Le crédit, moteur de la croissance, est une nécessité pour le fonctionnement de l'économie nationale. Cependant, les créanciers prêteurs (majoritairement les établissements bancaires), exigent une caution afin de s'assurer une garantie de paiement en cas de défaillance du débiteur dans le remboursement du prêt. Mais le cautionnement étant un acte grave, pouvant entraîner la saisie des biens des cautions, le législateur a tenu à protéger la communauté patrimoniale des époux en limitant le droit de poursuite des créanciers en cas de cautionnement consenti par un seul époux. Ainsi, l'article 1415 du Code civil évoque la conciliation entre la nécessité du crédit et une sécurité juridique des ménages.
L'article 1415 du Code civil dispose que "chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres". Cet article permet de déterminer quelle masse de biens sera engagée par un cautionnement consenti par un seul époux, marié sous le régime de communauté légale.
Tout l'enjeu est de savoir si les créanciers, bénéficiaires du cautionnement qui leur assure une garantie de paiement, pourront saisir ou non les biens communs des époux.
L'article 1415 du Code civil pose tout d'abord un principe de limitation de l'assiette du droit de poursuite des créanciers au biens personnels de l'époux seul caution (I). Il évoque cependant un tempérament dans le cas où l'autre époux donnerait son consentement au cautionnement (II).
I/ Le droit de poursuite du créancier limité aux biens propres de l'époux seul caution
Le cautionnement est un contrat unilatéral par lequel une personne (caution) s'engage envers un créancier à exécuter l'obligation au cas où le débiteur principal ne le ferait pas (article 2288 du Code civil). Ainsi, un époux peut s'engager à payer la dette d'une tierce personne dans le cas où celle-ci ne satisferait pas à son obligation.
◊ A quel type de cautions s'applique cette disposition légale ?
Seul l'époux marié sous le régime de communauté légale entre dans le champs d'application de l'article 1415 du Code civil. Sont ainsi exclus les concubins, les partenaires (PACS), et époux mariés sous les autres régimes matrimoniaux (par exemple sous le régime de séparation de biens).
◊ Quels types de cautionnement sont visés ?
Cet article concerne tous les cautionnements, quelles que soient leurs natures. Qu'il soit simple ou solidaire, limité ou illimité. Cependant, la jurisprudence estime que l'article 1415 ne s'applique pas aux sûretés réelles mais seulement aux sûretés personnelles (englobe donc l'aval, les garanties autonomes et la lettre d'intention).
◊ Quels biens sont engagés ?
L'époux qui a seul conclu un cautionnement s'engage à en répondre sur ses "biens propres et ses revenus", c'est-à-dire sur sa propriété personnelle, à l'exclusion des biens détenus en communauté. Les biens propres d'un époux sont les biens acquis avant le mariage ou pendant le mariage par succession et donation. Les revenus englobent les gains et salaires (rémunérations du travail) et les fruits et revenus des biens propres.
Ainsi, le créancier se trouve dans l'impossibilité d'agir non seulement sur les biens de la communauté, mais également sur les biens propres de l'époux non-caution. C'est ici une faveur consentie par le législateur pour les ménages; qui voient leurs biens communs protégés d'une quelconque saisie résultant de l'inexécution d'un cautionnement consenti par un seul époux.
Cependant, le créancier, soucieux de s'assurer une garantie efficace, a pu chercher à recueillir le consentement de l'époux non-caution, afin d'élargir son droit de poursuite et augmenter ses chances d'être payé. C'est ainsi que la loi prévoit expressément la possibilité pour le conjoint non-caution de consentir au cautionnement.
II/ L'extension du droit de poursuite aux biens communs
L'époux qui n'a pas signé le contrat de cautionnement peut néanmoins y consentir. Quelle est alors la nature de cet engagement ?
Tout d'abord, l'extension est conditionnée par un consentement exprès de l'époux qui n'a pas signé le cautionnement. Un consentement exprès est un accord manifeste, clair, certain et sans équivoque (et non pas tacite). Il n'est cependant pas nécessaire qu'il soit donné par écrit.
Ensuite, en toute hypothèse, ce consentement n'est qu'une simple autorisation du conjoint à l'extension de l'assiette du droit de poursuite. Ce n'est pas un engagement personnel, ce qui a des répercussions sur le droit de poursuite du créancier.
◊ Quelles sont les conséquences de cette autorisation ? Quels biens sont alors engagés ?
Grâce au consentement recueilli par le créancier auprès de l'époux non-caution, il se voit offrir la possibilité sur les biens communs des époux (tout en conservant la possibilité d'agir sur les biens propres de l'époux qui s'est porté caution). Les biens communs sont ceux acquis à titre onéreux pendant le mariage, et ils concentrent en général la majeure partie de l'actif patrimonial des époux.
En revanche, sont exclus du droit de gage du créanciers les biens propres à l'époux non-caution.
Mais les gains et salaires de l'époux non-caution sont parfois portés en compte, sur un compte joint, et infiltrent la communauté. Ainsi, l'époux non-caution ne trouve pas à l'abri d'une saisie des salaires portés en compte.
En conclusion, l'article 1415 du Code civil aborde la composition active et passive de la communauté de biens entre époux sous un angle protecteur. Le créancier devra s'assurer du consentement de l'époux non-caution afin de se garantir efficacement. Il aura tout intérêt à demander aux deux époux de se porter cautions solidaires, et dans ce cas, l'ensemble des biens des époux entrera dans le droit de gage du créancier (les biens propres de chacun et les biens communs).
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.
Vous pouvez me poser vos questions sur conseiller juridique.net : http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm
Joan DRAY
Avocat à la Cour
joanadray@gmail.com
76/78 rue Saint-Lazare
75009 PARIS
TEL:09.54.92.33.53
FAX: 01.76.50.19.67