Le droit de repentir du bailleur :
Le droit de repentir est ouvert au propriétaire condamné à payer une indemnité d’éviction pour refus de renouvellement. Il peut alors se soustraire au paiement de cette indemnité en usant de son droit de repentir.
Une telle décision est irrévocable, la notification de l’exercice de ce droit constitue à sa date un renouvellement du bail et non une simple offre.
Cette notification devra contenir l’offre de nouvellement du bail et l’engagement de payer tous les frais de l’instance à moins que le propriétaire n’ai utilisé don droit durant l’instance.
Le locataire peut refuser le renouvellement mais il perd alors tout droit à l’indemnité d’éviction.
Cet article a pour objet de préciser le délai, la forme et les conséquences de ce droit de repentir.
- Le délai d’exercice du droit de repentir :
Lorsque l'indemnité d’éviction a été fixée judiciairement, l'article L.145-58 du Code de commerce fixe un délai d'exercice limite de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée pour que le propriétaire exerce son droit de repentir.
Il en résulte que lorsque l'indemnité a été fixée par un arrêt de Cour d'appel, le pourvoi en cassation n'étant pas suspensif de l'exécution, le délai court à compter du prononcé de l'arrêt et non à compter de l'acte de signification de celui-ci, à condition toutefois que le bailleur ait eu connaissance de la date du prononcé de l'arrêt.
Ce délai de 15 jours n'est qu'une limite extrême. En fait rien n'interdit au bailleur de notifier son repentir de façon anticipée, même avant le début de l'instance.
Toutefois, l’exercice du droit de repentir, même intervenu dans le délai, n'est valable que si le preneur est encore dans les lieux loués et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.
La jurisprudence a estimé qu'il s'agissait de conditions alternatives c'est-à-dire que pour priver le propriétaire de son droit à l'exercice du repentir, il suffit, soit que le locataire ne soit plus dans les lieux, soit qu'il ait déjà loué ou acheté d'autres locaux destinés à sa réinstallation. La construction d'un immeuble en vue d'y transférer l'activité a aussi été admise
Il a été jugé que le locataire qui avait reçu congé comportant refus de renouvellement pouvait restituer les lieux loués sans pour autant renoncer à son indemnité d'éviction, pour autant que ce départ soit lié à l'existence de congé et non motivé par d'autres circonstances tel qu'un projet d'agrandissement car il faut que l'immeuble dans lequel le locataire déménage soit destiné à sa réinstallation, aux lieu et place du local précédent, et ne constitue pas une diversification d'activité par exemple (C.A. Paris, 16e A, 28 oct. 1998, S.A.R.L. ITEM c/ Stés Participation Foncière n° 1 et n°2).
- Sur la forme :
L’article L.145-58 ne prévoit aucune forme particulière pour l'exercice du repentir. Une simple lettre recommandée avec avis de réception pourrait suffire.
Le repentir doit néanmoins répondre à certaines exigences : il convient que l'acte soit dépourvu d'équivoque et que la date de sa réception par le locataire soit certaine, précisément pour apprécier sa validité au regard de la condition posée par la dernière phrase de l'article L.145-58.
A cet égard, la Cour de cassation a récemment jugé que « Le locataire bénéficiant à la suite du congé avec offre d'indemnité d'éviction d'un droit au maintien dans les lieux aux clauses et conditions du bail expiré, la délivrance d'un commandement de payer visant la clause résolutoire et d'une demande de résiliation de bail ne peut être assimilée à une manifestation claire de la bailleresse de renoncer au congé et d'exercer un droit de repentir » (Cass. Civ 3ème 31 janvier 2012, n° 10-31.081, Sté Le Villon et SCP Brouard-Daude liq. jud. c/ Sté Mayerling, Sté CGSI-CILS et Recette Principale (pourvoi c/ CA Paris, pôle 5, 3e ch., 15 sept. 2010) : JurisData : n° 2012-00791).
De même, le congé avec offre de nouvellement, notifié sous réserve d’un pourvoi en cassation formé contre un arrêt d’appel, dépourvu du caractère irrévocable, ne peut valablement caractériser l’exercice par le bailleur du droit de repentir (Cass Civ 3ème 9 mars 2011 n°10-10409).
- Conséquences de l’exercice du droit de repentir :
Tout d’abord, il résulte des dispositions de l'article L. 145-59 du Code de commerce que le repentir est irrévocable et emporte renouvellement du bail pour 9 ans à compter de sa date de notification.
Même s'il ne l'a pas précisé expressément dans son acte de repentir, le bailleur devra supporter la charge « des frais de l'instance », frais qui ne sont pas autrement définis par l'article L. 145-58.
En pratique, on y inclut généralement les dépens et les frais d'expertise.
Le repentir ne peut pas être conditionnel ou assorti de réserves. Il a ainsi été jugé que serait nul l'acte de repentir par lequel les propriétaires ne consentiraient au renouvellement du bail qu'aux conditions qui devaient être fixées par un expert judiciaire (Cass Civ 3ème 9 mars 1965 : Bull. civ. 1965, III, n° 17).
A défaut d'accord des parties sur le prix du bail renouvelé, celui-ci doit être fixé judiciairement.
Le loyer sera plafonné ou déplafonné par application des règles habituelles en matière de renouvellement.
En effet, l'exercice du droit de repentir et le fait que le renouvellement du bail soit décalé ne constituent pas, par eux-mêmes, un motif de déplafonnement.
A cet égard, la Cour de cassation a rappelé à de nombreuses reprises que le bail a pris fin par l'effet du congé, et que l'exercice du droit de repentir est sans influence sur la durée du bail expiré (Cass Civ 3ème 28 septembre 1982 : Bull. civ. 1982, III, n° 185- Cass Civ 3ème 13 juin 1984 : Gaz. Pal. 1984, 2, pan. jurispr. p. 275).
Enfin, si la décision du propriétaire d'exercer le droit de repentir entraîne irrévocablement pour lui l'obligation de renouveler le bail, le preneur peut y renoncer en exerçant son droit d'option prévu par l'article L. 145-57 du Code de commerce.
Dans ce cas toutefois, le preneur perd le droit à obtenir le paiement d'une indemnité d'éviction.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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