L’obligation de paiement des loyers constitue un des devoirs principaux incombant au locataire, quelle que soit la nature de son bail.
Cependant, la procédure d’expulsion, engagée sur autorisation judiciaire, vise à assurer certaines garanties au profit du locataire.
La question s’est posée à propos d’une société ayant acquis une deuxième société suite à l’ouverture d’une procédure collective (CE 22 octobre 2010 n° 328721, SCI RG Coche).
Cette deuxième société était titulaire d’un bail commercial et le bailleur, souhaitant procéder à son expulsion, a obtenu une ordonnance d’expulsion à son encontre uniquement.
Avant qu’il ne demande au préfet le concours de la force publique, cette deuxième société est achetée et c’est son acquéreur qui devient locataire à sa place.
Estimant que l’ordonnance était néanmoins valable car cette dernière précisait être applicable à la personne désignée ainsi qu’à « tous occupants de son chef », et contestant le refus de concours de la force publique, le bailleur a engagé une action en responsabilité contre l’Etat devant les juridictions administratives.
Le tribunal administratif a débouté le bailleur de ses demandes et le Conseil d’Etat a rendu un arrêt confirmatif, définitivement rejetant les prétentions du demandeur.
Il a retenu que la société ayant acquis celle titulaire du bail ne pouvait pas être considérée comme un « occupant de son chef » car elle était une « personne morale distincte » et que la cause de l’occupation des locaux par cette dernière réside dans le « jugement du tribunal de commerce lui ayant cédé les actifs situés dans ces locaux et transféré les contrats de travail des salariés qui y étaient en poste ».
Il convient de préciser que le Tribunal ne saurait en principe modifier les contrats dont il impose le transfert aux cessionnaires.
Le contrat de bail doit être executé aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure, nonobstant toute clause contraire.
Ainsi, une importante précision sur le sens et la portée restrictive qu’il convient de prêter à la notion d’occupation continue des locaux du chef du locataire.
En conséquence de quoi, le cessionnaire ne saurait être qualifié d'occupant sans droit, ni titre.
Le bailleur aurait-il pu s'opposer à la cession du bail en invoquant une clause d'agrement qui figurait dans le bail commercial?
Lors des cessions judiciaires, de nombreux bailleurs invoquent l'existence d'une clause d'agrément pour s'opposer à la cession du bail à un acquéreur dont il ignore la solvabilité.
La jurisprudence s'est clairement prononcée sur ce sujet en privant d'effet toute clause prévoyant l'agrément du cessionnaire par le bailleur et ce alors même que cette clause était valable.
Il ne faut pas oublier que dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le Tribunal détermine les contrats de location nécessaires au maintient de l'activité et que le jugement qui arrête le plan emporte cession des contrats.
Cela est logique car il ne faut pas oublier que la volonté du législateur est le sauvetage de l'entreprise et de l'emploi et qu'en permettant au bailleur de s'y opposer, il compromettrait gravement la mise en place d'un plan.
En revanche, une telle clause présente un intêret certain puisqu'elle permet au bailleur de contrôler la solvabilité du cessionnaire, ce que le Tribunal appréciera.
Je me tiens à votre disposition pour tous rensignements complémentaires.
Cabinet Maître Joan DRAY