le devoir de mise en garde et la caution

Publié le 23/11/2020 Vu 17 362 fois 0
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La jurisprudence a imposé aux banques le respect d’un devoir de mise en garde envers leurs clients professionnels, dirigeants ou gérants d’entreprises.

La jurisprudence a imposé aux banques le respect d’un devoir de mise en garde envers leurs clients professi

le devoir de mise en garde et la caution

La jurisprudence a imposé aux banques le respect d’un devoir de mise en garde envers leurs clients professionnels, dirigeants ou gérants d’entreprises.

Ce devoir est une création de la jurisprudence qui concernait initialement l’emprunteur mais qui a ensuite été étendu aux cautions professionnelles.

Le banquier dispensateur de crédit est tenu à un devoir de mise en garde, 

et a l’obligation d’alerter l’emprunteur non averti, mais également la caution quant à ses capacités financières et aux risques d’endettement pouvant naître de l’octroi du prêt. 

Un contentieux important révèle que le banquier manque, parfois , à son obligation de mise en garde , à l’égard de la caution.

 Il est admis par le Tribunaux  que la caution garde la possibilité de demander, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, des dommages-intérêts en raison d’un manquement de la banque à son devoir de mise en garde,) lequel inclut l’obligation du banquier de vérifier la solvabilité de celle-ci et de s’assurer que le financement de l’opération garantie n’est pas disproportionné à ses ressources et à son patrimoine ; 

Il convient de préciser les contours de cette obligation et ses limites , à l’égard de la caution.

I/ le devoir de mise en garde 

Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution non avertie si l'engagement de celle-ci est, à la date de sa conclusion, inadapté au regard de ses capacités financières ou du risque de l'endettement né de la créance garantie (jurisprudence constante, notamment Cass. com. 27-11-2012 n° 11-22.706 :  RJDA 4/13 n° 356 )

 

Le créancier n'a pas manqué à ce devoir lorsque l'engagement de la caution garantissait un prêt en vue de l'acquisition d'un fonds de commerce dont la situation financière était saine, les résultats des trois années précédentes étant bénéficiaires et en hausse, de sorte que les perspectives de rentabiliser l'opération étaient normales et ne présentaient pas de facteur de risque excédant celui inhérent à tout risque d’endettement.

Le banquier dispensateur de crédit a l’obligation de faire souscrire à la caution, même dirigeante, un engagement proportionné à ses biens et à ses revenus, ce que le devoir de mise en garde également mis à sa charge lui impose de vérifier, sauf dans le cas où la caution est avertie. Com. 13 septembre 2017, n° 15-20.294

La jurisprudence impose aux banquiers une obligation de mise en garde qui se décompose en une obligation de :

  • mettre en garde l’emprunteur sur la viabilité du projet à financer et     l’éventuelle incapacité de remboursement de la dette bancaire par la société emprunteuse ;
  • mettre en garde la caution sur l’éventuelle disproportion de son  cautionnement eu égard à ses revenus et patrimoine ;
  • mettre en garde la caution sur les risques et les conséquences         financières de son engagement par rapport au caractère réalisable du projet garanti.

 

Il le doit même si l'engagement de la caution n'est pas disproportionné par rapport à son patrimoine et à ses revenus (Cass. 1e civ. 14-10-2015 n° 14-14.531 : GP 2015.som.9 décembre note Albiges).

 Mais il n'est pas tenu d'un tel devoir à l'égard du conjoint de la caution, commun en biens, qui est intervenu à l'acte de cautionnement pour l'autoriser à engager les biens communs comme le prescrit l'article 1415 du Code civil (Cass. com. 9-2-2016 n° 14-20.304 :  RJDA 4/16 n° 321).

 

II/ le devoir de mise en garde  à l ‘égard de la caution avertie

 La Cour de cassation a  rappellé l’obligation de mise en garde, en précisant dans un arrêt que « La banque est ténue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur  » 

Il est nécessaire de rappeler la distinction entre « caution avertie » et « caution non avertie ». 

Plusieurs décisions considèrent que l’averti est celui qui dispose des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés aux concours consentis.

La caution non avertie peut donc être considérée comme une personne ne disposant pas des compétences pour évaluer les risques liés à l’acte de cautionnement au regard de sa capacité financière.

La caution ne peut pas être tenue pour avertie pour le seul motif qu'elle est dirigeante et associé de la société débitrice principale ; il s'ensuit que le créancier professionnel doit prouver qu'il l'a mise en garde (Cass. com. 22-3-2016 n° 14-20.216 :  RJDA 6/16 n° 472).

Une diversité d’éléments, non réductibles au seul exercice d’une profession déterminée, sont pris en compte : connaissance du monde des affaires, âge, expériences professionnelles, fréquence des opérations financières et du recours au crédit, montant de l’emprunt cautionné.


Un arrêt récent rendu par la Cour de Cassation revient sur cette notion de caution avertie et précise dans son dispositif que « Le prêteur n’est pas tenu d’une obligation de mise en garde à l’égard de la caution dès lors que ses revenus et son patrimoine sont importants et que le projet financé ne semblait pas voué à l’échec. »

Cass. com. 5-2-2020 n° 18-21.444 F-D, C. c/ Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie 

 

Dans cette affaire , un dirigeant qui exerçait une activité de restaurateur- cabaret , avait pu obtenir un financement , pour l’acquisition de son fonds de commerce, pour lequel , il s’était engagé, en qualité de caution.

 

 Poursuivi en exécution de son engagement, le dirigeant caution  avait opposé un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

 

La Cour de cassation a considéré que la banque n’était pas tenue à un devoir de mise en garde , pour les motifs suivants :

 

– le projet de création de l’activité de restauration, associée à celle de cabaret, avait fait l’objet d’une étude prévisionnelle approfondie par un cabinet comptable ne permettant pas de considérer que l’opération financée était d’emblée vouée à un échec ;

 

– la fiche de renseignements signée par le dirigeant caution mentionnait qu’il était, au jour de son engagement, propriétaire d’un immeuble évalué à 300 000 €, sous réserve d’un emprunt restant dû de 60 000 €, qu’il disposait d’un salaire annuel de 60 000 € ainsi que d’une épargne de 78 000 € et qu’il avait deux enfants à charge.

Par suite, la caution ne démontrait pas qu’au jour de sa conclusion, son engagement n’était pas adapté à ses capacités financières ou qu’il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt consenti à la société.

Il ne s’agissait pas seulement du caractère non avertie , qui n’était pas contesté mais davantage  de rappeler que l’objet de la mise en garde s’apprécie tant au regard du patrimoine de la caution qu’en considération des risques d’endettement pour l’emprunteur.

 En l’espèce, il était incontestable  que le dirigeant avait des revenus et un patrimoine important et que l’opération, qui avait fait l’objet d’une étude prévisionnelle, ne paraissait pas vouée à l’échec. 

 

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JOAN DRAY

Avocat 
MANDATAIRE EN TRANSACTIONS IMMOBILIERES

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