L’étendue du pacte de préférence

Publié le Modifié le 23/03/2015 Vu 15 631 fois 0
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La Cour de cassation a rappelé dans une décision du 21 octobre 2014 que le droit de préférence consenti par le bailleur au locataire en cas de cession des locaux loués ne s’applique pas en cas de cession des parts de la société à laquelle les locaux ont été apportés.

La Cour de cassation a rappelé dans une décision du 21 octobre 2014 que le droit de préférence consenti pa

L’étendue du pacte de préférence

La Cour de cassation a rappelé dans une décision du 21 octobre 2014 que le droit de préférence consenti par le bailleur au locataire en cas de cession des locaux loués ne s’applique pas en cas de cession des parts de la société à laquelle les locaux ont été apportés.

Le pacte de préférence est le contrat par lequel le propriétaire d'un bien s'engage, au cas où il l'aliénerait, à donner préférence à une partie, si celle-ci accepte de payer le prix proposé par un acquéreur intéressé ou d'ores et déjà fixé.

Le pacte de préférence n'est pas pour le propriétaire un acte de disposition parce que celui-ci n'a, à ce stade, ni vendu ni promis de vendre.

  • Les conditions de validité du pacte :

Le pacte est valable même si le prix de la chose dont la vente est envisagée n'est pas fixée par lui, car il n'est pas dans le nature du pacte de préférence de prédéterminer le prix du contrat envisagé et qui ne sera conclu, ultérieurement, que s'il advient que le promettant en décide ainsi.

Dès lors, s'agissant d'une priorité de reprise sur des contrats de courtage assurés en commun par les parties, il a été que le promettant conservait, pour l'exécution de du pacte, la liberté de fixer les conditions de la cession envisagée et d'en déterminer le prix (Cass. 1e civ., 6 juin 2001, RJDA 1/02 n° 25).

De même, la stipulation d'un délai n'étant pas une condition de validité du pacte de préférence (Cass. 3e civ. 15-1-2003, n° 2 : RJDA 4/03 n° 371).

En revanche, le pacte de préférence doit déterminer son objet.

  • L’exercice du droit de préférence :

Par le pacte de préférence, le promettant contracte une obligation de faire. Il ne s'engage pas à vendre l'immeuble mais, simplement, s'il décide de le vendre, à l'offrir en priorité au bénéficiaire du pacte, aux conditions qu'il fixe lui-même ou proposées par un tiers.

Encore faut-il qu'il n'ait pas renoncé à son bénéfice, même tacitement en ne s'en prévalant pas lorsqu'il a eu connaissance de la vente du bien concerné à un tiers, en payant ses loyers à celui-ci (Cass. 3e civ., 3nov. 2011, no 10-20.297).

Quand le promettant désire vendre, il doit notifier au bénéficiaire tous les renseignements relatifs au contrat projeté et surtout le prix qu'il fixe ou que propose un tiers acquéreur potentiel et les conditions générales de la vente.

Cette notification n'est soumise à aucun formalisme sauf si le pacte impose des formes particulières, elle peut donc se faire par lettre recommandée avec avis de réception ou par exploit d'huissier, voire par lettre simple.

Le pacte de préférence ne semble s'appliquer qu'en cas de vente volontaire, et non en cas de vente forcée de l'immeuble, ni en cas de donation (Cass. 1re civ., 18 oct. 1983, no 82-13.900).

La Cour de cassation a récemment réaffirmé la limitation de l’étendue du droit de préférence à l’hypothèse de la vente (Cass. com. 21 octobre 2014 n°13-22.506 ; n° 929 F-D).

En l’espèce, un bail commercial accordait au locataire un droit de préférence sur les locaux loués si le bailleur décidait de les vendre.

Après le décès du bailleur, ses enfants, cohéritiers, avaient fait apport des locaux loués à une SCI dont ils étaient devenus associés, quelques mois plus tard, l’un d’eux avait cédé ses parts dans la SCI à un neveu.

Le locataire avait demandé l‘annulation de la cession pour violation de son droit de préférence.

La Cour de cassation rejette logiquement la demande et considère que : « la cession des parts représentant le capital d'une société constitue une opération mobilière qui ne relève pas du pacte de préférence ».

La juridiction suprême rappelle par la présente qu’un droit conventionnel de préférence ou de préemption est d'interprétation stricte.

Ainsi, le pacte donnant un droit de préférence au locataire si le bailleur dispose des locaux à titre onéreux n’a pas vocation à s’appliquer en cas d’apport des locaux à une société (Cass. 3e civ. 15-1-2014 n° 12-35.106 : BRDA 4/14 inf. 15).

La cession de parts ou d’actions d’une société qui détient un fonds de commerce ou un immeuble ne s’analyse pas en une cession de ces actifs, de sorte qu’elle n’entre pas dans le champ d’application du droit de préférence.

  • La violation du pacte de préférence :

Le pacte de préférence n'engendrant pour son bénéficiaire qu'un droit purement personnel, la vente consentie à un tiers contrairement à ce pacte lui est opposable.

Le bénéficiaire ne peut donc exiger que des dommages-intérêts à raison de la violation d'une obligation de faire.

Toutefois, en cas de vente consentie à un tiers par le promettant, au mépris d'un pacte de préférence, la nullité de cette vente ne peut être ordonnée que si l'acquéreur a eu connaissance, non seulement de l'existence de la clause de préférence, mais encore de l'intention de son bénéficiaire de s'en prévaloir (Cass. 3e civ., 26 oct. 1982, no 81-11.733).

L'annulation de la vente ne s'impose pas et relève de l'appréciation souveraine des juges du fond quand le tiers acquéreur n'a pas été complice de la fraude et a seulement eu connaissance de l'existence du droit de préférence.

Par un arrêt rendu en chambre mixte le 26 mai 2006, la Cour de cassation est allé plus loin en admettant dorénavant la substitution forcée du bénéficiaire au tiers si ce dernier a eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir (Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, nos 03-19.376).

Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.

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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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