Lorsque le banquier consent un prêt à une entreprise alors que celle-ci connaît des difficultés insurmontables et que le recouvrement du prêt risque de ne pas être effectué, la banque commet une faute puisqu’il s’agit d’un soutien abusif.
Depuis l’introduction del’article L650-1du Code de Commerce, le banquier bénéficie d’une immunité. A toute action en soutien abusif en de de procédure collective de l’entreprise.
Pour tenter de pallier les difficultés de trésorerie d’une entreprise, la banque peut consentir un prêt au dirigeant personne physique de l’entreprise ,destiné à combler le passif de l’entreprise en difficultés.
Dans ce cas, la banque est elle tenue d’un devoir de mise en garde à l’égard du dirigeant qui a contracté un prêt personnel mais dont les fonds sont affectés à son entreprise ?
La Cour de Cassation a reconnu , dans un arrêt récent , une faute du banquier qui n’avait pas rempli son devoir de mise en garde à l’égard du dirigeant auquel il consent un prêt dans le but de dissimuler l’état de cessation des paiements de l’entreprise qu’il dirige.
Cass Com. 7-2-2018 n°16-12-808
- Qu’en est-il du devoir de mise en garde du banquier à l’égard du dirigeant ?
Le devoir de mise en garde est une création jurisprudentielle. C’est la Cour de cassation qui en a défini les contours le distinguant de l’obligation d’information et de conseil
Le devoir de mise en garde consiste pour l’établissement de crédit à alerter l’emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque d’endettement né de l’octroi du prêt (Cass. ch. mixte, 29 juin 2007,
Le devoir de mise en garde ne s’applique qu’aux emprunteurs et caution et non avertis.
Il est cde jurisprudence que celui qui invoque à son profit le devoir de mise en garde doit justifier d’un risque de surendettement (Cass. com., 3 juill. 2012, n
L’exercice du devoir de mise en garde emporte pour l’établissement de crédit un devoir préalable de renseignement.
Le banquier dispose d’un devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur et de la caution quant aux risques qu’ils encourent et à l’endettement né du prêt. Il s’agit là d’un emprunteur et d’une caution avertis. Lorsque la banque consent un prêt à une entreprise dont le dirigeant se porte caution, celui-ci n’est pas nécessairement considéré comme une caution avertie (Cass. Com. 22-3-2016 n° 14-13.244). En effet, le dirigeant ne connaît pas forcément les risques qu’il encourt lorsqu’il consent ce prêt. Il est donc de la mission du banquier d’informer celui-ci auquel cas le banquier engage sa responsabilité.
De plus, le banquier qui consent un crédit à une personne non avertie doit :
- Se renseigner sur ses capacités financières
- Se renseigner sur sa situation personnelle
- Alerter l’emprunteur dans le cas où il y a un risque de non remboursement
Dans le cas où la banque consent un prêt à une entreprise en difficulté, il était fréquent que les tiers cherchent la responsabilité du banquier pour soutien abusif. Néanmoins, depuis la Loi de Sauvegarde du 26 juillet 2005 et l’article L650-1du Code de Commerce, le créancier n’est pas responsable pour tout concours abusif consenti sauf en cas de fraude, d’immixtion dans la gestion ou de garantie disproportionnée. Il faut donc noter que la banque ne sera pas responsable lorsque celle-ci aura consenti un prêt à une entreprise qui connaît des difficultés insurmontables même si le débiteur ou le tiers peut considérer qu’il s’agit d’un soutien abusif sauf exception prévue.
Dans l’arrêt qui nous intéresse, la cour de Cassation a statué dans les termes suivants : « La banque qui consent un prêt personnel au dirigeant d’une société pour renflouer celle-ci en grande difficulté, participant ainsi à une opération de soutien abusif par personne interposée, doit mettre en garde ce dirigeant non averti des risques qu’il encourt. »
La banque aurait du avertir le dirigeant du risque d’endettement né de l’octroi des prêts.
- Quel est le sort du dirigeant dans le cas où celui-ci consent un prêt dans le but de dissimuler l’état de cessation des paiements ?
Lorsque le dirigeant sollicite un prêt pour dissimuler l’état de cessation des paiements, il commet une faute de gestion. Cette faute de gestion peut se rencontrer quand
- Le dirigeant poursuit l’activité
- En cas de liquidation judiciaire ou redressement judiciaire, le dirigeant contribue à une insuffisance d’actif.
Dans l’arrêt du 7 février 2018, le dirigeant contrcate 2 prêts destiné à être versé sur le compte courant de la société puis au remboursement d’un prêt accordé à celle-ci.
Il s’agit d’un financement anormal puisqu’il a pour but de dissimuler l’état de cessation des paiements.
D’après l’article L651-2 du Code de Commerce, lorsque le dirigeant effectue un financement anormal, celui-ci risque une sanction lourde puisqu’il peut être condamné à supporter le montant de cette insuffisance d’actif ou il peut entrainer sa faillite personnelle. Ces sanctions ont été affirmé par la jurisprudence (CA Rennes 20-3-2010 n°17/06 947 ; Cass. Com. 12-7-2011 n°09-72.406).
Par conséquent, malgré la loi de sauvegarde protégeant les créanciers en cas de concours consenti, la banque risque d’engager sa responsabilité dans le cas où elle n’a pas respectée son devoir de mise en garde. De plus, lorsque le dirigeant d’une entreprise en difficulté consent un prêt dans le but de dissimuler l’état de cessation de paiement de celle-ci, il commet une faute grave dont la sanction est dissuasive.
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Joan DRAY
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