Le droit à la libre disposition d'un lot de copropriété : un droit non absolu
Le lot de copropriété est, comme tout bien immobilier, à la libre disposition du propriétaire. Ce dernier peut décider de le céder à titre onéreux ou gratuitement.
La cession porte sur la quote part des parties communes et les parties privatives.
Une clause du règlement de copropriété ne peut pas interdire la vente, cession d'un lot ou contraindre un copropriétaire à vendre son bien dans le cas où il aurait commis une infraction grave audit règlement (TGI Grenoble 6 avril 1964).
Le principe de libre disposition connait certaines limites :
I/ Interdiction des cessions dans le but de frauder la loi
Le statut de copropriété contient des règles qui sont d'ordre public.
C'est le cas, par exemple de l'article 22 alinéa 2 de la loi de 1965 relative à la limitation du nombre de voix que peut détenir un copropriétaire majoritaire pour les votes à l'assemblée générale. La cour de cassation a considéré que la vente poursuivie dans un tel but pourrait être déclarée nulle (Civile 3 6 juillet 1982).
La fraude à la loi a été retenue lorsque :
- La cession par un copropriétaire majoritaire ne repose sur aucun autre motif que celui de tourner la règle de la réduction des voix (Cour d'Appel de Paris, 2e chambre 16 juin 1998).
- La donation d'un local de faible superficie d'un copropriétaire à son fils qui ne présente aucun intérêt pour le donataire. Cela lui permet seulement d'obtenir la majorité à l'assemblée générale (Civile 3 3 juillet 2007).
En revanche, la fraude à la loi n'a pas été retenue :
- Pour une donation motivée par des considérations fiscales et concernant des appartements (Civile 3 28 juin 1995)
- Pour la vente d'un appartement par le copropriétaire à son fils qui ne présente pas un caractère anormal et comparable aux ventes déjà consenties à d'autres enfants (Cour d'Appel Orléans, 11 septembre 1997)
II/ Limitations légales au droit de libre disposition
Les collectivités ont un droit de préemption prévu par le Code de l'urbanisme. Cela leur permet d'acquérir en priorité un bien immobilier mis en vente par une personne privée (particulier) ou morale (entreprise), dans le but de réaliser des opérations d'aménagement urbain d'intérêt général.
Les locataires de locaux d'habitation ont un droit de priorité.
Si ces deux droits sont mis en œuvre le propriétaire du bien ne peut pas vendre son bien librement.
L'article L.111-6-1 du Code de la construction et de l'habitation interdit la division d'appartement ou d'immeubles lorsque :
- ils sont frappés d'une interdiction d'habiter, ou d'un arrêté de péril, ou sont déclarés insalubres, ou comportent pour le quart au moins de leur superficie totale des logements loués ou occupés classés dans la catégorie IV visée par la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 .
La division d'un immeuble bâti ou d'un groupe d'immeubles bâtis est néanmoins autorisée lorsqu'il s'agit d'y réaliser des travaux de restauration immobilière déclarés d'utilité publique en application de l'article L. 313-4 du Code de l'urbanisme
- des locaux à usage d'habitation d'une superficie et d'un volume habitables inférieurs respectivement à 14 m2 et à 33 m3 vont être créés ou qui ne sont pas pourvus d'une installation d'alimentation en eau potable, d'une installation d'évacuation des eaux usées ou d'un accès à la fourniture de courant électrique
- toute division par appartements d'immeuble de grande hauteur à usage d'habitation ou à usage professionnel ou commercial et d'habitation dont le contrôle exercé par la commission de sécurité a donné lieu à un avis défavorable de l'autorité compétente ou à des prescriptions qui n'ont pas été exécutées
III/ Limitations conventionnelles du droit à la libre disposition
Certains règlements de copropriété comportent des clauses qui tendent à restreindre le libre exercice du droit de disposition des copropriétaires sur leurs lots.
Le règlement de copropriété peut comporter une clause :
- soumettant la vente à diverses conditions telles que l'obligation d'obtenir l'agrément de l'assemblée générale
- accordant un droit de préférence aux autres copropriétaires,
- l'interdisant de diviser les lots ou de céder les locaux accessoires à des personnes étrangères à la copropriété.
Ces clauses ne peuvent figurer que dans les règlements de copropriété préalables, auxquels chacun a adhéré lorsqu'il est devenu copropriétaire.
L'article 8 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation. »
L'article 9 alinéa 1 de la même loi précise que « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble. »
La Cour de Cassation admet la licéité de ces clauses si, au regard des éléments matériels, notamment du standing de l'immeuble auquel les copropriétaires sont manifestement attachés, la condition de conformité prescrite par l'article 8 de la loi se trouve remplie (Civile 3 9 juin 2010).
La clause qui interdirait à un copropriétaire de vendre son lot est réputée nulle et non avenue.
Il en est de même pour la clause tendant à contraindre un copropriétaire à vendre son lot en cas de violation du règlement serait illicite (Tribunal de Grande Instance de Grenoble, 6 avril 1964).
Les clauses d'agrément (le propriétaire doit demander l'agrément à l'assemblée générale) ou les clauses de préemption (offrir d'abord l'acquisition aux autres copropriétaires) sont réputées nulles.
La Cour de cassation considère également qu'une clause de préférence est nulle car cela oblige le copropriétaire à vendre son lot à un acquéreur qu'il n'a pas choisi (Civile 3 29 mai 1979).
Cependant, certaines clauses concernant des locaux accessoires (caves, garages...) interdisent la vente des lots de l'immeuble à des personnes qui ne seraient pas déjà copropriétaires dans cet immeuble.
La cour de cassation admet la licéité de ces clauses lorsque les caractéristiques de l'immeuble, sa destination, le justifient manifestement.
Par exemple, les juges ont estimé qu'est « également licite la clause stipulant que les locaux accessoires (caves, débarras...) ne pourront être vendus qu'à des copropriétaires dans l'immeuble du fait du nombre déficitaire des caves et débarras par rapport au nombre de logements et pour éviter une occupation dans des conditions de nature à compromettre l'utilisation normale de l'immeuble » (Cour d'Appel Paris 19 janvier 1999).
Les juges ont également admis que le règlement de copropriété limite la vente d'un lot aux seuls propriétaires d'appartement ; ce qui exclu les propriétaires de chambre, garage...
La vente d'une cave à un copropriétaire d'une chambre et d'un garage dans la copropriété est nulle si le règlement de copropriété réservait la vente de caves aux propriétaires d'appartements (Cour d'Appel de Paris, pôle 4, ch. 2, 21 mars 2012, n° 08/19768, Marthe Andrée M. c/ Jacqueline M).
L'interdiction d'aliénation au profit d'un tiers à la copropriété ne peut résulter que du règlement et ne peut s'appliquer qu'aux locaux accessoires, à l'exclusion des locaux principaux.
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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