Le devoir de mise en garde et prescription

Publié le 13/04/2022 Vu 8 072 fois 0
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Le devoir de mise en garde est une notion jurisprudentielle consacrée par l'arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation du 29 juin 2007.

Le devoir de mise en garde est une notion jurisprudentielle consacrée par l'arrêt de la Chambre mixte de la

Le devoir de mise en garde et prescription

 

 

Le devoir de mise en garde est une notion jurisprudentielle consacrée par l'arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation du 29 juin 2007.  

 

Le devoir de mise en garde n’existe qu’envers les emprunteurs non avertis. Il profite également aux cautions non averties. Pour cette raison, la Cour de cassation impose aux établissements de crédit et aux juridictions la qualification préalable de l’emprunteur.

 

Pour la Cour de cassation, celui qui invoque à son profit le devoir de mise en garde doit justifier d’un risque de surendettement ( Cass. com., 3 juill. 2012, n

 

Ce devoir implique pour la banque de vérifier le niveau de connaissance de son client avec le produit proposé ainsi que ses moyens financiers.

Qu'il résulte de l'article 1147 du code civil que le devoir de mise en garde mis à la charge du banquier dispensateur du crédit oblige ce dernier avant d'apporter son concours à vérifier si les capacités financières de la caution sont adaptées au crédit envisagé et à l'alerter sur les risques encourus par un endettement excessif.

 

Lorsque l’emprunteur invoquait un défaut de mise en garde de la banque lors de la conclusion d’un prêt amortissable classique, il était jugé que le dommage résultant du manquement de la banque, qui consiste en une perte de chance de ne pas contracter, se manifestait dès l’octroi du crédit (Cass. com. 26-1-2010 no 08-18.354 FS-PB : RJDA 5/10 no 580 ; Cass. com. 3-12-2013 no 12-26.934 F-D : RJDA 3/14 no 288), de sorte que le point de départ de la prescription était alors le jour de la conclusion du prêt.

 

 

Ce devoir consiste en l’obligation d’alerter l’emprunteur non averti, mais également la caution quant à ses capacités financières et aux risques d’endettement pouvant naître de l’octroi du prêt. 

 

Un contentieux important révèle que le banquier manque, parfois, à son obligation de mise en garde, à l’égard de la caution. Ce principe donne régulièrement lieu à des précisions jurisprudentielles puisque selon la qualité des parties et la nature du contrat conclu, le point de départ de l’action en responsabilité contractuelle du banquier pour manquement à son obligation de mise en garde peut être la date de conclusion du contrat ou celle de la connaissance du préjudice lié au manquement de la banque.

 

 

DELAI DE PRESCRIPTION POUR L’ACTION EN VIOLATION DU DEVOIR DE MISE EN GARDE DU BANQUIER 

 

 

Durant de nombreuses années il était considéré à que le délai de prescription pour mener une telle action commencer dès l’octroi du crédit comme en témoigne l’arrêt du 14 janvier 2013.

 

Il était question d’un prêt professionnel destiné au rachat d’une licence de taxi. Des échéances étant demeurées impayées à compter du 25 octobre 2015. 

 

Or, la Cour d’Appel de Versailles avait déclaré une telle demande de dommages-intérêts irrecevable, car prescrite. Plus précisément, elle énonçait que le délai de prescription court à compter de la réalisation du dommage et puisque le dommage résulte d’un manquement au devoir de mise en garde, il se manifeste dès l’octroi du crédit. Elle considérait alors que le délai de prescription avait commencé à courir dès la date de souscription du contrat, soit le 14 janvier 2013.

 

« La prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, que le dommage résultant d'un manquement au devoir de mise en garde se manifeste dès l'octroi du crédit, que le délai de prescription a commencé à courir dès la date de souscription du contrat » (14 janvier 2013 n° 20-18.893).

 

Deux justifications sont possibles à cette solution. D'une part, c'est bien le jour du contrat que le devoir de mise en garde est dû. D'autre part, la chambre commerciale a pour habitude de privilégier des solutions qui confortent la sécurité juridique Il s'agit de prévenir des actions engagées longtemps après l'octroi du crédit.

 

Cependant lors d’un pourvoi en cassation, la Cour de Cassation a opéré un revirement de jurisprudence et a admis l’application effective de  l'article 2244 du code civil.

 

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »             (Article 2224 du code civil)

 

Selon la position de Haute Juridiction, il résulte qu’une action en responsabilité de l’emprunteur non averti à l’encontre du prêteur, au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde, se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l’emprunteur d’appréhender l’existence et les conséquences éventuelles d’un tel manquement.

Depuis, la Cour de Cassation ne cesse de maintenir une jurisprudence constante en la matière comme le montre les arrêts suivants : Cass. Com, ;22 janvier 2020, cass com., 8 avril 2021 et plus récemment le 5 janvier 2022 par la première chambre civile de la Cour de cassation. 

La chambre commerciale de la Cour de Cassation a retenu, s’agissant d’un prêt in fine, que le délai de prescription de l’action en indemnisation du dommage résultant d’un manquement au devoir de mise en garde débute, non pas à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d’exigibilité des sommes au paiement desquelles l’emprunteur n’est pas en mesure de faire face (Cass. com. 22-1-2020 no 17-20.819 F-D : RJDA 4/20 no 233).

« Il résulte de l’article 2224 du Code civil que l’action en responsabilité de l’emprunteur non averti à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour où l’emprunteur appréhende l’existence et les conséquences du manquement du prêteur. »  Cass. 1re civ., 5 janvier. 2022, no 20-18893

Les solutions semblent favorables à l’emprunteur, car c’est à ce moment qu’il est en mesure d’appréhender l’existence et les conséquences éventuelles du manquement du prêteur à son devoir de mise en garde et non au moment de la conclusion du contrat.

 

En somme, il est important de connaître le point de départ du délai de prescription car beaucoup peuvent encore penser que celui-ci commence dès la conclusion du contrat et que l’action en responsabilité est éteinte dès lors que le contrat a plus de 5 ans. Il est aujourd’hui explicite par le récent arrêt de 2022 que le délai de prescription commence dès que l’emprunteur est directement affecté par la violation du devoir de mise en garde du banquier en ne pouvant plus faire face à ses échéances de paiement. 

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JOAN DRAY

Avocat 
MANDATAIRE EN TRANSACTIONS IMMOBILIERES

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