L’EMPLOYEUR et le HARCELEMENT MORAL

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Par un arrêt du 22 octobre 2014, la Cour de cassation juge que l’obligation pour l’employeur de prendre toutes les mesures pour prévenir ou faire cesser les agissements de harcèlement moral n’implique pas par elle-même la rupture immédiate du contrat de travail d’un salarié à l’origine du harcèlement.

Par un arrêt du 22 octobre 2014, la Cour de cassation juge que l’obligation pour l’employeur de prendre

L’EMPLOYEUR  et le HARCELEMENT MORAL

Par un arrêt du 22 octobre 2014, la Cour de cassation juge que  l’obligation pour l’employeur de prendre toutes les mesures pour  prévenir ou faire cesser les agissements de harcèlement moral n’implique pas par elle-même la rupture immédiate du contrat de travail d’un salarié à l’origine du harcèlement.

I – La définition du harcèlement moral

La loi du 17 janvier 2002 (JO 15) a introduit dans le Code du travail et dans le Code pénal plusieurs articles visant à protéger les salariés contre des agissements de harcèlement moral au travail (C. trav. art. L 1152-1 à L 1152-6 et L 1154-1 à L 1155-2 ; C. pén. art. 222-33-2).

L'article L 1152-1 du Code du travail dispose que : « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

  1. L’auteur du harcèlement

Les textes ne comportent pas de précisions relatives à l'identité de l'auteur des faits.

La jurisprudence en a déduit que l'employeur doit protéger ses salariés contre les agissements de harcèlement moral, que ces faits soient commis par une personne appartenant à l'entreprise ou par un tiers exerçant une autorité de fait ou de droit sur ses salariés.

Le harcèlement moral est susceptible d'être commis par toute personne dans l'entreprise : l'employeur, un supérieur hiérarchique, un collègue et même par un subordonné (Cass. crim. 6 décembre 2011 n° 10-82.266).

En outre, des personnes extérieures à l'entreprise mais pouvant exercer une influence sur le salarié, tels un client important, le conjoint ou un parent de l'employeur, peuvent se rendre coupables de harcèlement moral.

L'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral et il doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés (Cass. soc. 1er mars 2011 n° 09-69.616).

Ce harcèlement peut ainsi être commis par l’épouse de l’employeur, comptable de l'entreprise (CA Bourges 15 janvier 2010 n° 09-662).

En tout état de cause, le harcèlement visé par l'article L 1152-1 du Code du travail est celui qui intervient dans le cadre professionnel ou à l'occasion du travail, même si le contrat de travail de la victime est suspendu.

  1. L’acte de harcèlement

Le harcèlement moral suppose un comportement répétitif, c'est-à-dire la mise en œuvre d'agissements répétés envers une personne.

Ainsi, l'attitude répétitive d'un employeur à l'égard d'un salarié constitutive de violences morales et psychologiques permet à ce dernier de rompre son contrat de travail et d'en imputer la rupture à l'employeur (Cass. soc. 26 janvier 2005 n° 02-47.296).

Les faits constitutifs de harcèlement peuvent consister en des agissements répétés sur une brève période.

Un arrêt avait ainsi constaté qu’à deux reprises en l'espace de deux mois, une salariée avait, en présence de clients ou de collègues, été violemment agressée verbalement par son employeur ou l'épouse de celui-ci (la traitant notamment de bonne à rien et d'incapable), ces faits répétés caractérisaient, même s'ils s'étaient produits sur une période relativement brève, l'existence d'un harcèlement (Cass. soc. 27 janvier 2010 n° 08-43.985).

Toutefois, la chambre sociale a jugé que « le grand espacement dans le temps des agissements invoqués par le salarié se plaignant de harcèlement moral [n’exclue pas] leur caractère répétitif » (Cass. soc. 25 septembre 2012 n° 11-17.987).


 

En revanche, un acte isolé, portant atteinte aux droits ou à la dignité du salarié, s'il est fautif, n'est pas constitutif de harcèlement moral au sens de l'article L 1152-1 du Code du travail, en l’absence de répétition, ce qu’a récemment réaffirmé la Cour de cassation (Cass. soc. 24 sept. 2014 n° 13-16.666).

Ainsi, ne peut s'analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral une décision de l'employeur de rétrograder un salarié, peu important que, répondant aux protestations de celui-ci, il ait maintenu par divers actes sa décision (Cass. soc. 9 décembre 2009 n° 07-45.521).

La caractérisation harcèlement moral s’établit davantage par ses effets que par l’acte lui-même.

  1. L’objet ou les effets de l’acte de harcèlement

En vertu de l'article L 1152-1 du Code du travail, pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements doivent « avoir pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail ».

Par ailleurs, le juge social rappelle de manière constante que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail (Cass. soc. 9 juillet 2014 n° 13-14.813).

L'article L 1152-1 prévoit que la dégradation des conditions de travail doit « être susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le dommage n'a donc pas forcément à être produit, dès lors qu’en l’espèce les agressions, brimades, humiliations et détournements de commissions établis par le salarié étaient susceptibles d'altérer la santé du salarié (Cass. soc. 20 octobre 2011 n° 10-19.291).

En revanche, les juges doivent prendre en compte la dégradation de l'état de santé du salarié, attestée par un certificat médical, comme un des éléments permettant de présumer l'existence du harcèlement moral.
(Cass. soc. 11 juin 2014 n° 13-10.149).

Bien qu’évidemment, le harcèlement moral ne peut pas se déduire de la seule altération de la santé du salarié.

Un arrêt récent a considéré que caractérise un harcèlement moral le changement de dirigeant  s’étant traduit par une pression constante et une baisse des moyens et prérogatives et, pour le salarié, par l'impossibilité de mener une vie familiale normale et une dégradation de son état de santé (Cass. soc. 29 janvier 2013 n° 11-23.944).

  1. L’origine de la dégradation des conditions de travail

Le harcèlement ne doit pas être confondu avec l'exercice normal du pouvoir disciplinaire de l'employeur, ni avec son pouvoir de direction et d'organisation.

Toutefois, des méthodes de gestion peuvent constituer un harcèlement moral, notamment lorsqu’elles se manifestent, pour un salarié déterminé, par des agissements répétés.

Par exemple, le cas de vendeurs qui étaient soumis à un management par objectifs intensifs et à des conditions de travail extrêmement difficiles se traduisant, notamment, par des propos insultants et par un dénigrement au moins à deux reprises en présence de collègues, et ayant entraîné un état de stress majeur nécessitant un traitement et un suivi médical (Cass. soc. 3 février 2010 n° 08-44.107).

De même, la situation de harcèlement peut naître de l’existence d’un climat conflictuel, et ce, alors même que le salarié aura en partie contribué à la création de ce climat en contestant systématiquement les décisions de l'employeur (Cass. soc. 5 novembre 2009 n° 08-42.746).

En revanche, le harcèlement moral ne saurait être caractérisé seulement par des faits relevant de l’exercice normal du pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur (Cass. soc. 28 mars 2012 n° 10-28.232).

II – L’étendue de la protection contre le harcèlement moral

  1. Les mesures de prévention

L’article 1152-4 du Code du travail prévoit que : « L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral » ; cette obligation étant de résultat.

Ainsi, les salariés doivent être informées par tout moyen du texte de l'article 222-33-2 du Code pénal, réprimant le harcèlement moral.

Par ailleurs, le dirigeant a l’obligation de prendre en compte les plaintes des salariés.

Ainsi, la Cour de cassation a récemment jugé que manque à son obligation de sécurité, l’employeur qui, en dépit des signalements de la médecine du travail, du CHSCT et des syndicats, n'a entrepris aucune enquête sérieuse et laissé la situation se dégrader (Cass. soc. 9 juillet 2014 n° 13-16.797).

  1. La médiation

L'article L 1152-6 du Code du travail prévoit une procédure facultative de médiation destinée à permettre la poursuite du contrat de travail de la victime dans des conditions respectueuses de sa dignité.

La procédure peut être mise en œuvre par toute personne s'estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause.

Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre les parties.

Celui-ci s'informe de l'état des relations entre les parties et tente de les concilier et leur soumet des propositions en vue de mettre fin au harcèlement.

  1. Sanction disciplinaire de l'auteur du harcèlement

Le Code du travail prévoit que tout salarié ayant procédé aux agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire (C. trav. art. L 1152-5).

Or, l’employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de prévention du harcèlement, et il est responsable dès qu'un salarié est victime de tels agissements.

La Cour de cassation a considéré que le harcèlement moral pouvait constituer une faute grave justifiant le licenciement du salarié.

Ainsi le salarié qui avait eu à diverses reprises des attitudes, gestes et paroles déplacés à l'égard d'une salariée ayant entraîné pour celle-ci un état dépressif majeur, comportement de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, avait commis une faute grave (Cass. soc. 24 octobre 2012 n° 11-20.085).

Par un arrêt du 22 octobre 2014, la Cour de cassation a précisé que la sanction d’un comportement susceptible de caractérisé un harcèlement moral ne devait pas systématiquement être puni du licenciement du salarié.

La chambre sociale juge que : « l’obligation faite à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement moral n’implique pas par elle-même la rupture immédiate du contrat de travail d’un salarié à l’origine d’une situation susceptible de caractériser ou dégénérer en harcèlement moral ». (Cass. soc., 22 oct. 2014, pourvoi no 13-18.862, FS-P+B).

Par conséquent, en cas de harcèlement moral, la faute grave n’est pas automatique.

La Cour de cassation a également rappelé qu’en cas de procédure fondée sur des actes de harcèlement, l’employeur n’est pas dispensé du respect des règles encadrant le licenciement.

Un arrêt récent a jugé qu’est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement d'un salarié notifié pour harcèlement moral managérial à l'égard de ses subordonnés, « dès lors que la procédure de licenciement a été engagée sans qu'une enquête contradictoire ait été menée » (…) « sans que l'employeur ne démontre aucun fait précis et objectif personnellement imputable au salarié, pouvant caractériser une faute grave et justifier un licenciement ». (CA Versailles 6 juin 2013 n° 12-03716, 19e ch., Sté Jacquelot Pe c/ Araye).

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Joan DRAY
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