L’effet dévolutif de l’appel des jugements du tribunal correctionnel
Lorsque que vous n’êtes pas satisfait du jugement rendu par le tribunal correctionnel, vous avez la possibilité de faire appel.
La Cour d'appel est saisie de toutes les questions de droit ou de fait du procès.
Cependant, l'étendue de l'appel dépend de la qualité de l'appelant (I) et de l'acte d'appel (II).
Il convient, ensuite, d’étudier les conséquences de l’effet dévolutif (III).
I/ Limite de l'appel lié à la qualité de l'appelant
En règle générale, l'appel n'a pas d'effet à l'égard des personnes qui ne sont ni appelantes, ni intimées, peu important le fait qu'elles aient des intérêts similaires dans la procédure.
L’article 497 du Code de procédure civile précise les différentes personnes qui ont la faculté de faire appel.
- Le Ministère public
Concernant l'action publique, l'article 515 alinéa 1 du CPP précise que lorsque le Ministère public fait appel, la cour d'appel peut soit confirmer, soit infirmer le jugement en tout ou partie dans un sens plus favorable ou non au prévenu.
Concernant l'action civile, l'appel est sans incidence sur les intérêts civils.
Dans l'hypothèse où c'est le Ministère public qui fait appel, la Cour d'appel doit vérifier d'office sa compétence et doit se déclarer incompétente si les faits dont elle est saisie constituent un crime et non un délit.
L'exception d'incompétence peut être soulevée devant la Cour de cassation.
- Les administrations publiques
L'appel de l'administration des impôts ne peut pas remettre en cause ce qui a été jugé sur l'action publique, faute de recours du Ministère public.
L'action publique tendant au prononcé des peines d'emprisonnement prévues par les articles 413 bis à 415 du Code des douanes et des peines privatives de droits prévues par les articles 432 et 432 bis du même code ne peut être exercée que par le Ministère public.
L'action fiscale ne peut être exercée par le Ministère public, accessoirement à l'action publique, que lorsque ce dernier agit pour l'application des peines d'emprisonnement prévues par le Code des douanes.
- Prévenu
Seul le prévenu peut faire appel de l'ensemble des dispositions, pénales et civiles, du jugement à moins qu'il souhaite limiter son recours.
L'appel interjeté par un prévenu ne peut profiter à la personne civilement responsable non appelante, à l'égard de laquelle la décision du tribunal fixant le montant des dommages-intérêts est passée en force de chose jugée (Cass. crim., 12 mars 1958 : Bull. crim. 1958, n° 243).
Le civilement responsable ne bénéficie pas de la réduction de réparations éventuellement accordée à la partie civile.
À l'inverse, à défaut d'appel de la partie civile, la décision du tribunal mettant hors de cause le civilement responsable est passée en force de chose jugée quant à la réparation des conséquences dommageables de l'infraction (Cass. crim., 12 mars 1958, préc. - Cass. crim., 19 janv. 1977 : Bull. crim. 1977, n° 23, et les arrêts cités).
- Partie civile
Le droit d'appel donné à la partie civile par l'article 497 du Code de procédure pénale est un droit "spécifique, général et absolu" qui n'est pas soumis aux règles limitatives de la procédure civile (Cass. crim., 2 mars 1981 : Juris-Data n° 1981-000789 ; Bull. crim. 1981, n° 77).
Deux conséquences à cela :
– l'appel d'une partie civile ne peut profiter à une autre partie civile ou partie intervenante non appelante
– la partie civile qui n'a pas fait appel du jugement ayant déclaré sa constitution de partie civile irrecevable, ne saurait intervenir devant la juridiction du second degré et y faire plaider par avocat
S'agissant des jugements sur le fond, la partie civile peut faire appel de toutes les décisions mettant en jeu ses intérêts civils.
Lorsque les juges de première instance ont présumé que la partie civile se désistait du fait de sa non présence à l'audience, la partie civile peut faire appel ou opposition de cette décision (Cass. crim., 3 juin 2004 : Juris-Data n° 2004-024333).
Il est de principe que l'appel de la partie civile ne remet pas en cause la chose jugée sur l'action publique.
Cependant si les juges se sont bornés à statuer sur leur compétence, les juges d'appels pourront être saisis à la fois des intérêts civils et de l'action publique.
La cour d'appel ne peut, sur le seul appel de la partie civile, modifier le jugement dans un sens défavorable à celle-ci, mais elle peut le faire si le prévenu a également fait appel (Cass. crim., 7 févr. 1961 : Bull. crim. 1961, n° 75.
- Civilement responsable
Selon la Cour de cassation, la partie civilement responsable peut discuter l’étendue du dommage causé par son prépose, le principe de sa responsabilité ou la faute de la victime. due
L'appel du civilement responsable est limité aux intérêts civils.
Le juge d'appel peut modifier les condamnations civiles si la partie qui fait appel a été déclarée responsable. Il peut même la décharger de cette responsabilité
- Tiers intéressés
La Cour de cassation permet au tiers payeurs ; c'est-à-dire à la personne ou l'organisme qui, en tout ou en partie, a été appelé à indemniser la victime d'un dommage corporel de faire appel si son intervention a été admise par les premiers juges (Cass. crim., 23 juin 1993 : Juris-Data n° 1993-704866 ; Bull. crim. 1993, n° 220).
Les caisses de sécurité sociale, régulièrement intervenues à l'instance, ont la faculté d'interjeter appel de façon autonome, indépendamment de la position adoptée par la partie civile (Cass. crim., 15 juin 1976 : Bull. crim. 1976, n° 213, et les arrêts cités).
Même non appelantes, elles peuvent prétendre, par application des dispositions de l'article 515 alinéa 4 du Code de procédure pénale, au remboursement des dépenses engagées depuis le jugement, toujours à raison du dommage causé par l'infraction.
En matière d'actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'État est imputable à un tiers, le Trésor public peut faire appel.
D'après l'article L. 421-5 du Code des assurances, les fonds de garantie et d'indemnisation peuvent intervenir devant les juridictions répressives, et même pour la première fois en cause d'appel, en vue, notamment, de contester le principe ou le montant de l'indemnité réclamée, dans toutes les instances engagées entre les victimes d'accidents ou leurs ayants droit, d'une part, et les responsables ou leurs assureurs, d'autre part.
II/ Limitation de l'appel lié à l'acte d'appel
Les juges d’appel ne peuvent statuer en dehors des limites de l'acte d’appel (Cass. crim., 13 mai 1971 : Bull. crim. 1971, n° 156).
Selon une formule traditionnelle, « le juge du second degré n'est saisi que par l'acte d'appel et sa juridiction est circonscrite par les termes de cet acte ».
En cas de contestation sur la portée de l'acte d'appel, il appartient à la Cour d'appel sous le contrôle de la Cour de cassation de déterminer l'étendue de sa saisine.
Seul l'acte d'appel permet de délimiter l'étendue de la saisine de la Cour d'appel. La requête en admission immédiate ou l'assignation ne le permettent pas.
Lorsque l'appel est dirigé contre une disposition du jugement, cela n'a aucun effet sur les autres dispositions.
Selon une jurisprudence constante, l'acte d'appel du prévenu est dirigé à la fois contre les condamnations pénales et civiles.
La limitation vise à la fois l'étendue de la saisine et l'étendue de la réformation :
– Étendue de la saisine
C'est la somme, compte tenu des limitations éventuelles pouvant être apportées, des différents appels formulés.
Les dispositions du jugement non contestées passent en force de chose jugée.
Si seule l'action civile est remise en cause devant la cour d'appel, les dispositions relatives à l'action publique deviennent définitives.
En cas de condamnation pénale, l'appel ne peut porter que sur l'étendu de la responsabilité et non sur son principe.
En cas de relaxe sur l'action publique, le juge d'appel doit statuer sur l'action civile au regard des faits dont il est saisi.
– Étendue du pouvoir de réformation
Selon l'article 515 alinéa 2 du Code de procédure pénale, « La cour ne peut, sur le seul appel du prévenu, du civilement responsable, de la partie civile ou de l'assureur, aggraver le sort de l'appelant ». C'est l'interdiction de la réformation in pejus.
Lorsque c'est le ministère public qui fait appel, la Cour d'appel peut diminuer les peines ou relaxer le prévenu.
La cour ne peut, sur le seul appel du prévenu, aggraver le sort de l'appelant.
En matière de sursis, il est considéré que ce n'est qu'une modalité d'exécution de la peine qui n'affecte pas la gravité de la peine.
Sur le plan civil, l'interdiction d'aggraver le sort du prévenu du fait de son seul appel se traduit par :
- la prohibition faite à la cour d'appel, d'augmenter les sommes accordées par le tribunal à une partie civile en l'absence de recours de celle-ci (Cass. crim., 8 juin 1988 : Bull. crim. 1988, n° 263)
- la prohibition faite à la cour d'appel de condamner le prévenu à la réparation intégrale envers la partie civile alors que le juge de première instance l'avait condamné pour moitié des conséquences dommageables d'un délit de blessures involontaires (Cass. crim., 22 févr. 1990 : Juris-Data n° 1990-700775 ; Bull. crim. 1990, n° 87).
III/ Les conséquences de l'effet dévolutif
La règle du double degré de juridiction implique qu'il ne peut être dévolu plus à la cour qu'il n'a été jugé en première instance.
L'identité de parties, l'identité de cause et d'objet constituent les grands principes en la matière, tant à l'égard de l'action publique que de l'action civile.
- Principe de l'identité des éléments de l'action publique et de l'action civile
a) Action publique
Les exceptions de nullité et les exceptions préjudicielles doivent être soulevées in limine litis (articles 385 et 386 du Code de procédure pénale) ; une partie qui ne les a pas soulevé devant les premiers juges ne peut pas le faire en appel pour la première fois (Cass. crim., 26 mai 1976 : Bull. crim. 1976, n° 182).
L'objet de l'action publique est nécessairement identique pour les deux degrés de juridiction, puisqu'aux termes de l'article 1er du Code de procédure pénale, cette action tend à l'application des peines.
La cour d'appel ne peut statuer sur des faits étrangers à ceux soumis aux premiers juges
Mais, le prévenu peut accepter d'être jugé sur des faits nouveaux (Cass. crim., 12 mai 1970 : Bull. crim. 1970, n° 161.
Le juge d'appel doit rechercher si les faits qui lui sont soumis sont susceptibles d'une autre qualification. Si les juges d'appels sont amenés à les requalifier, ils doivent statuer au fond et prononcer les peines correctionnelles applicables.
Cependant le prévenu doit avoir été mis en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée.
b) Action civile
D'après l'article 515 alinéa 3 du Code de procédure pénale, la partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle, mais elle a la possibilité de demander une augmentation des dommages-intérêts pour le préjudice souffert depuis le jugement de première instance.
Cette règle a une valeur constitutionnelle fondée sur le principe d'égalité devant la justice.
Cependant une telle prohibition n’est pas d’ordre public et l’irrecevabilité des demandes nouvelles ne peut être soulevée d’office par les juges d’appel (Cass. Crim., 18 oct. 1988 : Juris-Data n° 1988-003379), ni proposée pour la première fois devant la Cour de cassation
La jurisprudence considère qu’une demande est nouvelle quand :
– elle se fonde sur une cause différente (Cass. Crim., 20 févr. 1963 : Bull. crim. 1963, n° 83),
– elle tend à un objet différent (Cass. Crim., 24 févr. 1960 : Bull. crim. 1960, n° 110),
– elle est formée au nom d’une personne qui n’était pas partie en première instance (Cass. Crim., 5 mars 1964 : Bull. crim. 1964, n° 82),
– elle est formée au nom d’une personne qui y figurait sous une qualité différente.
Malgré l’interdiction des demandes nouvelles en matière d’appel, la partie civile, appelante ou non, qui subi un préjudice nouveau depuis le jugement qui se rattache aux faits, peut demander une augmentation du montant des dommages et intérêts.
- Différents types de décisions de la Cour d'appel
La Cour d'appel peut :
– Déclarer irrecevable l'appel si elle estime qu’il est tardif ou irrégulièrement formé
Si elle est saisie de multiples appels, elle ne peut se dispenser de répondre aux conclusions des parties qui, même si elles sont irrecevables en leurs recours, n'en demeurent pas moins intimées sur l'appel des autres parties à la procédure (Cass. crim., 17 janv. 1996 : Juris-Data n° 1996-001040 ; Bull. crim. 1996, n° 27).
– Déclarer infondé un appel recevable et donc confirmer le jugement attaqué (article 514 du Code de procédure pénale)
– Réformer le jugement si elle considère qu'il n'y a ni crime, ni délit, ni contravention, ou que le fait n'est pas établi, ou qu'il n'est pas imputable au prévenu. Le prévenu sera renvoyé des fins de la poursuite
Le prévenu acquitté demande des dommages-intérêts directement devant la cour d'appel (article 516 CPP).
Si le jugement est réformé parce que la cour estime que le prévenu bénéficie d'une cause légale d'exemption de peine, elle se conforme à l'article 468 du Code de procédure pénale.
Si le jugement est annulé parce que la cour estime que le fait poursuivi ne constitue qu'une contravention, la cour prononce la peine, et statue, s'il y a lieu, sur l'action civile (article 518 CPP).
Par contre, si la Cour d’appel saisi par une requête du Ministère public, considère que les faits peuvent entrainer une peine criminelle, elle doit se déclarer incompétente et renvoyer le Ministère public à mieux se pourvoir.
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.
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Joan DRAY
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