Faute de gestion et responsabilité d'un dirigeant : les exemples jurisprudentiels

Publié le Modifié le 11/07/2014 Vu 27 913 fois 0
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Le dirigeant d'une société mise en liquidation judiciaire peut être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif s'il a commis une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance (article L 651-2, alinéa 1 du Code de commerce).

Le dirigeant d'une société mise en liquidation judiciaire peut être condamné à supporter tout ou partie d

Faute de gestion et responsabilité d'un dirigeant : les exemples jurisprudentiels

Le dirigeant d'une société mise en liquidation judiciaire peut être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif s'il a commis une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance (article L 651-2, alinéa 1 du Code de commerce).

Si plusieurs fautes sont retenues, chacune d'entre elles doit être caractérisée par le juge (Cour de cassation, chambre commerciale, 15 décembre 2009, N° 08-21.906).
Le dirigeant de fait encourt les mêmes responsabilités que le dirigeant de droit. Ainsi, il ne peut pas échapper à sa condamnation pour non-tenue de la comptabilité en soutenant qu'une telle faute de gestion ne peut être imputée qu'au dirigeant de droit (Cour de Cassation, chambre commerciale, 11 décembre 2012, N° 11-22.436).


Toute faute de gestion, toute imprudence ou négligence, peut donc entraîner la mise en cause de la responsabilité des dirigeants sociaux. Une action en comblement de passif peut être dirigée contre eux en vue de reconstituer l'actif de la société.


Le demandeur à l'action en comblement de passif doit prouver deux choses :

  • l'existence d'une faute de gestion de la part du dirigeant ;

Il faut constater l'existence de fautes de gestion et établir qu'elles ont été commises par le dirigeant poursuivi (Cassation, chambre commerciale, 16 avril 1996)

  • un lien de causalité entre cette faute et l'insuffisance d'actif

De nombreux exemples de fautes de gestion existent en jurisprudence et illustrent la diligence quotidienne incombant au dirigeant d'une société.

I/ Des exemple de fautes de gestion retenues par la jurisprudence comme ayant contribué à l'insuffisance d'actif

Il a été jugé qu'est constitutif d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif le fait pour un gérant de n'avoir pas déclaré la cessation des paiements de sa société dans le délai légal même s'il n'a différé sa déclaration que sur les conseils d'un tiers, fût-ce le président du tribunal de commerce (Cassation, chambre commerciale, 30 novembre 1993).

Le retard dans la déclaration de cessation des paiements s'apprécie à partir de la date effective de cessation des paiements, qui peut être antérieure à celle retenue par le jugement d'ouverture ; en effet, pour la sanction du comblement de passif, le juge n'est pas tenu par la limitation de délai de report de la date de cessation des paiement (Cassation, chambre commerciale, 30 novembre 1993 et Cour d'Appel de Paris, 18 février 2000, RJDA 11/00 n° 1023).

Est constitutif d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif le fait pour une personne, devenue administrateur pour rendre service au président, de ne s'être aucunement préoccupée de la bonne marche de la société, alors qu'en acceptant ses fonctions tout administrateur est tenu à une surveillance et à un contrôle sérieux de la gestion de la société, même s'il n'a qu'un intérêt limité dans celle-ci (Cassation, chambre commerciale, 31 janvier 1995).

Est constitutif d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif le fait de n'avoir été présent au siège de l'entreprise qu'un jour par semaine, en déléguant la plupart de ses pouvoirs à des collaborateurs qu'il savait incompétents (Cassation, chambre commerciale, 11 juin 1991, RJDA 10/91 n° 852) .

Est constitutif d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif le fait pour des gérants d'avoir fait preuve d'une totale incompétence en aboutissant, après trois ans d'activité, à une insuffisance d'actif de treize millions de francs (presque 2 millions d'euros) et d'avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire en ne procédant au dépôt de bilan qu'après avoir été assignés en redressement judiciaire (Cassation, chambre commerciale, 14 mai 1991, Bull. civ. IV n° 164).

A été jugé constitutif d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif le fait pour un dirigeant d'avoir choisi un financement inadapté pour la réalisation de travaux et d'avoir fait souscrire par la société un contrat d'assurance-vie à son profit (Cassation, chambre commerciale, 25 novembre 2008, N° 07-11.549).

Est constitutif d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif le fait d'avoir créé une société sans apporter de fonds propres suffisants pour assurer son fonctionnement dans des conditions normales et d'avoir poursuivi l'activité de la société sans prendre aucune mesure pour remédier à cette insuffisance de fonds propres (Cassation, chambre commerciale, 23 novembre 1999, RJDA 4/00 n° 457).

Récemment, il a été jugé que constituait une faute de gestion la distribution de plus d'un million d'euros de dividendes, intervenue alors que la société venait de perdre son principal client et que le bilan laissait apparaître des dettes fiscales et sociales supérieures à 1,24 million d'euros. La Cour d'Appel de Paris a par suite condamné le dirigeant à supporter à hauteur de 180 000 € l'insuffisance d'actif évaluée à 187 000 € (Cour d'appel de Paris, 8 avril 2014, N°13/06822, Yahoui c/ SCP Brouard Daudé).
En revanche, la cour d'appel a estimé que cette distribution de dividendes non fictifs, régulièrement décidée par l'assemblée générale hors période suspecte, ne justifiait pas la mise en faillite personnelle du dirigeant car elle ne caractérisait pas un détournement ou une dissimulation de tout ou partie de l'actif social (article L 653-4, 5° du Code de commerce).

II/ La responsabilité des dirigeants écartée dans certains cas

La jurisprudence a néanmoins écarté la responsabilité d'un dirigeant lorsque la défaillance de l'entreprise a eu pour origine la conjoncture économique (Cour d'Appel de Paris, 20 octobre 2009, N° 08-2971), notamment le dépôt de bilan de plusieurs clients (Cassation, chambre commerciale, 31 mars 1998, RJDA 6/98 n° 777, 1e esp.) ;

N'est pas constitutif d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif le faible retard dans la déclaration de cessation des paiements a été dû notamment à des pressions des pouvoirs publics (Cassation, chambre commerciale, 18 janvier 2000, RJDA 6/00 n° 704).


De même encore, aucune faute positive de gestion n'a été retenue à l'encontre des administrateurs d'une SA qui disposaient d'une marge de manoeuvre limitée compte tenu des liens familiaux les unissant au président, décideur unique, qui ont averti celui-ci de la nécessité de déclarer la cessation des paiements dès qu'ils ont eu connaissance de la situation de la société, à qui aucun manquement dans le contrôle des comptes ne peut être reproché, les informations ne leur ayant pas été communiquées, et qui n'ont tiré aucun profit personnel de la situation (Cour d'Appel de Paris, 30 mars 2004, N° 03-13812).

Pour finir, il faut rappeler que la responsabilité des dirigeants ne peut être engagée que pour les actes de gestion antérieurs au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire (Cassation, chambre commerciale, 28 février 1995,  RJDA 5/95 n° 651 et Cassation, chambre commerciale, 14 mars 2000, RJDA 7-8/00 n° 788).
 

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Joan DRAY
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