Les facteurs de commercialité et le déplafonnement des loyers du bail commercial :
Les propriétaires de locaux commerciaux invoquent souvent la modification des facteurs de commercialité au moment du renouvellement du bail.
En effet, cet argument peut leur permettre d’obtenir le déplafonnement du loyer et sa fixation à la valeur locative.
Par ailleurs, c’est le seul motif valable lors de la révision triennale du bail commercial.
Les facteurs locaux de commercialité sont définis à l’article 23-4 du décret du 30 septembre 1953. Ils dépendent de l’importance de la ville, du quartier ou de la rue, de la réparation des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport et de l’attrait particulier que présente l’emplacement.
La modification de ces facteurs locaux de commercialité fait l’objet d’une abondante jurisprudence.
Cet article a pour objet de préciser ce qui faut entendre par modification des facteurs locaux de commercialité.
Tout d’abord, il convient de rappeler que pour justifier le déplafonnement, la modification des facteurs locaux de commercialité doit être intervenue entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif (Cass. 3e civ., 11 déc. 1996 : Gaz. Pal. 1997, 1, p. 208).
Toutefois, il ne suffit pas qu’une telle modification soit constatée. Il faut que l’amélioration de la commercialité présente un intérêt pour le commerce considéré.
En effet, une même modification peut avoir des incidences tout à fait différentes sur des commerces distincts.
A cet égard, la Cour de cassation est venu préciser qu’il convenait de tenir compte non pas de la destination contractuelle mais du commerce effectivement exercé par le locataire (Cass 3ème civ 31 mars 1998 Loyers et Copr, 1998 n°215).
- Une modification notable :
De même, la modification ne peut justifier le déplafonnement que si celle-ci est notable.
La Cour de cassation dans un arrêt du 13 juillet 1999 a jugé que pour apprécier cette modification notable, il n’y avait pas lieu de distinguer entre modification favorable ou défavorable au locataire (Cass 3ème Civ 13 juillet 1999 Gaz Pal du 18 septembre 1999).
En l’espèce, il était établi que le quartier dans lequel l’officine de pharmacie se situait avait connu une forte baisse de population. Les juges du fond avaient estimé que cette modification défavorable de la commercialité ne pouvait pas justifier un déplafonnement du loyer. La décision fut cassée.
Toutefois, cette jurisprudence est due aux circonstances particulières de l’espèce.
En effet, ce déplafonnement ne présentait un intérêt pour le bailleur qu’en raison du loyer contractuel anormalement sous évalué.
- La prise en compte de l’activité du sous locataire :
La jurisprudence considère que la modification de ces facteurs locaux de commercialité s’apprécie au regard de l’ensemble des activités exercées dans les locaux loués, sous location incluse.
A cet égard, on peut notamment citer un arrêt de la Cour de cassation du 8 décembre 2010 qui rappelle ce principe (Cass 3ème civ 8 décembre 2010 n°09-70784).
En l’espèce, un bailleur voulait obtenir le déplafonnement du loyer d’un local loué à titre principal du fait de l’impact des facteurs locaux sur l’activité du locataire et du sous locataire occupant une partie des lieux.
La Cour d’appel a rejeté le bailleur en considérant que l’activité du sous locataire ne pouvait être prise en compte pour déterminer si la valeur locative avait notablement été modifiée et qu’il n’y avait pas des facteurs locaux de commercialité.
La Cour de cassation a censuré la Cour d’appel en estimant qu’elle aurait du prendre en compte l’activité du sous locataire pour mesure l’évolution des facteurs locaux de commercialité.
- L’absence de prise en compte de l’évolution du chiffre d’affaire :
Il convient de rappeler que le chiffre d'affaires n'est pas un élément de la valeur locative.
En conséquence, la Cour de cassation rappelle qu'en cas de modification des facteurs locaux de commercialité, le loyer doit être déplafonné même si les résultats du commerce considéré ont stagné (Cass. 3e civ., 29 mars 1995 : Rev. loyers 1995, p. 346).
En effet, elle considère que les juges n'ont pas à tenir compte de la situation économique du moment (Cass. 3e civ., 31 mars 1994 : Rev. Loyers 1994, p. 446) ni de l'évolution du chiffre d'affaires du locataire (Cass. 3e civ., 11 déc. 1996 : Gaz. Pal. 1997, 2, pan. jurispr. p. 196).
Cependant, il est vrai que dans la jurisprudence récente, la Cour de cassation insiste sur l’intérêt que la modification présente in concreto pour le locataire.
Dès lors, la baisse ou la hausse du chiffre d’affaire peut constituer un indice pour apprécier l’évolution des facteurs locaux de commercialité (CA Paris, 8 oct. 1996 : D. affaires 1997, p. 107).
Enfin, il convient de préciser que la modification des facteurs locaux de commercialité relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. 3e civ., 17 nov. 1998 : JurisData n° 1998-00433).
Mais la Cour de cassation contrôle la recherche, par les juges du fond, de l'incidence des modifications alléguées sur les activités du preneur (Cass. 3e civ., 24 nov. 1993 : Rev. loyers 1994, p. 151).
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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