La distribution de dividendes peut être fautive

Publié le 09/01/2015 Vu 9 713 fois 0
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Un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 8 avril 2014 a condamné un dirigeant social en insuffisance d’actif dans le cas d’une distribution de dividendes, alors même que cette décision avait été prise par l’assemblé générale des associés. Mais, en se trouvant à l’initiative de cette distribution, la Cour a estimé que le dirigeant avait commis une faute de gestion.

Un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 8 avril 2014 a condamné un dirigeant social en insuffisance d’ac

La distribution de dividendes peut être fautive

Un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 8 avril 2014 a condamné un dirigeant social en insuffisance d’actif dans le cas d’une distribution de dividendes, alors même que cette décision avait été prise par l’assemblé générale des associés. Mais, en se trouvant à l’initiative de cette distribution, la Cour a estimé que le dirigeant avait commis une faute de gestion.

Cet arrêt donne l’occasion de préciser les contours, parfois incertains, de la notion de faute de gestion dans l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

Lorsqu’une société fait face à des difficultés financières entrainant une liquidation judiciaire, les dirigeants sociaux peuvent être mis en cause dans une action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

Cette action vise à sanctionner une faute de gestion d'un ou de plusieurs dirigeants ayant contribué à l'insuffisance d'actif caractérisée.

La condition préalable à cette action est l’existence d’une insuffisance d’actif, à savoir la différence entre l’actif et le passif.

 L'insuffisance d'actif se distingue de la cessation des paiements car elle compare tout le passif exigible à tout l'actif, disponible ou non.

Par ailleurs, de manière classique dans une action en responsabilité, cette action requiert la commission d’une faute de gestion par le dirigeant social. Enfin cette faute doit avoir contribué à l’insuffisance d’actif.

La jurisprudence est très abondante sur l’action en insuffisance d’actif, elle permet d’établir les contours de la notion de faute de gestion (I), tout en admettant des causes d’exonération (II). Il convient enfin de rappeler la règle d’absence de cumul avec l’action en responsabilité civile délictuelle (III).

I – La notion de faute gestion

L’article L.651-2 du code de commerce qui prévoit l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif exige la faute de gestion sans pour autant en donner de définition. Il est donc revenu à la jurisprudence le rôle de préciser la notion de faute de gestion.

La gravité de la faute :

L’article L.651-2 ne donne pas de qualification à la faute de gestion (grave, lourde…), il faut donc en déduire qu’aucun seuil de gravité de la faute n’est requis.

En effet, la faute sera punissable dès lors qu’elle aura contribuée à l’insuffisance d’actif. La jurisprudence applique ici la théorie de l’équivalence des conditions, qui permet l’engagement de la responsabilité pour tout évènement causal.

Cependant la gravité de la faute sera prise en compte en cas de pluralité de dirigeants : leur comportement individuel déterminera le montant de leur condamnation respective.

La nature de la faute :

Ce fait fautif ne consiste non pas dans n'importe quel manquement mais dans une faute commise à l'occasion de la gestion de l'entreprise. Cette faute peut résulter autant d'actes de commission que d'abstention.

La faute de gestion recouvre des hypothèses particulièrement diverses.

Les exemples de fautes de gestion les plus fréquents sont : la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, la gestion dénotant une incompétence manifeste, le défaut de comptabilité régulière, le défaut de paiement des dettes sociales ou fiscales, ou encore le fait de se désintéresser de la gestion de la société.

De même, le fait de s'octroyer des rémunérations ou des avantages excessifs constitue une faute de gestion.

L'arrêt du 8 avril 2014 de la cour d'appel de Paris vient préciser cette hypothèse en retenant la faute de gestion du dirigeant alors même que les dividendes avaient été distribués sur la base d'une assemblée générale des associés.

Toutefois, cette décision avait été prise à l'initiative du dirigeant, qui a donc commis une faute de gestion. (CA Paris, pôle 5, ch. 8, 8 avr. 2014, n° 13/06822).

Il apparait donc que la responsabilité du dirigeant peut se trouver engagée pour des actes dont il n'a pas la compétence exclusive, dès lors qu'il est à l'origine de la prise de décision.

Il ressort également de cette décision que des actes parfaitement légaux peuvent constituer une faute de gestion.

Dans l’arrêt du 8 avril 2014, il n’était pas contesté que la distribution de dividendes était conforme au droit des sociétés, mais cet acte dénotait une mauvaise gestion car il aggravait la situation financière d’une société déjà déficitaire.

La Cour d'Appel a également jugé que des gérants successifs, qui avaient poursuivi pendant plusieurs années, une activité  déficitaire et  n'avaient pas provoqué la réunion de l'assemblée pour décider de  la dissolution de la société, soit la poursuite d'activité par reconstitution des fonds propres , avaient commis des fautes de gestion.

En l'espèce,les gérants successifs s'étaient abstenus de consulter les associés alors que   les capitaux propres de la SARL étaient inférieurs à la moitié du capital social.

Les associés n'avaient suivi la procédure prévue par le droit des sociétés, ce qui constituaient une violation constitutive d'une faute de gestion.

Les gérants successifs avaient décidé de dissimuler, à leurs  associés et des tiers, cette situation, ce qui avait aggravé le passif de la société.

"L'article L. 223-42 du Code de commerce impose aux associés de décider dans les quatre mois suivant l'approbation des comptes de la dissolution ou non de la société. Aucun des trois gérants successifs n'ayant provoqué une réunion de l'assemblée sur cette question, faisant le choix de poursuivre une exploitation gravement déficitaire sans le porter à la connaissance des associés et des tiers, cette occultation a participé directement à l'aggravation du passif."

 

(CA Aix-en-Provence, 8e ch. C, 28 mars 2013, n° 11/17750 : JurisData n° 2013-007675)

III - Le non-cumul avec la responsabilité civile délictuelle

La Cour de Cassation a clairement établi le non-cumul de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif avec d'autres dispositions. Ainsi l'insuffisance d'actif ne peut pas se cumuler avec les actions en responsabilité délictuelle classique, prévues par les articles 1382 et 1383 du code civil.

En effet, il serait injuste que le dirigeant social soit contraint de payer deux fois pour le même préjudice.

Pour autant, cette règle de non-cumul n'empêche pas l'action en responsabilité à l'encontre du dirigeant d'une société placée en liquidation judiciaire pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture.

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Joan DRAY
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