Le droit à l’enseigne et les autorisations nécessaires
Le droit à l’enseigne est un des attributs du fonds de commerce, au même titre notamment que le droit au bail, la clientèle et l’achalandage.
A cet égard, il est admis que le fait pour le titulaire d'un bail commercial de pouvoir signaler sa présence à l'endroit où il exploite son commerce constitue un accessoire nécessaire du bail, qui n'a donc pas à être mentionné au contrat (CA Paris 16ème Ch. A 7 février 2007 : JurisData n° 2007-334518).
Dès lors, le bailleur ne peut en principe porter atteinte à ce droit à l’enseigne.
Toutefois, des clauses du bail ou du règlement de copropriété peut fixer les modalités relatives à la pose d’une enseigne au regard des caractéristiques de l’immeuble et de son esthétique et prévoir la nécessité d’obtenir du bailleur ou du syndic l’accord sur un nouveau projet d’enseigne.
Ainsi, il s’agira dans cet article de rappeler que le locataire a droit à l’enseigne (I) mais que dans certains cas, des autorisations s’avèrent nécessaires pour sa pose (II)
1/ Le droit à l’enseigne :
En application de l’article 1719 du Code civil, le bailleur est tenu vis-à-vis de son locataire à une obligation de délivrance et doit lui permettre l’exercice paisible de son activité.
En conséquence, le bailleur qui interdit à son locataire d’apposer son enseigne en façade de l’immeuble où s’exerce son activité commerciale manque à son obligation de délivrance.
C’est ce que rappelle la Cour d’appel de Versailles dans un arrêt du 20 septembre 2011 (CA Versailles, 12e ch., 2e sect., 29 sept. 2011 (appel TGI Nanterre, 28 juin 2010) : JurisData n° 2011-02287).
En l’espèce, un pharmacien reprochait à son bailleur d’avoir supprimer la croix apposée à la façade de la pharmacie, côté extérieur, à la suite d’importants travaux réalisés par le propriétaire dans le centre commercial.
Dès lors, ce dernier avait intenté une action contre son bailleur en se prévalant des dispositions des articles 1719 et 1723 du Code civil.
Saisie de cette affaire, la Cour d’appel de Versailles a alors rappelé que « l'enseigne qui est un signe par lequel le commerçant informe la clientèle de sa présence à l'emplacement des locaux loués dans lesquels il exerce son activité, indispensable à l'individualisation de son commerce, est un attribut du fonds de commerce. Le bailleur qui doit permettre au preneur l'exercice paisible de son activité lorsqu'il est commerçant ne doit en conséquence pas porter atteinte au signe distinctif reconnu par sa clientèle que constitue son enseigne, sans qu'il y ait besoin d'aucune stipulation particulière dans le bail ».
2/ Les autorisations nécessaires :
Les copropriétaires de locaux à usage professionnel ou commercial doivent pouvoir signaler leur présence dans l'immeuble pour leur clientèle et fournisseurs en installant une plaque ou une enseigne à l'entrée du bâtiment ou sur la façade.
Si ces aménagements constituent des améliorations au sens de la loi du 10 juillet 1965, la pose d’une enseigne commerciale doit, selon certains règlements de copropriété, être soumise à une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.
En outre, même si le règlement de copropriété prévoit la liberté de pose d’enseignes ou de plaques professionnelles, l’autorisation de l’assemblée générale reste indispensable dès lors que l'installation, par ses caractéristiques et ses dimensions, affecte les parties communes et même privatives de l'immeuble (CA Paris 11 avril 2002 : JurisData n°2202-173805).
Si le copropriétaire procède à la pose d’enseigne lumineuse sans cette autorisation, le syndicat est fondée à demander au juge des référés qu’il prescrive les mesures nécessaires pour faire cesser ce trouble manifestement illicite (CA Paris, 12 sept. 2007 : JurisData n° 2007-341289).
Avant de donner son autorisation, l’assemblée générale devra s’assurer que la pose de l’enseigne commerciale n'est pas, en raison de ses dimensions, de son emplacement ou de ses caractéristiques particulières comme, par exemple, son mode d'éclairage, de nature à nuire à l'esthétique de l'immeuble ou à la tranquillité des voisins.
A défaut, elle est en droit de refuser son autorisation (CA Paris, 23 févr. 1996 : JurisData n° 1996-020635).
Néanmoins, l’assemblée ne dispose pas en la matière d’un pouvoir discrétionnaire.
Ainsi, son refus doit être justifié faute de quoi le copropriétaire initiateur des travaux est en droit de saisir le tribunal qui substituera sa décision à celle de l'assemblée (CA Paris 6 septembre 2001 : JurisData n° 2001-155947).
Enfin, si le bail prévoit que le preneur doit obtenir l’autorisation écrite du bailleur avant de poser une enseigne sur une façade de l’immeuble, le silence gardé par le bailleur ne saurait constituer une autorisation tacite.
Cette solution a été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 3 février 2009 (Cass. 3e civ., 3 févr. 2009, n° 08-14.397, F-D, SCI GID c/ SARL SANT'IMMO (appel c/ arrêt de la 16e ch., de la cour d'appel de Paris, 18 janv. 2007) : JurisData n° 2009-046930).
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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