17.070 : JurisData n° 2007-040162 ; RD bancaire et fin. 2007, comm. 182). Le fait que le crédit ait pu être remboursé plusieurs années après le prêt est un élément démontrant que le crédit était adapté (Cass. com., 12 janv. 2010, n° 08-20.898 : JurisData n° 2010-051090).

  • Un emprunteur non averti

Parmi les emprunteurs, la jurisprudence opère une distinction, réservant le bénéfice du devoir de mise en garde aux seules personnes non averties.

Le caractère averti ou non d'une société s'apprécie dans la personne de son dirigeant (Cass. com., 4 mars 2014, n° 13-10.588 : JurisData n° 2014-003856)

Le non-averti peut être un particulier mais également un professionnel.

A contrario, l'averti est celui qui dispose des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés aux concours consentis (Cass. 1re civ., 28 nov. 2012, n° 11-26.477).

Lorsque deux personnes empruntent, le caractère non averti s'apprécie individuellement c’est-à-dire que la banque ne peut être dispensée de son devoir de mise en garde par la présence au côté de l'emprunteur d'une personne avertie, peu important qu'elle soit tiers ou partie (Cass. 1re civ., 30 avr. 2009, n° 07-18.334 : JurisData n° 2009-047953 ; JCP E 2009, note D. L. ; Banque et droit juill.-août 2009, p. 20, note Th. Bonneau).

L’appréciation de la jurisprudence sur le caractère non averti est différente selon les cas :

  • Les personnes cadres ou dirigeants sont avertis (Cass. com., 26 mai 2010, n° 08-10.274 : JurisData n° 2010-007391. –Bordeaux, 20 sept. 2011, n° 10/03099 : JurisData n° 2011-028690) ;
  • Un dirigeant n'ayant pas d'expérience professionnelle dans le domaine d'activité financé ou n'ayant aucune expérience financière peut être considéré comme un emprunteur ou une caution non avertie (N. Mathey, Le devoir de mise en garde du banquier à l'égard de l'emprunteur professionnel : JCP E 2011, 1542) ;
  • Les emprunteurs exerçant des fonctions nécessitant moins de compétence intellectuelle sont traités comme non avertis (CA Poitiers, 11 janv. 2011, n° 08/04256 : JurisData n° 2011-014859) ;
  • Les conjoints, les parents, les enfants du dirigeant sont le plus souvent considérés comme non avertis (CA Orléans 15 mai 2014, n° 13/02153 : JurisData n° 2014-014996 ) sauf si la banque démontre qu'ils avaient accès aux informations et pouvaient facilement mesurer le risque lié au crédit.

Toutefois, il incombe aux établissements de crédit de diagnostiquer la qualité de leur emprunteur pour déterminer s'ils doivent ou non bénéficier du devoir de mise en garde.

Dès lors il leur incombe de prouver que l'emprunteur, parce qu'il était averti, n'avait pas à bénéficier du devoir de mise en garde (Cass. com., 17 nov. 2009, n° 08-70.197, P : JurisData n° 2009-050458).

Les décisions exonérant de responsabilité les établissements de crédits sont cassées dès lors qu'elles ne qualifient pas l'emprunteur ou la caution alors même que l'établissement de crédit n'est pas fautif (Cass. 1re civ., 6 janv. 2011, n° 09-70.651, F-P+B+I, Guillot c/ BNP Paribas : JurisData n° 2011-000039).

La jurisprudence a retenu que plus le financement est complexe, plus l'établissement de crédit est tenu à un devoir de mise en garde (Cas d'un prêt de restructuration considéré comme complexe : CA Orléans, 30 mars 2009, n° 08/00619 : JurisData n° 2009-380262).

  • Un emprunteur de bonne foi

Pour exercer son devoir de mise en garde, l'établissement de crédit doit se faire communiquer des renseignements sur le patrimoine, les charges et les revenus de l’emprunteur renseigner.

Le bénéficiaire du devoir de mise en garde doit avoir eu un comportement loyal c’est-à-dire qu’il ne doit pas avoir communiqué des informations erronées ou dissimulé des informations à l'établissement de crédit exerçant son devoir de renseignement (Cass. 1re civ., 30 oct. 2007, n° 06-17.003 : JurisData n° 2007)

Par exemple, si l'emprunteur n'a pas mis la banque en mesure de constater l'existence d'un risque caractérisé né de l'octroi des crédits, il peut ainsi être privé du bénéfice du devoir de mise en garde (Cass. com., 11 déc. 2012, n° 11-25.876 : JurisData n° 2012-029498).

Toutefois, la jurisprudence a reconnu qu’il pèse sur le prêteur une véritable obligation de vérification de la solvabilité de l'emprunteur et il ne peut à cet égard se contenter des éléments déclarés par l'emprunteur au titre de ses ressources et charges, mais qu'il doit en vérifier la réalité en sollicitant tout document utile à cette vérification (TI Nevers, 29 janv. 2015, Sté Facet c/ Julien G. : Contrats, conc. consom. 2015, comm. 128, 2e espèce, obs. G. Raymond).

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Joan DRAY

Avocat à la Cour

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