La cession d’un fonds de commerce intéresse les créanciers du vendeur, qui peuvent vouloir déjouer une dissimulation du prix ou une sous-évaluation du fonds par exemple.
Tous les créanciers du vendeur peuvent faire opposition, peu important que leur créance soit civile ou commerciale, qu'elle soit affectée d'un terme ou d'une condition.
Les créanciers dont la créance est incertaine ne peuvent pas faire opposition (Cass. com. 21 janvier 1974, Bull. civ. IV n° 25).
Quant au délai d'opposition, celui-ci est de dix jours à compter de la dernière des publications mises à la charge de l'acquéreur.
Ce délai ne court que si la publication est régulière. Selon la Cour régulatrice, l'opposition formée après l'expiration du délai est recevable à défaut d'indication dans l'avis de publication de ce délai de dix jours (Cass. com. 16 janvier 1996).
En revanche, l'opposition formée hors délai est nulle (Cass. com. 24 février 1981, Bull. civ. IV n° 101).
La vente doit donc être publiée dès sa conclusion afin d'ouvrir aux créanciers du vendeur le droit de faire opposition au paiement du prix.
Pour être certains que le fonds soit cédé à sa valeur réelle, ils peuvent demander sa revente aux enchères, avec une mise à prix augmentée d'un sixième du montant du prix de vente.
Ce n'est qu'à défaut d'une intervention des créanciers que l'acquéreur peut verser le prix au vendeur.
Cette publication est faite « à la diligence de l'acquéreur » (C. com. art. L 141-12).
Le paiement fait en violation des « formes prescrites » pour les publications, ou avant l'expiration du délai de dix jours ne libère pas l'acheteur à l'égard des créanciers du vendeur (C. com. art. L 141-17).
Il en résulte que ces derniers peuvent pour obtenir paiement de leurs créances contraindre l'acheteur à reverser tout ou partie du prix déjà payé.
L'acquéreur qui paie prématurément n'est donc pas libéré à l'égard des créanciers du vendeur, peu important qu'ils aient fait opposition ou non (Cass. com. 24-5-2005).
Néanmoins, seul le paiement est inopposable, le transfert de la propriété du fonds est lui opposable par l'acquéreur, même à défaut de publication (Cass. com. 15-6-2010 n° 09-67.057).
Par une décision rendue en mai 2011, la Cour de cassation apporte pour la première fois une précision pour les créanciers opposants : ils peuvent obtenir de l'acquéreur, qui commet une telle faute, la totalité des sommes dues par le vendeur. (Cass. com. 24 mai 2011 n° 10-18.074 (n° 491 F-PB), Comptable des impôts du service des impôts des entreprises de Lunel c/ Sté Accueil Meunières).
L'acquéreur d'un fonds de commerce avait payé une partie du prix par compensation avec une créance sur le vendeur et consigné le solde entre les mains d'un séquestre.
Le receveur des impôts, créancier du vendeur, avait fait opposition puis avait notifié des redressements complémentaires après l'expiration du délai d'opposition.
N'ayant obtenu paiement qu'à hauteur de l'opposition, il avait poursuivi l'acquéreur en paiement du solde de sa créance à titre de dommages-intérêts.
Doit être censurée la décision d'une cour d'appel qui, pour rejeter cette demande, a retenu que le receveur des impôts ne justifiait plus d'aucun préjudice puisqu'il avait reçu la somme correspondant au montant de son opposition et que le paiement par compensation n'était pas constitutif d'une faute pour les sommes non visées par l'opposition.
En effet, la faute commise par l'acquéreur qui paie le prix de vente prématurément prive les créanciers du vendeur opposants de la totalité des sommes qu'ils auraient pu obtenir lors de la distribution du prix de cession et non des seules sommes au titre desquelles ils ont fait opposition.
Notons que cette solution est bien sûr transposable à un litige non fiscal, la Cour ayant déjà statué, à l'occasion d'un litige non fiscal, que le paiement prématuré par l'acquéreur au vendeur est inopposable aux créanciers du vendeur même s'ils n'ont pas fait opposition au paiement du prix (Cass. com. 24 mai 2005).
Le prix rendu indisponible est insaisissable par les créanciers du vendeur (Cass. 2e civ. 16 mars 2000).
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements complémentaires.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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